Publicité

Pour résoudre vos litiges, passez par la médiation

Tous les conflits en matière de consommation peuvent désormais être réglés par la médiation. Une procédure gratuite et rapide qui devrait permettre de désengorger les tribunaux.

Depuis le 1er janvier, vous avez accès à un médiateur pour résoudre tous vos litiges en matière de consommation. Cette démarche ne se substitue pas à une procédure judiciaire: il est possible de saisir le juge, après ou à la place du médiateur, mais cela devrait permettre d’accélérer le règlement des conflits, sans payer de frais.

Cette nouvelle procédure, imposée par une directive européenne du 21 mai 2013 (n° 2013/11/UE), a été confirmée en France par la loi Hamon du 17 mars 2014 (loi consommation n° 2014-344). Désormais, un professionnel doit informer chaque client, lors de la conclusion d’un contrat de vente, de la possibilité de recourir à une procédure de médiation en cas de contestation (art. L 133-4 du code de la consommation - CC). Cette obligation a été transposée en France par ordonnance (n° 2015-1033 du 20.8.15) et les modalités pratiques du processus de médiation ont été précisées par décret (n° 2015-1382 du 30.10.15). Nous les détaillons ici, afin de vous aider à mieux comprendre ce mode de résolution des litiges qui va être amené à se développer.

Quels sont les litiges concernés par la médiation?

Tous ceux relatifs à la consommation, à l’exception de ceux liés à des prestations de santé (services médicaux, fourniture de médicaments… - art. L 151-4 du CC). Le professionnel peut, soit mettre en place son propre mécanisme de médiation, soit orienter le client vers un médiateur sectoriel ou public agréé. Actuellement, de nombreux secteurs marchands comme l’hôtellerie, l’artisanat ou la grande distribution n’ont pas encore de médiateur.. De plus, les médiateurs sectoriels déjà en place n’ont parfois pas d’autorité sur l’intégralité du secteur. Tel est le cas du médiateur des Communications électroniques, qui ne peut traiter que les litiges impliquant des opérateurs signataires de la charte de médiation (certains opérateurs virtuels de téléphonie mobile comme Leclerc mobile ne l’ont pas signée, par exemple). De même, le médiateur de l’Eau n’a pas d’autorité sur les nombreux distributeurs locaux n’ayant pas adhéré au service (en 2014, 14 % des dossiers n’ont pas pu être examinés par le médiateur de l’Eau pour cette raison).

Plusieurs médiateurs peuvent-ils être compétents pour un même litige?

Plusieurs organismes de médiation peuvent être compétents dans un même secteur. Par exemple, pour un litige avec EDF, vous pouvez saisir le médiateur de l’entreprise ou le médiateur de l’Énergie. Les associations de consommateurs souhaitaient la disparition des médiateurs privés, rémunérés par l’entreprise, mais la directive européenne permet la cohabitation de médiateurs privés avec des médiateurs sectoriels ou publics. Les médiateurs déjà en place vont donc subsister. Ils devront toutefois être agréés par la Commission d’évaluation et de contrôle de la médiation, à l’exception des médiateurs d’EDF et d’Engie (ex-GDF-Suez) qui signeront cet agrément avec le médiateur de l’Énergie. Les médiations nouvellement créées devront également obtenir l’aval de la commission d’évaluation. Il existe une procédure spéciale pour la mise en place de médiateurs d’entreprise. Ceux-ci doivent être désignés par une instance indépendante, comprenant des représentants de l’entreprise et des représentants des associations de consommateurs agréées (décret n° 2015-1607 du 7.12.15).

Une liste des médiateurs français de la consommation doit être envoyée à la Commission européenne, qui s’assurera que tous les secteurs sont bien couverts.

Si j’ai le choix entre plusieurs médiateurs, lequel dois-je saisir en priorité?

Lorsqu’il existe un médiateur d’entreprise et un médiateur sectoriel, vous avez le droit de saisir celui de votre choix (art. L 152-1du CC). Mais vous ne pouvez saisir qu’une seule fois l’un des médiateurs agréés (art. L 152-2 c du CC). Il existe une dérogation pour le médiateur de l’Énergie. Vous pouvez le solliciter, même si vous avez déjà saisi le médiateur d’EDF ou d’Engie. Sachez qu’il vaut mieux s’adresser d’abord au médiateur sectoriel, a priori plus indépendant, car il n’est pas rémunéré par une entreprise.

L’avis du médiateur s’impose-t-il aux parties?

Non. La directive européenne laissait la possibilité de rendre l’avis du médiateur contraignant, mais la France n’a pas retenu ce choix. Rares sont les professionnels qui s’engagent à suivre les conclusions d’un médiateur. La banque HSBC le fait, de même que le groupement de mutuelles d’assurances Gema, avant la fusion de son médiateur, en octobre 2015, avec celui de la Fédération française des sociétés d’assurances (FFSA). Cependant, dans la pratique, les conclusions rendues par les médiateurs sectoriels ou publics sont suivies à plus de 90 % par les professionnels. De plus, de nombreux dossiers trouvent une issue avant même la médiation. Chez le médiateur de la FFSA, par exemple, les «prémédiations» (échanges par courrier, e-mail ou téléphone entre les parties) favorables au client sont quasiment sept fois plus nombreuses que les recommandations aboutissant à un avis formalisé.

Les médiateurs sont-ils réellement indépendants?

Les médiateurs sont nommés pour 3 ans, au minimum, par une commission indépendante (voir encadré ci-dessus) rattachée à la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), qui dépend du ministère de l’Économie. Si la commission constate qu’un médiateur manque d’efficacité dans la défense des droits des consommateurs, elle peut décider de le destituer ou de ne pas renouveler son mandat. Chaque année, les médiateurs agréés doivent publier un rapport sur leur activité sur leur site internet. Celui-ci doit préciser la proportion de médiations aboutissant à un accord, de litiges qu’ils ont refusé de traiter, etc. «Nous verrons rapidement si ce nouveau dispositif fonctionne. Mais il faut saluer une avancée sur le plan de la transparence, grâce au contrôle d’une commission indépendante et à l’obligation de mettre en place, pour chaque médiateur, un site internet pour expliquer ses missions», se réjouit Benoît Javaux, avocat au cabinet August & Debouzy.

Dans les secteurs disposant d’un médiateur public (énergie et marchés financiers), le médiateur d’entreprise doit conclure avec le médiateur public une convention pour pouvoir exercer. D’autres mécanismes sont censés garantir l’indépendance du médiateur privé: il ne pourra pas travailler dans l’entreprise concernée durant les 3 ans suivant la fin de son mandat, aucun lien hiérarchique ne peut exister entre le médiateur et le professionnel qui l’emploie pendant l’exercice de sa mission, et il doit être rémunéré sans considération du résultat de la médiation (art. 153-1 du CC).

Comment être informé de l’existence d’un médiateur?

Les entreprises sont tenues de communiquer les coordonnées du médiateur dont elles relèvent (art. L. 156-1 du CC). Ces coordonnées doivent figurer, de manière visible, sur leur site internet ou dans leurs conditions générales de vente (art. R 156-1 du CC).«Vu la rédaction de cet article du code de la consommation, les coordonnées du médiateur risquent de se retrouver uniquement sur internet, dans les conditions générales de vente, craint Benoît Javaux. Or rares sont les clients qui les lisent. Nous espérons donc que la procédure de médiation figurera aussi dans la rubrique “foire aux questions” du site.»

De même, lorsqu’un client fait une réclamation auprès du service consommateurs d’une entreprise, celle-ci est tenue de lui communiquer les coordonnées du médiateur, si elle ne peut régler la question (art. L 156-1 et R 156-1 du CC). L’entreprise qui ne remplit pas ses obligations encourt 15 000 € d’amende (art. L 156-3 du CC).

Que dois-je faire avant de demander une médiation?

Vous n’êtes plus tenu de respecter le parcours fastidieux parfois exigé par l’entreprise pour accéder à la médiation. «Dans les banques, il fallait souvent faire remonter le litige à son chargé de clientèle, puis au directeur de l’agence, puis au service clients, avant de pouvoir saisir le médiateur», rappelle Hélène Feron-Poloni, avocate associée au cabinet Lecoq-Vallon & Feron-Poloni. Désormais, un simple courrier adressé au professionnel suffit. Si vous n’avez pas de réponse dans un délai de 2 mois, ou si la réponse ne vous satisfait pas, vous avez la possibilité de vous tourner vers la médiation. En revanche, si vous avez engagé une procédure judiciaire, vous ne pouvez plus saisir le médiateur.

Comment saisit-on le médiateur et est-ce gratuit?

Vous pouvez déposer votre demande de médiation sur le site internet du médiateur concerné, en y joignant les documents justificatifs. Vous avez également la possibilité de saisir le médiateur par courrier (art. L 154-1 du CC). La saisine du médiateur est gratuite. Vous n’aurez donc rien à payer si vous vous adressez à la médiation de l’entreprise ou du secteur concerné. En revanche, si vous vous faites assister par un avocat, un expert ou toute personne de votre choix, les frais seront à votre charge.

Quels sont les délais pour saisir le médiateur?

Vous avez un an, à partir de l’envoi de la réclamation écrite à l’entreprise concernée. Sachez que si vous entamez une procédure de médiation, la prescription de 5 ans en matière de droit commun (art. 2224 du code civil) est alors interrompue pendant toute la durée de la médiation (art. 2238 du code civil). Ce qui vous laissera la possibilité de saisir la justice si la médiation échoue.

De combien de temps le médiateur dispose-t-il pour rendre sa décision?

Actuellement, les délais de médiation varient en fonction du secteur (68 jours, en moyenne, pour l’énergie, plus de 3 mois pour les assurances, etc.). Désormais, la médiation doit aboutir dans les 90 jours (art. R 152-5 du CC). Le médiateur peut prolonger ce délai, en cas de litige complexe. Il doit alors avertir le client et le professionnel (art. R 152-5 du CC). Le décret ne précise pas le délai dont bénéficie le particulier pour accepter ou décliner la proposition. Il est fixé par le médiateur lorsqu’il rend son avis. En cas de rejet de votre demande, le médiateur doit vous en informer sous 3 semaines (art. L 152-2, dernier alinéa, du CC).

Si j’accepte le règlement de la médiation, puis-je ensuite contester la décision devant les tribunaux?

Non, car en signant l’accord de médiation, vous renoncez à porter le litige devant les tribunaux. Sauf, bien entendu, si le professionnel a dissimulé certaines informations ou si des éléments nouveaux concernant votre réclamation apparaissent. Dans tous les cas, le médiateur précise, dans son avis, quels seront les effets juridiques si vous acceptez sa solution.

Que faire si la médiation échoue?

En cas d’échec, vous pouvez saisir les tribunaux. La médiation étant confidentielle, vous ne pourrez pas produire les échanges avec le médiateur devant la justice. Si le médiateur émet un avis favorable pour vous et que le professionnel ne le suit pas, vous avez toutes les chances de gagner devant un tribunal. Sur la vingtaine de cas répertoriés par le médiateur de l’Énergie, 95 % des décisions de justice ont été favorables au consommateur.

Ce qu’il faut retenir:

  • Depuis le 1er janvier,tout professionnel distribuant des biens, des services ou des placements doit fournir à ses clients les coordonnées du médiateur dont il dépend.
  • Pour le client, la saisine du médiateur est gratuite, sauf s’il souhaite être accompagné dans sa démarche par un conseil (avocat, association de consommateurs...).
  • Si le client n’est pas d’accord avec les conclusions du médiateur, il peut se tourner vers la justicepour faire valoir ses droits.

Pascal Frasnetti

Sujets

Pour résoudre vos litiges, passez par la médiation

S'ABONNER
Partager

Partager via :

Plus d'options

S'abonner
À lire aussi