Publicité

Le canal du Midi est-il en péril?

Chantier titanesque en son temps, le deuxième plus important sous Louis XIV après Versailles, le canal du Midi doit son classement par l’Unesco à son riche patrimoine architectural. De Toulouse à l’entrée de l’étang de Thau, il présente une succession d’ouvrages remarquables: écluses (simples, doubles, triples, quadruples et même septuples), tunnel-canal, ponts-canaux, épanchoir, déversoirs, aqueducs, moulins, relais de poste, entrepôts, glacières, chapelles, lavoirs…

Sa singularité tient aussi à sa majestueuse voûte arborée. “Au xixe siècle, des milliers d’arbres ont été plantés le long du canal afin de fournir de l’ombre pour limiter l’évapotranspiration de l’eau, ressource précieuse, et de tenir les berges, explique Jacques Noisette, responsable de la communication de Voies navigables de France Sud-Ouest (VNF). Le platane a été préféré à d’autres essences parce que cet arbre de haute taille, abondant, peu cher et robuste, n’exige guère d’entretien et que ses racines ont la particularité de se souder entre elles pour former un réseau solide. Les ingénieurs de l’époque en ont planté 42 000.”

42 000 platanes risquent de disparaître

Cette voûte arborée est aujour-d’hui menacée de disparition. “Depuis 2006, un champignon microscopique, appelé communément chancre coloré, décime les platanes. Il se loge à l’intérieur de l’arbre et bloque ses canaux de sève. L’arbre atteint se dessèche et meurt dans les 2 à 5 ans, poursuit notre interlocuteur. La contamination s’effectue par simple contact. Une blessure au niveau des racines ou de l’écorce, occasionnée par le frottement d’un bateau ou une tronçonneuse contaminée, sert généralement de porte d’entrée au parasite. Celui-ci passe ensuite d’arbre en arbre par le réseau racinaire, très imbriqué.”
Selon les experts scientifiques, le chancre coloré serait arrivé en France dans des caisses de munitions américaines, lors du débarquement allié en Provence, en août 1944. Il a longtemps été circonscrit au sud-est de la France, puis s’est propagé, dans l’indifférence quasi générale. Jusqu’à ce qu’il s’attaque aux platanes bicentenaires, plantés en rangs serrés sur les rives du canal du Midi.
Le chancre coloré a trouvé là un formidable terrain d’expansion:“15 000 platanes ont été contaminés et d’autres suivront, car il n’existe, à ce jour, aucun traitement préventif ni curatif. Pour sauvegarder les arbres sains, la seule solution consiste à abattre ceux qui sont malades et à les brûler sur place, selon un protocole très strict”, indique Jacques Noisette. Quelque 12 500 platanes ont déjà subi ce destin, et c’est le sort qui attend probablement 4 000 arbres chaque année. À ce rythme, tous les platanes bicentenaires auront disparu dans moins d’une dizaine d’années!

Le déclassement par l’Unesco est peu probable

Cet abattage massif modifie profondément l’esthétique du canal. “Un véritable massacre à la tronçonneuse”, se désolent riverains, élus locaux et professionnels du tourisme, qui craignent que l’Unesco ne finisse par déclasser l’ouvrage (voir encadré ci-dessous). Des craintes injustifiées, selon Jacques Noisette. “La voûte arborée est emblématique du canal, mais ne présente pas, pour l’Unesco, de “valeur universelle exceptionnelle”. Elle ne constitue donc pas un critère de classement en soi. Ce qui est pris en compte, c’est l’harmonie générale du site, sa conservation et son fonctionnement. Les dommages ne résultent pas d’un défaut d’entretien, mais d’une maladie incurable. L’État, propriétaire de l’ouvrage, et VNF, gestionnaire, œuvrent pour tenter d’enrayer sa progression et de restaurer l’intégrité du site. Tant que l’objectif fixé, à savoir préserver un patrimoine exceptionnel pour les générations futures, est respecté, le déclassement est peu probable.”

Campagne de replantation et appel aux dons

L’abattage et le remplacement des 42 000 platanes nécessitent quelque 200 millions d’euros en 20 ans. Un budget colossal que VNF ne peut supporter seul. Le ministère de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie a donc validé, en 2012, un plan de financement tripartite: l’État, VNF et les collectivités locales prendront, chacun, un tiers du coût à leur charge. Le tiers restant doit provenir d’autres sources de financement, telles que le mécénat. Aussi des appels aux dons ont-ils été lancés. Ceux-ci sont recueillis sur le site replantonslecanaldumidi.fr. “Les dons, même modiques, sont utiles”, souligne Jacques Noisette, qui rappelle qu’ils sont déductibles des impôts à hauteur de 66 % pour les particuliers et de 60 % pour les entreprises. Preuve que le sort du canal ne laisse pas indifférent, la moyenne des dons est de 55 €. Et beaucoup de contributeurs y associent des dédicaces encourageantes ou émues.
“Ces platanes seraient morts de manière naturelle et auraient dû être remplacés progressivement, conclut notre spécialiste. La vitesse à laquelle se propage le chancre coloré nous oblige à opérer ce remplacement sans attendre, pour des questions de sécurité notamment: les arbres malades se dessèchent, d’où un risque de chute. Une chose est sûre: nous ne répéterons pas les erreurs de nos aînés. Nous veillerons à varier les essences.”

Sujet

Le canal du Midi est-il en péril?

S'ABONNER
Partager

Partager via :

Plus d'options

S'abonner