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Petits bobos de l’hiver: lutter contre les idées reçues

Avaler un verre d’alcool ou un plat bien riche en graisses permet de vaincre le froid. Se faire vacciner contre la grippe tous les 2 ans seulement suffit. On peut boire du vin tout en prenant des antibiotiques. Un café salé fait passer la “gueule de bois”… Sauriez-vous démêler les vraies allégations des fausses? Faites le test!

À force d’enchaîner les repas copieux, la crise de foie est assurée: faux

Laissez votre foie en dehors de tout cela, il n’est pas responsable de votre indisposition. D’ailleurs, l’expression “crise de foie” est propre à la langue française, aucune autre n’implique cet organe dans ce qui n’est qu’une banale indigestion. En réalité, c’est votre estomac qu’il faut incriminer. “Quand on mange très gras, en réaction, l’estomac ralentit son activité. Les aliments s’entassent à l’intérieur. D’où des douleurs gastriques, des nausées et des vomissements. La seule chose à faire, c’est de moins manger et d’attendre que ça passe”, explique le Pr Jean-Christophe Saurin, gastro-entérologue au centre hospitalo-universitaire (CHU) de Lyon.

Boire de l’alcool ne réchauffe pas quand il fait très froid: vrai

La consommation d’alcool entraîne la dilatation des vaisseaux cutanés. “Celle-ci se traduit par une impression de chaleur, notamment parce que les extrémités du corps se réchauffent légèrement, explique Jean-Paul Richalet, professeur de physiologie spécialisé en médecine de montagne à l’université Paris 13. Mais, dans le même temps, elle induit un transfert de chaleur entre le corps et l’extérieur.” Boire de l’alcool ne réchauffe donc pas. Au contraire, cela n’aboutit qu’à refroidir notre corps.

Avec mes yeux bleus, pas étonnant que je développe souvent des ophtalmies des neiges: faux

Ces brûlures de la cornée par les rayons ultraviolets du soleil ne sont pas liées à la couleur des yeux. “L’iris est constitué de 2 couches. La première, antérieure, donne la couleur des yeux. La seconde, postérieure, est opaque et protège l’œil, détaille le Pr Gilles Renard, directeur scientifique de la Société française d’ophtalmologie. Quelle que soit la couleur de l’iris, la protection est donc la même.” En général, l’ophtalmie des neiges guérit spontanément en 24 heures, période pendant laquelle l’œil est douloureux, rouge et larmoyant. Les traitements, notamment les antalgiques, ne sont guère efficaces. Il faut juste rester dans l’obscurité, indique le Pr Renard.

Pour combattre le rhume, je prends des sirops contre la toux, des décongestionnants ou un bon grog: faux

“De façon générale, les sirops ne sont pas recommandés, assure Olivier Bouchaud, chef du service de maladies infectieuses et tropicales au CHU de Bobigny. Non seulement leurs effets objectifs sont très limités, mais, en cas de toux grasse, ils maintiennent les sécrétions dans les poumons, où elles s’entassent et gênent la respiration. Il vaut mieux expectorer dans un mouchoir à usage unique que de garder les sécrétions en soi.” Même circonspection à l’égard des décongestionnants, à l’intérêt très faible, sauf pour ceux à base de corticoïdes locaux si le nez est bouché. Mais leur action est provisoire et, à l’arrêt du traitement, l’inflammation repart de plus belle. Quant au grog, “au vu de sa composition, il n’y a aucune raison qu’il apporte quoi que ce soit, sinon un effet placebo”.

Un café salé n’a jamais fait passer la gueule de bois: vrai

Cette sensation désagréable est le stigmate d’une déshydratation: “L’alcool est diurétique. Quand on en consomme, le bilan entrées/sorties d’eau dans le corps est négatif. Le café sera, certes, stimulant et aidera au réveil, mais le sel censé favoriser la rétention hydrique arrive trop tard pour éviter la déshydratation”, souligne le Dr Alain Rigaud, psychiatre, addictologue et président de l’Association nationale de prévention en alcoologie et addictologie. Alors, que faire pour éviter la gueule de bois? Limiter les quantités absorbées et veiller à conserver une bonne hydratation. Pendant le repas, avalez un verre d’eau pour chaque verre d’alcool. Le lendemain, buvez un litre d’eau dans les 2 heures qui suivent votre réveil, avec, éventuellement, un comprimé de paracétamol ou d’aspirine pour calmer les maux de tête.

Il est impossible de souffrir du mal des montagnes dans les stations de ski françaises: faux

Si 60 % des alpinistes qui gravissent le Mont-Blanc souffrent du mal des montagnes, nul besoin de grimper si haut pour être incommodé par la raréfaction de l’oxygène dans l’air. “Les symptômes (maux de tête, essoufflement, nausées, fatigue, perte d’appétit…) peuvent apparaître dès 1 500 m d’altitude, et on estime qu’environ 10 % des vacanciers sont concernés entre 2 000 et 2 500 m”, signale Jean-Paul Richalet. Lors des premiers jours dans des stations de haute altitude, il convient donc de modérer ses efforts, voire de prendre des antalgiques si des signes d’hypoxie (manque d’oxygène) se manifestent. “Si l’essoufflement persiste au repos ou que l’on constate des troubles de l’équilibre, mieux vaut consulter et redescendre pour éviter les œdèmes cérébraux ou pulmonaires”, recommande notre spécialiste (ces pathologies sont exceptionnelles: une quinzaine de cas par an). Enfin, “il est déconseillé de faire séjourner les enfants de moins d’un an à une altitude supérieure à 1 500 m”, précise-t-il.

Pour qu’un rhume dure moins longtemps, je vais chez le médecin dès les premiers symptômes: faux

“La plupart des virus impliqués dans le rhume sont bénins et sans aucun traitement, affirme le Pr Olivier Bouchaud. Aller voir systématiquement son médecin n’apporte aucun bénéfice individuel et pèse lourdement sur la collectivité.” L’adage le dit bien: un rhume dure 7 jours s’il n’est pas traité, et une semaine avec des médicaments.

Pour moins souffrir du froid et être plus en forme en hiver, il faut manger plus gras et prendre des vitamines: faux

Certes, “les personnes ayant une couche de graisse plus épaisse résistent mieux au froid, assure Jean-Paul Richalet. La masse grasse accroît la taille de la zone tampon entre l’environnement extérieur et le noyau central du corps, qui doit toujours rester à 37 degrés. À niveau d’activité et à poids égaux, on consomme plus d’énergie quand il fait froid. Dès lors, la tentation est grande de manger plus gras lorsque viennent les frimas. Erreur. “On ne fait pas du gras parce qu’on mange du gras, avertit le Pr Richalet. À la limite, on pourrait augmenter les quantités quand on est fréquemment exposé au froid.” Et disposer ainsi des calories nécessaires au bon fonctionnement de notre “chauffage central interne”. Mais, même en hiver, à moins de travailler à l’extérieur, rares sont les personnes réellement exposées au froid. En outre, “notre alimentation est déjà, en moyenne, en excès par rapport à nos besoins. Il est donc inutile de manger plus et plus gras en hiver”, confirme le Pr Saurin. De même, nul besoin de se jeter sur les vitamines et les minéraux vendus à grand renfort de publicité dans les pharmacies. “Sauf maladie ou carence biologiquement constatée, ces cures ne servent à rien, poursuit le Pr Saurin. On peut prendre ces gélules de temps en temps pour se doper, mais il ne s’agit pas d’une nécessité médicale. D’une façon générale, les carences vitaminiques sont très rares, hormis peut-être pour la vitamine D.”

Je ne suis pas obligé de respecter le délai de 6 heures entre 2 prises de paracétamol: vrai

Mais il ne faut pas en abuser. Cette durée est avancée “pour limiter les complications, en particulier hépatiques, liées à la consommation excessive de paracétamol et tient compte de sa durée d’action, souligne le Pr Bouchaud. En cas de rhume ou de grippe, si l’on espace 2 prises de 2 heures, la seconde renforcera les effets de la première. Le paracétamol n’est pas anodin mais pas d’inquiétude si les prises sont rapprochées.” À condition de se limiter à 4 g par jour. En effet, les excès peuvent entraîner des complications hépatiques très graves, surtout chez les personnes fragiles.

Le vaccin homéopathique contre la grippe est aussi efficace que le vaccin injectable et ne présente aucun danger faux (et un peu vrai)

Effectivement, les préparations homéopathiques ne provoquent pas d’effets indésirables. Leur efficacité est moins évidente. “L’homéopathie a-t-elle une véritable action clinique? C’est une question de foi”, affirme le Pr Bouchaud. Si le produit n’agit pas directement, “il est, en revanche, certain qu’il peut entraîner un effet placebo: en induisant l’idée qu’on est protégé, le placebo conduit le cerveau à produire des substances (prostaglandine, endorphine…) qui stimulent l’immunité”. C’est ainsi que sans aucun principe actif, il peut contribuer à préserver des maladies infectieuses. Cela dit, pour les personnes âgées ou fragiles, préférer le vaccin homéopathique au vaccin antigrippal classique est audacieux, voire risqué.

Le vaccin contre la grippe ne protège pas à tous les coups ; inutile alors de se faire vacciner: vrai et faux

Le vaccin contre la grippe offre une protection d’environ 70 %. L’hiver dernier, en raison de mutations des souches virales, ce taux est descendu exceptionnellement à 30 %. Pour autant, “le bénéfice est réel chez les personnes âgées ou atteintes de maladies chroniques, comme la bronchite ou l’asthme, assure le Pr Bouchaud. Si elles la contractent, la grippe sera moins grave. Les anticorps circulent dans leur organisme et limitent ainsi les formes sévères de la maladie”. La grippe touche, en moyenne, 2,50 millions de personnes chaque année et entraîne quelque 2 000 décès. Chez les sujets plus jeunes et non fragilisés, le vaccin diminue le risque d’être contaminé et réduit l’ampleur de l’épidémie. D’où des dépenses de santé publique allégées. On estime que si 80 % de la population était vaccinée, l’épidémie serait presque insensible.

Je ne me fais pas vacciner contre la grippe, car le vaccin provoque une minigrippe: faux

“Cette affirmation ne tient pas la route”, tranche le Pr Bouchaud. L’explication est simple: la plupart des vaccins antigrippaux sont faits à partir de fractions de virus grippal tués (à l’inverse de certains vaccins constitués d’un virus vivant, mais rendu inoffensif). “Il n’y a donc pas reproduction de la maladie à minima, mais seulement production d’anticorps protecteurs”, reprend l’infectiologue. Le nez qui coule ou un syndrome grippal qui apparaît quelques jours après l’injection n’est donc qu’une coïncidence.

Une injection du vaccin antigrippal tous les 2 ans suffit pour être protégé: faux (mais pas complètement)

Les anticorps que l’on reçoit avec le vaccin restent plus d’un an dans notre organisme. Pourtant, se faire vacciner tous les 2 ans “est risqué, car les virus de la grippe subissent des mutations génétiques. D’année en année, ils ne sont donc pas les mêmes. Dans certains cas, le vaccin peut garder une certaine efficacité après 2 ans ; dans d’autres, il n’en conserve aucune”, prévient le Pr Bouchaud.

Malgré les antibiotiques, je peux m’autoriser quelques verres d’alcool au réveillon: vrai

“Opposer alcool et antibiotiques relève d’une idée reçue totalement fausse, qui remonte à une époque où la maladie devait être vécue comme une punition, assène le Pr Bouchaud. L’alcool n’engendre aucun effet avec l’immense majorité des antibiotiques.” Vous pourrez donc trinquer (avec modération) sans crainte avec vos convives au réveillon. Seul le Flagyl, un antiparasitaire faisant souvent office d’antibiotique, peut causer nausées, rougeurs du visage, chute de tension… (effet dit antabuse), très désagréables pour le malade.

Petits bobos de l’hiver: lutter contre les idées reçues

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