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Travaux de rénovation énergétique, les spécificités du bâti ancien (enfin) intégrées

Depuis le 1er janvier, les copropriétaires entreprenant le ravalement de leur immeuble sont tenus, à cette occasion, de recouvrir la façade d’un isolant extérieur. Objectif: améliorer la performance énergétique des logements. Un nouveau décret est attendu, qui devrait ajuster cette obligation aux particularités du bâti ancien. Dans l’intervalle, soyez prudent si vous lancez des travaux.

Les façades des immeubles anciens seront finalement préservées. Fin novembre, la ministre de l’Environnement, Ségolène Royal, a accepté, sous la pression des associations de défense du patrimoine, réunies au sein du G8 (1) portant sur cette thématique, de revoir sa copie. En cause, le décret(2) sur les travaux d’isolation thermique, rendus obligatoires à l’occasion de gros travaux de rénovation dans les immeubles (3). Paru en mai dernier, le texte d’origine aura donc fait long feu. Un projet modificatif (4), dont nous avons eu connaissance, devrait prendre la relève d’ici à mars. Au cœur de la fronde, la problématique spécifique de l’isolation thermique par l’extérieur (ITE), qui doit désormais être couplée à une opération de ravalement. Des travaux «embarqués», accusés par leurs détracteurs de mettre en péril des milliers de façades ; alors que la préservation des spécificités architecturales du bâti existant fait partie des objectifs affichés dans le cadre de la loi mettant en place la transition énergétique.
Petit coup de projecteur sur la réglementation actuelle pour comprendre. Seul un ravalement important peut justifier «l’embarquement» de la performance énergétique, selon des critères définis par le décret: «réfection de l’enduit existant, remplacement d’un parement existant, ou mise en place d’un nouveau parement concernant au moins 50 % d’une façade du bâtiment hors ouvertures». Le texte assortit cette contrainte d’isolation d’une batterie de dérogations, en particulier en cas de «risque de pathologie du bâti lié à tout type d’isolation» - ce qui englobe implicitement la technique de l’ITE.

Dix millions de bâtiments en jeu

Le décret, dans sa rédaction actuelle, exige qu’un architecte atteste du risque de pathologie. Ce qui est absurde, compte tenu du parc de logements concerné. «Dix millions de bâtiments édifiés avec des murs composés de pierre, de bois ou en torchis sont visés, grosso modo ceux datant d’avant 1948. Soit un tiers du parc de l’Hexagone!», s’offusque ainsi Philippe Toussaint, porte-parole du G8 Patrimoine. Un syndic implanté dans l’Ouest parisien, récemment mandaté pour effectuer des travaux de ravalement pour l’une des copropriétés qu’il gère, ne dit pas autre chose… Sous couvert d’anonymat: «Faire constater par un homme de l’art que l’immeuble est soumis à dérogation - et donc induire des frais supplémentaires pour le syndicat - est superflu. Surtout lorsqu’un diagnostic concernant l’état de la façade a déjà été effectué pour évaluer la faisabilité technique du ravalement.» Qui plus est, l’ITE induit presque systématiquement un risque de pathologie. Elle porte en effet atteinte, par définition, à l’inertie naturelle des murs (comportement face aux variations de température), ainsi qu’à leur respiration saisonnière, indispensable.
La mouture actuelle du décret n’est par ailleurs pas à une incohérence près: il renvoie, de manière indirecte (5) à un arrêté en date du 3 mai 2007 pour apprécier le niveau de performance thermique devant être atteint par l’isolation, lequel arrêté énonce que seules les façades constituées de matériaux «industriels» sont concernées par ces calculs techniques de résistance. Le bâti ancien est donc exclu de fait. Prenant acte des imperfections du texte, la ministre Ségolène Royal s’est donc attelée à une nouvelle version destinée à clarifier les choses.

Une liste de matériaux autorisés

L’objectif du décret modificatif est de préciser la nature des parois concernées par l’obligation de réaliser une ITE. En procédant à une énumération limitative des matériaux concernés, plutôt qu’à un découpage artificiel, par époque de construction, des immeubles. Il s’agit des «briques industrielles, (des) blocs béton industriels ou assimilés, (du) béton banché (armé, ndlr) ou (des) bardages métalliques». Les façades qui n’en sont pas pourvues échappent donc à l’obligation d’isolation thermique en cas de ravalement important. Il en va de même des bâtiments protégés et de ceux bénéficiant du label XXe siècle, échappant déjà à la contrainte de l’ITE en application de l’arrêté précité. Si ce projet de modifications met un terme aux inquiétudes des défenseurs du patrimoine, ces derniers entendent veiller à ne pas exclure pour autant le bâti ancien de l’effort collectif en faveur de la transition énergétique. Ce qui passe par une prise de conscience, y compris au niveau des copropriétés, des solutions techniques particulières d’isolation dans le bâti traditionnel. «Ses qualités thermiques intrinsèques peuvent le rendre aussi performant qu’une construction des années 1990. Mais l’isolation des toitures par les combles, plus efficace et respectueuse de ces constructions, est à privilégier», conclut Philippe Toussaint. Une piste qu’il ne faut pas hésiter à explorer. D’autant que l’article 10 du projet de loi de finances pour 2017 prévoit la prorogation d’un an du Crédit d’impôt pour la transition énergétique (Cite), cumulable avec l’éco-prêt à taux zéro (éco-PTZ), qui plus est sans conditions de ressources.
Marianne Bertrand

(1) Le G8, qui a formé un recours gracieux au Conseil d’État contre le décret (voir note 2), regroupe les associations nationales Demeure historique, Maisons paysannes de France, Fédération patrimoine environnement, Rempart, La sauvegarde de l’art français, Sites et monuments et Vieilles maisons françaises. (2) Décret n° 2016-711 du 30.5.16 (relatif aux travaux d’isolation en cas de travaux de ravalement de façade, de réfection de toiture ou d’aménagement de locaux en vue de les rendre habitables) pris en application de l’article 14 de la loi n° 2015-992 du 17.8.15 (relative à la transition énergétique pour la croissance verte). (3) Les maisons individuelles sont également concernées. (4) Projet transmis au Conseil d’État à l’heure où nous mettons sous presse. (5) Art. 1 du décret citant l’article R. 131-28 du Code de la construction et de l’habitation.

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