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Top départ pour l’encadrement des loyers

Alors qu’on l’attendait depuis de longs mois, le décret relatif à l’encadrement des loyers a enfin été publié, le 10 juin 2015. Il permettra à Paris d’expérimenter le nouveau dispositif de plafonnement dès le 1er août. Explications.

C’est l’une des mesures les plus impopulaires de la loi Alur. Le plafonnement des loyers est entré officiellement en vigueur avec la publication au Journal officiel d’un décret (1) qui liste les communes où il peut s’appliquer. Il fixe les modalités des loyers de référence et précise quand le bailleur peut réclamer un complément de loyer. Il faut rappeler que ce plafonnement, destiné à limiter la hausse des loyers dans les zones de marché «tendu» implique la mise en place préalable d’observatoires des loyers agréés, puis la parution d’un arrêté préfectoral qui fixe, chaque année, les loyers de référence applicables localement, que ce soit pour une mise en location ou à l’occasion d’un renouvellement de bail. Les logements loués meublés sont concernés au même titre que ceux loués vides. Le décret du 10 juin 2015 apporte des précisions, hélas pas toujours suffisantes...

Les communes concernées

Il renvoie à l’annexe du décret du 10 mai 2013 (n° 2013-392) pris pour l’application de la taxe sur les logements vacants, qui dresse une liste de communes situées dans les 28 agglomérations suivantes: Ajaccio, Annecy, Arles, Bastia, Bayonne, Beauvais, Bordeaux, Draguignan, Fréjus, Genève-Annemasse, Grenoble, La Rochelle, La Teste-de-Buch- Arcachon, Lille, Lyon, Marseille-Aix-en-Provence, Meaux, Menton-Monaco, Montpellier, Nantes, Nice, Paris, Saint-Nazaire, Sète, Strasbourg, Thonon-les-Bains, Toulon, Toulouse. Cette liste pourra être modifiée par décret.
Paris est la première ville à mettre en œuvre le plafonnement, grâce à l’agrément préalable de l’Observatoire des loyers de l’agglomération parisienne (Olap). Mais Lille, qui a pour sa part missionné l’Adil du Nord, devrait suivre. Grenoble aurait annoncé son intention de l’appliquer à son tour et d’autres l’adopteront sans doute bientôt.

À quels baux s’applique le plafonnement?

Il manque encore un texte, à l’heure où nous écrivons, pour que le plafonnement soit effectif à Paris: un arrêté préfectoral fixant les loyers de référence. Une fois qu’il sera applicable (le 1er août selon le ministère): le loyer de base des logements mis en location sera fixé «librement» entre les parties lors de la conclusion du contrat de bail, dans la limite du loyer de référence majoré (art. 17. II-A de la loi du 6.7.89). «Sont concernés les logements libres depuis plus de dix-huit mois, ceux qui n’ont jamais été loués avant et ceux ayant bénéficié de travaux d’amélioration, dont le montant est au moins égal à la dernière année de loyer. Pour les logements qui étaient vacants depuis moins de dix-huit mois, le loyer ne peut pas être supérieur au loyer du précédent locataire et jamais supérieur au loyer de référence majoré», précise l’Adil 75.
Mais qu’en est-il des baux signés après l’entrée en vigueur du décret, (le 13 juin 2015), et avant celle de l’arrêté préfectoral? Si le loyer du bail s’avère supérieur au loyer de référence majoré, inconnu du bailleur au moment où il a signé le bail, le locataire peut-il intenter immédiatement une action en réduction? Cette action lui est ouverte, mais seulement «si le loyer de base prévu dans le contrat de bail est supérieur au loyer de référence majoré en vigueur à la date de signature dudit contrat» (art. 17. II-A). Faute de loyer de référence majoré en vigueur à cette date, l’action en diminution pourrait-elle n’être ouverte au locataire qu’au moment du renouvellement du bail, comme le prévoit l’article 17-2. I de la loi de 1989? Sans doute.

Les loyers de référence

Le préfet doit fixer un loyer de référence médian, un loyer de référence majoré, qui ne peut excéder 20 % du loyer médian, et un loyer de référence minoré, de 30 % inférieur au loyer médian, le tout exprimé par mètre carré de surface habitable, par catégorie de logement et par secteur géographique. Catégories et secteurs déterminés en fonction de la structuration du marché locatif constatée par l’observatoire local des loyers. Précisions du décret du 10 juin: le préfet doit tenir compte des caractéristiques du logement relatives au type de location (meublée ou non meublée), au nombre de pièces principales(selon l’art. R.111-1-1 du Code de la construction) et à l’époque de construction. Quant aux secteurs géographiques, ils doivent délimiter des «zones homogènes en termes de niveaux de loyer constatés sur le marché locatif». Sibyllin.

Le complément de loyer

Un complément de loyer peut être appliqué, permettant au bailleur d’exiger plus que le loyer de référence majoré, si le logement possède des caractéristiques très spécifiques en termes de localisation ou de confort. Restait à les définir. Selon le décret du 10 juin, ces caractéristiques spécifiques doivent réunir les conditions suivantes: «Elles n’ont pas été prises en compte pour la détermination du loyer de référence correspondant au logement ; elles sont déterminantes pour la fixation du loyer, notamment par comparaison avec les logements de la même catégorie situés dans le même secteur géographique ; elles ne donnent pas lieu à récupération par le bailleur au titre des charges, ni à la contribution pour le partage des économies d’énergie pour les travaux réalisés par le bailleur, prévus respectivement par les articles 23 et 23-1 de la loi du 6 juillet 1989». Sur ce complément de loyer possible, les critiques sont nombreuses.«Comment peut-on savoir si ces caractéristiques ont été prises en compte dans le loyer de référence?», s’interroge Michel Mouillart, professeur d’économie à l’université de Paris Ouest, ajoutant: «De même, le décret précise que ces caractéristiques ne doivent pas donner lieu à récupération au titre des charges. Un appartement dont l’immeuble est doté d’un ascenseur peut justifier un loyer plus élevé mais dans ce cas, ce ne sera pas possible puisque cela donne lieu à récupération de charges.» Ce texte à la fois imprécis et restrictif devrait, de l’avis général, susciter un contentieux abondant dans les mois à venir.

Et en cas de renouvellement du bail?

Une fois l’arrêté préfectoral paru, la question du loyer va se poser à tout bailleur dont le contrat arrive à échéance (3e ou 6e année selon qu’il s’agit d’une personne physique ou morale). Si le loyer prévu au bail est supérieur au loyer de référence majoré (hors complément de loyer), le locataire peut proposer au bailleur, cinq mois avant le terme du contrat, un nouveau loyer en fonction du loyer de référence majoré de son secteur. Le bailleur peut, de son côté, demander, six mois avant l’échéance du bail, une réévaluation du loyer si celui-ci est inférieur au loyer de référence minoré. Mais le propriétaire ne pourra pas augmenter le loyer au-delà du loyer de référence minoré. Dans les deux cas, le montant du loyer de référence, majoré ou minoré, pris en compte correspond à celui en vigueur à la date de la proposition de réajustement. Le locataire pourra contester le nouveau loyer en fournissant des références de loyers constatés dans le voisinage pour des logements comparables - trois ou six références selon le secteur (art. 17-2 I de la loi de 1989). «Ce cas de figure peut en effet exister pour des locataires présents depuis très longtemps dans leur logement», indique Geneviève Prandi. Exemple: un locataire résidant dans le XIIIe arrondissement de Paris dont le loyer est de 18 €/ m2, pourrait le voir passer à 22 €/m2. Un risque que courait déjà le locataire avant le plafonnement, cette faculté de réévaluation du loyer en fonction de ceux du voisinage lui étant antérieure. En pratique, elle était peu utilisée, notamment faute de références satisfaisantes. Ce ne sera plus le cas désormais, du fait du travail accompli par les observatoires…
Par ailleurs, n’oublions pas que les demandes de réajustement de loyer, à la hausse ou à la baisse, devront se faire au moins cinq ou six mois avant l’échéance du bail. Concrètement, seuls les baux arrivant à échéance au moins cinq ou six mois après l’entrée en vigueur de l’arrêté de plafonnement seront donc concernés.

À savoir: le bailleur peut demander un complément de loyer sous strictes conditions.

Colette Sabarly
(1) Décret n° 2015-650 du 10.6.15, JO du 12. (2) Ce dispositif complète, sans l’annuler, le plafonnement de l’évolution du loyer selon l’IRL dans les zones tendues lors de la relocation et du renouvellement du bail (art. 18 de la loi du 6.7.89), résultant d’un décret qui paraît chaque année durant l’été.

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