Publicité

Transition énergétique, ce qui vous attend dès 2016

La loi de transition énergétique implique un certain nombre de nouvelles contraintes pour les copropriétés. Dans ce premier volet, nous vous exposons le calendrier de ce qui est déjà décidé, afin que vous puissiez anticiper au mieux les obligations à venir ; le second volet, prévu en avril, abordera le financement.

«On est en train de changer d’heure.» Au début du mois de décembre, soit quatre mois après la promulgation de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte (1), Pierre-Hervé Léturmy, secrétaire général de la Fnaim du Grand Paris, exprimait en ces termes les implications d’un texte qui, «pour la première fois, introduit des obligations dans un domaine largement placé jusqu’à maintenant sous le signe de l’incitation». La loi, très vaste, vise notamment à disposer, à l’horizon 2050, d’«un parc immobilier dont l’ensemble des bâtiments (sera) rénové en fonction des normes “bâtiment basse consommation” ou assimilées» (art. L.100-4 du Code de l’énergie). Diverses mesures sont prises à cette fin dans le cadre du texte, dont un grand nombre s’appliquent aux logements en copropriété. Signe des temps, la Fnaim du Grand Paris vient de signer un accord avec l’Agence parisienne du climat (APC), afin de sensibiliser ses administrateurs, gestionnaires et syndics de copropriété aux enjeux environnementaux, et leur permettre de mieux accompagner la rénovation des immeubles dont ils assurent la gestion.

Tout cela va se traduire, pour vous, copropriétaires, par des obligations - dépenses - nouvelles. Afin de vous aider à y voir plus clair, nous vous présentons dans les pages qui suivent les implications concrètes de la loi de transition énergétique, qui est venue ajouter aux règles déjà mises en place par les lois Grenelle I et II, ainsi que par la loi Alur. Nous reviendrons ainsi sur le fonds de travaux (voir "Transition énergétique, ce qui vous attend dès 2016"), qui n’est pas intimement lié à la rénovation énergétique, mais pourrait y contribuer grandement. Certains décrets sont toujours en attente, notamment ceux relatifs à l’individualisation des frais de chauffage , ou aux travaux embarqués , en cours d’élaboration à l’heure où nous mettons sous presse. Nous aurons l’occasion de vous en reparler, et de revenir sur le problème crucial du financement des travaux d’économie d’énergie, auquel nous avons d’ores et déjà prévu de consacrer un article dans notre numéro du mois d’avril. Pour l’heure, l’urgence est d’exposer le calendrier de ce qui est déjà décidé, afin que vous puissiez anticiper au mieux les contraintes à venir.

Moins de dix ans pour rénover les logements énergivores

Ces obligations s’étaleront sur un peu moins de dix ans. C’est le délai que la loi du 17 août 2015 accorde aux propriétaires de logements qui présentent «une consommation supérieure à 330 kilowattheures d’énergie primaire par mètre carré et par an» pour mener à bien leur rénovation énergétique (art. 5). La limite retenue correspond aux logements de classe énergétique F et G. Quelque 10 millions de logements sont concernés, situés pour la très vaste majorité au sein du parc privé. L’obligation concerne indifféremment les logements loués ou occupés par leur propriétaire, à titre de résidence principale comme secondaire. Si les données du problème semblent claires, Julien Allix, chargé de mission pour l’Association des responsables de copropriétés (ARC), alerte sur le fait que «ce seuil de 330 kWh peut prêter à confusion. En effet, il est exprimé en énergie primaire produite, explique-t-il. Or, cela ne correspond pas nécessairement au niveau d’énergie qui est finalement consommé - et donc payé.» L’écart, minime dans le cas des logements chauffés au gaz et au fioul, serait ainsi «important avec l’électricité, en raison des pertes subies lors du transport de cette énergie». Pour les copropriétés chauffées à l’électricité, le seuil de 330 kWh d’énergie primaire correspondrait ainsi à «un peu moins de 130 kWh en énergie finale, niveau plutôt bas au regard des consommations moyennes». Face à ce constat, et même si l’année 2025 peut sembler encore lointaine, il vaut mieux ne pas tarder à s’organiser, en préparant la réalisation d’un audit de la performance énergétique de votre immeuble.

Réaliser un bilan de performance énergétique

Mais quel audit? Alors que le Diagnostic technique global (DTG), né de la loi Alur, semble avoir semé le trouble dans l’esprit de bien des copropriétaires, un petit rappel s’impose. En l’état actuel de la législation, il n’existe qu’une seule obligation en matière d’audit, que le texte récent sur la transition énergétique n’a pas modifié: les copropriétés dont le permis de construire a été déposé avant le 1er juin 2001 et qui sont équipées d’un système de chauffage ou de refroidissement collectif doivent avoir voté la réalisation d’un bilan de performance énergétique avant le 31 décembre 2016. La loi portant engagement national pour l’environnement (2), également appelée Grenelle II, distingue entre les immeubles d’au moins 50 lots (principaux et annexes), pour qui ce bilan doit prendre la forme d’un audit énergétique, et les autres, qui peuvent se contenter d’un diagnostic de performance énergétique (DPE) collectif, plus simple à réaliser mais moins précis. Les copropriétés qui n’ont pas fait voter la réalisation de l’examen qui les concerne - et elles sont nombreuses - n’ont donc plus que quelques mois pour se mettre en conformité en l’inscrivant à l’ordre du jour de leur prochaine assemblée générale.

Et le DTG dans tout cela? Il s’agit du diagnostic le plus complet à ce jour, composé non seulement du bilan énergétique de l’immeuble (audit ou DPE), mais aussi d’une double analyse «de l’état apparent» de ses parties communes et «des améliorations possibles de (sa) gestion technique et patrimoniale», ainsi que d’«un état de la situation du syndicat des copropriétaires au regard des obligations légales et réglementaires au titre de la construction et de l’habitation». La personne qui réalise le diagnostic global doit en outre livrer «une évaluation sommaire du coût et une liste des travaux nécessaires à la conservation de l’immeuble, en précisant notamment ceux qui devraient être menés dans les dix prochaines années» (Code de la construction et de l’habitation, L.731-1). Sauf qu’à ce jour, on ne sait toujours rien des professionnels qui sont habilités à réaliser le DTG. Compte tenu de l’étendue du champ d’intervention de ce dernier, il est vraisemblable que des bureaux d’études thermiques et des architectes seront concernés, mais le décret en Conseil d’Etat, qui doit détailler, notamment, le niveau de compétence et de formation de ces prestataires, n’est toujours pas publié. Pas de panique cependant. La seule obligation que la loi prévoit d’imposer aux copropriétés relevant du DTG ne prendra effet qu’à compter du 1 er janvier 2017 (3), et encore, elle ne porte que sur l’organisation d’un vote, à la majorité simple, sur l’opportunité de faire réaliser un tel diagnostic.

Cette période de flou ne doit pas empêcher les copropriétés d’entamer une réflexion dès cette année sur l’éventualité de réaliser un audit.

Individualiser les frais de chauffage

Voici une obligation dont on attend de connaître les contours et implications exacts. En l’état, la loi du 17 août amende le Code de l’énergie, dont l’article L. 241-9 impose désormais au propriétaire ou au syndic d’un immeuble en copropriété disposant d’un chauffage commun de s’assurer que le bâtiment est équipé d’«une installation permettant de déterminer la quantité de chaleur et d’eau chaude fournie à chaque local occupé à titre privatif». Contrairement à ce qui a pu être écrit par ailleurs, parfois un peu trop rapidement, cela ne signifie pas nécessairement que toutes les copropriétés chauffées collectivement devront s’équiper de répartiteurs individuels. Du moins pas pour l’instant… On attend en effet un décret qui fixera les conditions d’application de l’article, précisant notamment «les délais d’exécution des travaux prescrits ainsi que les cas et conditions dans lesquels il peut être dérogé à l’obligation (…) en raison d’une impossibilité technique ou d’un coût excessif résultant de la nécessité de modifier l’ensemble de l’installation de chauffage». La date limite retenue pour l’installation serait le 31 décembre 2017 pour les copropriétés consommant moins de 150/kWh/m² Shab/an (4) et le 31 mars 2017 pour les autres.

La seule certitude, à ce stade, réside dans un ajout à la loi du 10 juillet 1965 sur la copropriété. En effet, un nouvel article 24-9, qui entrera en vigueur le 17 février 2016, soit six mois après la promulgation de la loi sur la transition énergétique, impose la mise à l’ordre du jour de l’assemblée générale de la question des travaux permettant de munir l’installation de chauffage d’un dispositif d’individualisation, ainsi que des devis élaborés à cet effet. «Tant que le cadre ne sera pas stabilisé, nous conseillons à nos adhérents d’inscrire le sujet à l’ordre du jour de la prochaine assemblée générale de leur copropriété, mais de voter contre», explique Julien Allix.

On notera, cependant, que la prudence semble s’imposer: l’individualisation des frais de chauffage est la seule obligation prévue par la loi de transition énergétique qui soit assortie d’une sanction administrative. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que le législateur n’a pas prévu d’être tendre avec les contrevenants: les articles L. 242-2 et L. 242-4 du Code de l’énergie indiquent qu’en cas de contrôle par un fonctionnaire désigné à cet effet, «le syndicat, représenté par le syndic» dispose d’un délai d’«un mois à compter de la réception de la requête qui lui est adressée pour se mettre en conformité ou prouver qu’il est dispensé de l’obligation. Faute de quoi, une «sanction pécuniaire» ne pouvant excéder 1 500 € par logement pourra être prononcée contre la copropriété. Nous reviendrons, bien évidemment, sur ce point dans nos prochains numéros.

Embarquer la performance énergétique à l’occasion de gros travaux

L’idée est d’inciter les copropriétaires à profiter de la réalisation de «travaux de rénovation importants» pour améliorer la performance énergétique de leur immeuble. Cette pratique, communément appelée «embarquement de la performance énergétique», doit participer à l’effort entrepris en vue de disposer, à l’horizon 2050, d’un parc immobilier ancien rénové présentant quasiment le même niveau de performance que le neuf. À cette fin, l’article 14 de la loi de transition énergétique a modifié le Code de la construction et de l’habitation, qui prévoit que les façades et les toitures devront être isolées à l’occasion de leur ravalement ou de leur réfection. De la même manière, les travaux d’aménagement effectués en vue de rendre une pièce ou une partie annexe de bâtiment habitable devront s’accompagner d’une amélioration de sa performance énergétique (L. 111-10). Un décret doit encore préciser les modalités d’application de l’article, dont l’entrée en vigueur est prévue pour le 1 er janvier 2017.

Une première version définitive du texte, dont nous nous sommes procuré une copie, précise notamment que les travaux embarqués devront porter sur l’isolation de façades et toitures «non isolées», présentant des coefficients de transmission thermique supérieurs à 0,70 et 0,50 W/(m².K) respectivement. À l’heure où nous mettons sous presse, l’incertitude plane encore quant aux dérogations accordées, nombreuses dans le projet de décret. Les copropriétés seraient notamment dispensées de l’obligation d’embarquer dès lors que «le projet n’est pas autorisé par l’architecte concepteur du bâtiment», que «les travaux d’isolation des murs par l’extérieur entraînent des modifications de l’aspect de la construction, en contradiction avec les prescriptions prévues pour les secteurs sauvegardés» ou encore si «le temps de retour sur investissement du surcoût entre les travaux avec isolation et les travaux sans isolation, déduction faite des aides financières publiques est supérieur à dix ans». Les cas de dispense seraient tellement nombreux que Ségolène Royal, ministre de l’Ecologie, s’en serait elle-même inquiétée. Le texte définitif devrait être publié dans le courant du premier trimestre, au plus tôt. Là encore, pas de panique, donc, même si la vigilance reste de mise.

Constituer un fonds de travaux

L’ensemble des copropriétés composées de plus de dix lots sera dans l’obligation de constituer un fonds de travaux «alimenté par une cotisation annuelle», dont le montant ne pourra «être inférieur à 5 % du budget prévisionnel» voté en assemblée générale (art. 14-2 de la loi du 10.7.65), et ce au 1 er janvier 2017. Ce qui implique la mise au vote d’une résolution allant dans ce sens dans le courant de l’année 2016. Selon les termes de la loi Alur, qui lui a donné naissance, cette nouvelle «cotisation» doit permettre de «prévenir la dégradation des copropriétés et (de) faciliter la réalisation des travaux de conservation des immeubles». Les copropriétaires pourront décider souverainement à quel moment et à quelles fins ils dépensent l’épargne ainsi constituée, à la majorité absolue de l’article 25. Avec une limitation cependant: si le fonds n’est pas utilisé régulièrement et que son montant vient à dépasser celui du budget prévisionnel, l’AG doit se prononcer sur l’élaboration d’un plan pluriannuel de travaux (au sens de l’art. L. 731-2 du CCH) et, en fonction de la décision prise sur ce point, sur celle de la suspension éventuelle des cotisations au fonds.

L’initiative du fonds de travaux a été accueillie plutôt favorablement par les associations et les professionnels. Il est peu de dire, en revanche, qu’elle peine à trouver un écho favorable auprès des copropriétaires. Vécue comme «une épargne à marche forcée», le fonds de travaux suscite ainsi «un sentiment assez largement répandu d’ingérence», explique Isabelle Fournier, directrice du cabinet Moulin des prés, gestionnaire d’une centaine d’immeubles à Paris. «L’impression de mise sous tutelle est encore plus forte au sein des copropriétés qui ont instauré, d’elles-mêmes, des avances permanentes de trésorerie en vue de futurs travaux», ajoute-t-elle. Rappelons que les sommes épargnées individuellement restaient jusqu’alors acquises aux copropriétaires, alors que, a contrario, celles qui seront versées au titre du fonds de travaux seront «attachées aux lots de copropriété et définitivement acquises au syndicat des copropriétaires» (art. 14-2 de la loi du 10.7.65). Pas question, donc, pour les propriétaires qui vendront leur lot avant l’utilisation du fonds, de récupérer leur mise au moment où ils quitteront la copropriété. Un sentiment de spoliation semble s’installer. S’il est compréhensible, il convient tout de même de le tempérer. Non seulement parce que les sommes en jeu resteront relativement faibles si le taux retenu n’excède pas les 5 % du budget prévisionnel de l’année, mais aussi parce qu’on peut imaginer qu’elles seront prises en compte dans la négociation du prix entre le vendeur et l’acheteur, qui plus est si leur montant s’avère élevé, ainsi que l’explique Jean-François Buet, président de la Fédération nationale de l’immobilier (Fnaim). On notera que «le montant de la part du fonds de travaux rattachée au lot principal vendu et le montant de la dernière cotisation au fonds versée par le copropriétaire vendeur au titre de son lot» figurent dans la liste des documents à annexer à la promesse ou à l’acte authentique de vente d’un lot de copropriété dressée par l’article 54 de la loi Alur.

Sur un plan plus strictement pratique, on doit s’attendre à ce que les sommes issues des avances permanentes de trésorerie éventuellement mises en place dans la copropriété soient retournées aux copropriétaires par le syndic, et non transférées directement sur le fonds de travaux. La copropriété sera donc titulaire de trois comptes bancaires distincts et séparés: son compte de gestion courante, son compte de travaux et son compte de fonds de travaux.

Installer un carnet numérique de suivi et d’entretien du logement

L’article 11 de la loi pour la transition énergétique établit un carnet numérique de suivi et d’entretien du logement. Régi par le Code de la construction et de l’habitation, ce nouveau document informatique devra être attaché à chaque construction neuve dont le permis de construire sera déposé à compter du 1 er janvier 2017 et, dans l’ancien, à tout logement faisant l’objet d’une mutation à compter du 1 er janvier 2025. Un décret doit encore spécifier les modalités d’application de cet article, mais l’on sait d’ores et déjà que le carnet numérique, sorte de carte Vitale informatique du logement, devra mentionner «l’ensemble des informations utiles à la bonne utilisation, à l’entretien et à l’amélioration progressive de la performance énergétique du logement et des parties communes lorsque le logement est soumis au statut de la copropriété» (L. 111-10-5). Pas de panique: si la formulation peut paraître sibylline, l’ensemble des «informations» en question sera déjà connu du propriétaire du bien au moment de la mutation. Il s’agit en effet du dossier de diagnostic technique (amiante et plomb, état des installations électriques et de gaz) à transmettre en cas de vente d’un lot ( L. 271-4 du CCH), et, lorsque le logement est soumis au statut de la copropriété, des documents relatifs à l’organisation de l’immeuble (règlement de copropriété, notamment) et à sa situation financière (montant des charges courantes, état global des impayés de charges, etc.) ou encore de son carnet d’entretien (L.721-2 du CCH). Dans le cas d’un logement loué, le carnet numérique devra également intégrer le dossier de diagnostic technique prévu à l’article 3-3 de la loi du 6 juillet 1989 sur les rapports locatifs.

Dans une note récente, l’Association des responsables de copropriété (ARC) interroge la pertinence du carnet numérique. Le document est en effet «établi à l’échelle du logement» quand on sait qu’ «en copropriété, réaliser des travaux d’économie d’énergie est souvent plus pertinent à l’échelle du bâtiment», explique-t-elle. Cela dit, «si le document fait la jonction entre l’échelle collective et l’échelle individuelle (ce nouveau document) est une excellente opportunité de mettre en place un suivi efficace de tous les aspects de la gestion du bâtiment pour que chacun des copropriétaires connaisse mieux son logement, l’ensemble de l’immeuble mais aussi le fonctionnement de la copropriété», tempère l’ARC.

Reste à savoir sous quelle forme le carnet numérique sera remis aux copropriétaires (la question de sa coordination avec l’extranet de copropriété, notamment, se pose), et comment les différentes - et nombreuses - informations qu’il contient seront articulées. «Si c’est un simple classeur des documents, son contenu sera difficilement exploitable», prévient l’association.

Emmanuel Salbayre

(1) Loi n° 2015-992 du 17.8.15. (2) Loi n° 2010-788 du 10.7.010. (3) À compter de cette date, le DTG sera obligatoire pour les immeubles de plus de 10 ans faisant l’objet d’une 1 re mise en copropriété et pour ceux tombés sous le coup d’une procédure pour insalubrité dès lors que l’administration demande à leur syndic d’en produire un. (4) ou 190 kWh pour les immeubles dont moins de 20 % des émetteurs de chaleur sont équipés d’organes de régulation en fonction de la température de la pièce.

Transition énergétique, ce qui vous attend dès 2016

S'ABONNER
Partager

Partager via :

Plus d'options

S'abonner
À lire aussi