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Peut-on facilement effacer ses traces sur internet?

En vertu du droit à l’oubli, on peut, en théorie, obtenir que certaines pages contenant des données personnelles disparaissent de la Toile. Peut-on facilement faire valoir ce droit?

La mémoire numérique, contrairement à la mémoire humaine, est sans limite. Une fois postés sur les réseaux sociaux, des photos privées ou des commentaires gênants restent longtemps en ligne, visibles de tous. L’accessibilité de ces données sorties de leur contexte peut gêner, notamment lorsque l’on est à la recherche d’un emploi, les recruteurs ne se privant pas de «googliser» les candidats. Et c’est une véritable bombe à retardement lorsque l’information se rapporte à une condamnation pénale, même très ancienne et effacée du casier judiciaire. La question du droit à l’oubli ne s’est jamais posée avec tant d’acuité. En témoigne l’accroissement du nombre de plaintes déposées auprès de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil): 138 en 2014 ; 122 de janvier à avril 2015. Le droit à l’oubli devrait obliger les réseaux sociaux et moteurs de recherche à effacer de leur mémoire des données personnelles. Depuis la condamnation de Google par la justice européenne l’an dernier, les moteurs doivent, en outre, répondre aux demandes de déréférencement des internautes souhaitant voir supprimer les liens vers des pages contenant des informations personnelles. Mais peut-on facilement faire jouer ce droit face à un géant du Net? Et faut-il agir contre les sites ayant publié l’information ou contre les moteurs de recherche ?

Je peux agir contre le site éditeur : vrai

Vrai Le premier réflexe pour faire disparaître un contenu: demander au site qui l’a publié de l’effacer. «Mais, prévient maître Romain Darrière, avocat, lorsque l’information n’est pas illicite (lorsqu’elle est véridique ou ne porte pas atteinte à la vie privée, par exemple),les demandes sont rarement acceptées. Toutefois, si sa visibilité dans le temps devient gênante, comme en cas de condamnation pénale, on peut demander à l’éditeur de la déréférencer.» Elle reste alors visible sur le site, mais n’apparaît plus dans les résultats des moteurs de recherche.

La Cnil peut obliger un éditeur à effacer un contenu: faux

Faux La Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) n’a pas le pouvoir de contraindre un éditeur à supprimer un contenu, ni un moteur de recherche à le déréférencer. La Cnil a mis en ligne un modèle de courrier à adresser au responsable du site ou au moteur de recherche. S’il reste sans réponse, il est possible de déposer une «plainte» auprès de la Cnil. Elle va adresser au site ou au moteur de recherche une mise en demeure de supprimer et de déréférencer le contenu problématique dans les 15 jours. Mais il ne sera pas tenu de suivre ses recommandations. La Cnil ne transmet qu’environ un tiers des requêtes (90 sur 260 qui lui sont parvenues avant avril 2015).

Je dois prouver mon préjudice: vrai

Vrai Pour faire valoir son droit à l’oubli, i l faut justifier d’un préjudice. Autrement dit, prouver à un éditeur ou un moteur de recherche que le contenu cause du tort. «Il est aisé de démontrer qu’une photo ou des informations sur un passé judiciaire peuvent nuire à ses intérêts professionnels ou à sa réputation», indique maître Darrière.

Saisir la justice est la solution la plus efficace: vrai

Vrai Dans un premier temps, il est conseillé de remplir le formulaire de demande de suppression de résultat proposé par les moteurs de recherche, puis de les mettre en demeure de procéder au déréférencement du contenu. Sans réaction de leur part, il faudra prendre un avocat qui déposera une requête en désindexation de contenu devant un tribunal de grande instance (TGI). En matière d’internet, il est possible de saisir n’importe quel TGI en France. « Enfin, il faut viser la structure qui exploite les données informatiques ou numériques, précise maître Darrière. Dans le cas de Google, c’est la maison mère en Californie, Google Inc., qui est juridiquement compétente. Heureusement, on ne rencontre pas de problème d’exécution des condamnations prononcées en France.»

Je n’ai pas de recours si le site est hébergé à l’étranger: faux

Faux Si un éditeur n’est pas accessible, parce qu’il est hébergé à l’étranger, ou s’il refuse de supprimer un contenu, il est conseillé de s’adresser au moteur de recherche. Il devient alors l’interlocuteur privilégié pour le déréférencement du contenu.

À ma demande, Google supprimera tous les liens qui me concernent: faux

Faux D’après une étude menée par RéputationVIP, entreprise spécialisée dans l’e-réputation, le principal moteur de recherche, Google, refuse la moitié des demandes de déréférencement. En premier lieu, sont rejetées celles portant sur des pages en rapport avec la vie professionnelle du demandeur (26 % des refus), puis les liens créés par le demandeur (22 %), ensuite les contenus d’actualité ou ayant un intérêt public (14 %) et les profils de réseaux sociaux (13 %). De plus, Google limite le déréférencement à Google.fr et aux autres extensions européennes du moteur (Google.es, Google.de, Google.co.uk…), refusant de l’étendre à Google.com, contrairement à ce qu’exige la Cnil.

Annabelle Pando

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