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L'emprunt immobilier en cas de séparation

Lorsqu’un couple se sépare, le logement acheté avec un emprunt est en général vendu, ou l’un rachète la part de l’autre. En cas de difficultés lors du partage, ce sont les règles du régime matrimonial qui s’appliquent pour les époux (art. 1387 à 1581du code civil) et celles de l’indivision pour les concubins et partenaires de pacs (art. 815-13 du code civil). Des litiges surviennent souvent lorsque l’un des deux membres du couple a davantage contribué au remboursement du prêt que l’autre. C’est le juge qui décide si cela doit donner lieu à une indemnité ou être considéré comme une participation normale aux charges du ménage.

Même s’il s’est séparé, le couple reste engagé vis-à-vis de la banque

Lorsqu’un couple - qu’il soit marié, pacsé ou en concubinage - emprunte pour acheter un bien immobilier, les banques exigent généralement que les deux membres du couple soient co- emprunteurs solidaires. En cas de défaut de paiement, la banque peut alors poursuivre en justice les deux signataires. Ces derniers sont tenus de rembourser la totalité du solde de l’emprunt, solidairement. Cette solidarité signifie que la banque peut recouvrer la totalité de la somme auprès d’un seul emprunteur. Celui-ci devra se retourner contre l’autre pour le paiement de sa part. Si, après la séparation d’un couple, leur logement n’est pas vendu et si l’un des deux continue à l’habiter et à rembourser le crédit immobilier, la banque peut poursuivre l’autre en cas d’impayés. La séparation ne modifie pas l’engagement donné dans le contrat de prêt (sauf si la banque a donné son accord pour libérer celui qui part, ce qui est rare).

La solidarité doit être prévue par le contrat

Pour qu’il existe une solidarité à l’égard de la banque, il faut que les deux emprunteurs aient signé le contrat de prêt (néanmoins, lorsque l’emprunt porte sur une petite somme nécessaire aux besoins de la vie courante, une seule signature engage les deux époux solidairement). Un mari a, par exemple, été jugé solidaire du paiement de deux prêts signés avec son épouse (CA de Paris du 13.11.14, n° 13/15842), mais pas de trois prêts immobiliers d’un montant total de 250 000 €, qu’il n’avait pas signés personnellement (sa femme ayant signé pour lui). Il faut aussi que la solidarité soit explicite et clairement indiquée dans l’acte de prêt (art. 1310 du code civil), sinon, la banque doit poursuivre chaque emprunteur pour sa part (cass. civ. 1re du 15.1.15, n° 13-27369).

Union libre : si un concubin a remboursé plus que l’autre, il peut être indemnisé

Les couples en union libre qui achètent un bien immobilier sont propriétaires en indivision. L’acte notarié indique généralement la part de chacun. Si ce n’est pas le cas, le bien est censé leur appartenir à chacun pour moitié. En cas de séparation, soit le logement est vendu et chaque concubin récupère sa part, soit l’un des concubins veut le conserver et il rachète alors la part de l’autre. Des litiges peuvent survenir lors du partage, si l’un des concubins a contribué plus que l’autre au financement du bien. Car si, logiquement, chacun doit rembourser l’emprunt à hauteur de sa part, dans les faits, il arrive que l’un rembourse plus que l’autre, voire assume tout.

La part de propriété de chacun est celle définie dans l’acte d’achat

La Cour de cassation estime que la part du bien récupérée par chaque concubin après la séparation est définie par l’acte d’achat, même si le financement n’a pas eu lieu dans les mêmes proportions (cass. civ. 1re du 19.3.14, n° 13-14989). Les juges ont ainsi considéré que deux concubins qui avaient acheté un bien immobilier à concurrence de la moitié chacun devaient partager le bien dans ces proportions. Le fait que l’un ait payé plus de la moitié des échéances du prêt n’y change rien (cass. civ. 1re du 31.3.10, n° 09-10542).

Un concubin peut demander à être dédommagé s’il a plus payé

Celui qui a participé plus qu’il ne devait peut toutefois demander à être dédommagé sur le fondement de l’article 815-13 du code civil (cass. civ. 1re du 20.1.10, n° 08-19739). Cet article précise que cette indemnisation doit tenir compte de l’equité et de la plus-value conférée au bien au moment du partage ou de la vente. Mais les juges peuvent rejeter cette demande quand les circonstances le justifient. Des concubins avaient ainsi acheté en indivision un terrain sur lequel ils avaient fait construire leur résidence principale. Après la séparation, le partage avait été prononcé et le concubin réclamait plus de 180 000 € à son ex-concubine au titre du remboursement de l’emprunt qu’ils avaient souscrits ensemble et qu’il avait payé seul. Les juges ont constaté que cette dernière avait financé d’autres achats pour le foyer et qu’il existait une volonté de partager les dépenses de la vie courante. Cela justifiait que le concubin conservât la charge des échéances du crédit immobilier (cass. civ. 1re du 13.1.16, n° 14-29746). Dans une autre affaire, où le concubin avait aussi remboursé les échéances du prêt, tandis que la concubine assumait les charges courantes, les juges ont eu la même analyse. Selon eux, en supportant les dépenses quotidiennes, cette femme permettait à son compagnon de payer toutes les mensualités du prêt. Il n’était donc pas juste qu’il lui réclame le remboursement de la moitié des échéances (cass. civ. 1re du 10.6.15, n° 14-18442).
Ce raisonnement n’est valable que pour les paiements effectués avant la séparation. Les juges considèrent que le concubin qui continue à rembourser seul les échéances du prêt, après la séparation du couple, a une créance sur l’indivision qui démarre le jour de la séparation et court jusqu’à la date du partage des biens (CA de Paris du 1.7.15, n° 14/12661). Pendant cette période, la prise en charge des mensualités du prêt ne peut plus être justifiée par le partage des charges communes.

Pacs : le partenaire qui a davantage contribué au paiement du crédit a un recours limité

Si vous avez souscrit un emprunt immobilier avant de vous pacser, ce sont les règles du concubinage qui s’appliquent (CA de Dijon du 13.7.16, n° 15/00762). Si vous l’avez souscrit après, tout dépend de la date de signature de votre pacs.

Pacs signé avant le 1er janvier 2007

Les partenaires sont présumés en indivision par moitié sur le bien acheté, sauf si l’acte d’acquisition mentionne une autre répartition. Dans ce cas, le partage consécutif à la séparation se fera dans les proportions indiquées dans l’acte, sans tenir compte du financement. Par exemple, si l’acte prévoit une indivision par moitié, le partenaire qui a remboursé 80 % du prêt ne peut pas obtenir plus que 50 % du bien (cass. civ. 1re du 4.3.15, n° 14-11278). Il peut cependant demander une indemnité à l’indivision sur le fondement de l’article 815-13 du code civil.

Pacs signé après le 31 décembre 2006

Les partenaires relèvent, en principe, du régime de la séparation de biens (art. 515-5 du code civil). Ils sont propriétaires à proportion de leur apport respectif, précisé dans l’acte. Si rien n’est indiqué, ils sont présumés propriétaires par moitié. Celui qui a remboursé l’emprunt au-delà de sa part peut réclamer une indemnité (art. 515-7 du code civil). Mais sa demande risque d’être rejetée si les circonstances le justifient: c’est le cas, par exemple, lorsqu’une mère ayant cessé de travailler pour s’occuper des enfants n’a pas remboursé sa part (CA de Versailles du 22.10.15, n° 13/07213). Les partenaires peuvent renoncer au régime de la séparation de biens et se placer sous celui de l’indivision par moitié. Le bien immobilier acheté après le pacs sera alors partagé en deux parts égales, quel que soit le financement, et sans recours possible en cas de contribution inégale (art. 515-5-1 du code civil).

Mariage : le bien acheté avec les revenus des époux mariés sans contrat est partagé par moitié

Quand des époux mariés sous le régime légal (c’est-à-dire sans avoir fait de contrat de mariage) ont acheté ensemble un bien immobilier en prenant un emprunt, les comptes sont plus simples en cas de divorce. Peu importe que l’un ait remboursé plus que l’autre. En effet, dans ce régime, les revenus du couple sont communs. La partie du bien qui a été financée avec l’emprunt immobilier appartient donc à chacun pour moitié. Le reste du bien se partage entre eux selon la provenance de leurs apports respectifs. Il ne sera donc pas nécessaire de faire les comptes, et celui qui a remboursé plus, voire la totalité de l’emprunt, ne pourra rien réclamer à ce titre à l’autre (cass. civ. 1re du 9.2.11, n° 09-72656).

Après la séparation, un dédommagement est possible

En revanche, une fois que le divorce a été prononcé et jusqu’à la liquidation de la communauté (c’est-à-dire le partage des biens entre les ex-époux), les biens acquis sont soumis à un régime d’indivision. Pendant cette période, si l’un des ex-époux continue à rembourser les échéances du prêt au-delà de sa part, il peut demander un dédommagement, puisque ses revenus ne sont plus des biens communs mais des biens propres. Or, les dépenses effectuées avec des biens propres sont réglementées par l’article 815-13 du code civil et peuvent donner lieu à une indemnisation (cass. civ. 1re du 11.5.12, n° 11-17497 et cass. civ. 1re du 28.1.15, n° 13-28493). Comme pour les concubins, l’indemnité doit être calculée en tenant compte de l’equité et de la plus-value conférée au bien au moment du partage ou de la vente (voir p. 83). Les juges pourront donc fixer un montant correspondant aux échéances effectivement versées entre le jour du divorce et celui du partage ou accorder une somme plus élevée, tenant compte de la valorisation du bien au jour du partage (cass. civ. 1re du 24.9.14, n° 13-18197).

Mariage : en séparation de biens, si un époux paie plus, il n’est pas toujours indemnisé

La question de l’emprunt immobilier dans le cas d’un couple marié en séparation de biens est plus complexe. Dans ce régime, chacun est propriétaire de ses biens et de ses revenus. En principe, lors de l’achat immobilier, le notaire précise la part de chaque époux dans le bien, et les modalités de remboursement du crédit (soit en fonction de leurs parts dans le bien, soit en fonction de leurs revenus). Logiquement, chacun devrait payer selon ces modalités. Mais dans les faits, l’un rembourse souvent plus que prévu. Étant juridiquement dans une situation d’indivision, il peut, au moment de la séparation, faire valoir ces paiements qui excédaient sa part (et ont enrichi le patrimoine de l’autre) et demander une indemnité à l’indivision sur le fondement de l’article 815-13 du code civil (cass. civ. 1re du 26.9.12, n° 11-22929). Si la question du remboursement de l’emprunt n’est pas évoquée dans l’acte d’achat immobilier, c’est le juge qui tranche.

Les mensualités peuvent être considérées comme une charge du ménage

De plus en plus souvent, les juges considèrent que le remboursement de l’emprunt pendant le mariage constitue, aux yeux des époux séparés de biens, une charge du ménage. C’est le cas si le mari rembourse le prêt, tandis que la femme paie les autres charges (CA de Poitiers du 23.2.11, n° 10/00274) ; ou si les mensualités sont prélevées sur le compte joint approvisionné par les époux en proportion de leurs salaires respectifs (CA de Poitiers du 6.6.07, n° 05/00492). Dans ces affaires, celui qui réclamait ce qu’il avait payé au-delà de sa part a vu sa demande rejetée. Les juges ont, en effet, estimé qu’en payant, il n’avait fait que régler sa contribution aux charges du mariage puisque, selon les articles 1537 et 214 du code civil, les époux prennent part aux dépenses proportionnellement à leurs facultés respectives. À moins de prouver que sa participation (fût-elle totale) excède ses facultés, un époux ne peut donc pas réclamer d’indemnité (cass. civ. 1re du 15.5.13, n° 11-24322). A fortiori, l’indemnisation n’est pas possible lorsque le contrat de mariage précise que chaque époux sera réputé avoir fourni, au jour le jour, sa part contributive aux charges du mariage, de sorte qu’aucun compte ne sera fait entre eux à ce sujet et qu’ils n’auront pas de recours l’un contre l’autre pour les dépenses de cette nature (cass. civ. 1re du 22.6.16, n° 15-21543).

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