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Détecteurs de fumée, attention à l’enfumage!

Plus que quelques jours pour installer un détecteur de fumée dans son logement ou celui de son locataire. Ce qu’il faut (vraiment) savoir pour ne pas se laisser abuser par des professionnels peu scrupuleux.

Alors que le 8 mars, date butoir pour équiper son appartement ou sa maison d’un détecteur de fumée (1), approche à grande vitesse, la plupart des foyers français n’auraient toujours pas sauté le pas. Si l’on croise les estimations des professionnels du secteur - aucun chiffre officiel n’existe -, ils étaient moins de 20 % à la fin de l’année 2014 à avoir acheté ce petit appareil, dont la fonction - faut-il le rappeler? - est d’alerter à temps les occupants d’un logement lorsqu’un incendie se déclare. Ils seraient un quart aujourd’hui, encore loin des projections optimistes affichées par la Fédération française des métiers de l’incendie (FFMI) et des résultats de sondages réalisés par les fabricants, tels que Kidde, leader sur le marché. Pas sûr que la dernière campagne de sensibilisation, lancée conjointement le 28 janvier par les ministères du Logement et de l’Intérieur, aux côtés de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France (FNSPF), suffise pour changer les comportements… Ce serait pourtant souhaitable: les statistiques des sapeurs-pompiers font état d’un incendie domestique toutes les deux minutes et de décès causés, dans 80 % des cas, non par le départ de feu lui-même, mais par les fumées qui se propagent avant - ce qu’est précisément censé détecter le «détecteur avertisseur autonome de fumée», alias Daaf. Une chose est sûre: l’objet, destiné à faire partie, désormais, de notre quotidien, n’a pas fini de faire parler de lui. D’autant qu’il reste quelques questions en suspens (2). Passage en revue des principaux pièges à éviter, que l’on soit propriétaire occupant ou bailleur.

Un marché toujours pas assaini

Les deux tiers des détecteurs contrôlés par la Direction générale de la concurrence et de la répression des fraudes (DGCCRF) présentaient encore des anomalies en 2014 (3). La vigilance demeure donc toujours de mise pour le choix de l’appareil (4). À minima, il faut vérifier qu’il est bien estampillé CE et NF EN 14604. Le plus sûr est de se rapprocher de sa compagnie d’assurance, qui peut proposer des tarifs réduits à ses adhérents, ou de jeter son dévolu sur un produit recommandé par la FNSPF. Une fabrication française sera aussi le signe d’un suivi de qualité plus efficace… Le risque de pénurie dans les étals des grands magasins de bricolage ou l’argument d’une hausse brutale des prix face à une demande croissante ne doit pas pousser à un achat irréfléchi sur Internet où, sans surprises, le pire côtoie encore le meilleur.

Résistez à la pression des démarcheurs de dernière minute

L’échéance du 8 mars est l’occasion pour des revendeurs peu scrupuleux de placer leur appareil en n’hésitant pas à facturer la pose, faisant pression en évoquant une sanction pénale, ou autre pénalité financière, en cas de retard, que ne prévoit nullement la loi. La recrudescence des démarchages à domicile est notable, avec plus de 1 500 plaintes enregistrées depuis le début de l’année 2014. Tant et si bien que la DGCCRF a dû faire la mise au point qui s’imposait: «Il n’existe ni installateur mandaté ou agréé par l’État ni de diplôme d’installateur reconnu par l’État.» Une fois la porte du logement franchie, ces acteurs effectuent des prestations qui peuvent dépasser 100 € pour une simple installation. Sachant que, dans le commerce, il est possible de s’équiper pour cinq fois moins cher et que le recours à un professionnel, s’agissant d’un bricolage à la portée de tous ou presque, n’est nullement indispensable… Qui plus est, la maintenance est souvent proposée dans la foulée, alors que l’entretien se résume pour l’occupant à changer la pile au lithium tous les dix ans, ce qui correspond de toute façon à la durée de vie de l’appareil… En tout état de cause, le démarchage à domicile est soumis à un encadrement juridique très strict, en particulier au respect d’un délai de réflexion de quatorze jours et à l’interdiction, pour le vendeur, de percevoir toute contrepartie financière pendant une semaine.

Faux couperet de la déchéance d’assurance

C’est l’argument massue parfois employé à l’encontre des retardataires. La menace de ne plus être assuré si l’on manque à ses obligations d’installer un détecteur de fumée est pourtant purement fantaisiste. Le propriétaire, ou le locataire - même si l’obligation d’installation incombe désormais au bailleur (voir encadré p. 8) - ne peut se heurter à un refus d’indemnisation de la part d’une compagnie qui invoquerait l’absence d’appareil pour ne pas prendre en compte les dommages causés par un incendie dans un logement (art. L. 113-11 du Code des assurances). Ceux-ci sont couverts dans le cadre du contrat multirisque habitation, comme le rappelle la Fédération française des sociétés d’assurance (FFSA). «Rien ne s’oppose, en revanche, à ce que l’absence de Daaf vienne limiter le montant de l’indemnisation», estime, pour sa part, David Rodrigues, juriste pour l’association nationale de défense des consommateurs CLCV. Surtout que ces dommages représentent un poste important, près d’un tiers du montant des indemnités versées par les compagnies. Plane aussi le risque que celles-ci en profitent pour revoir à la hausse le montant de leur franchise en cas de dégâts matériels chez les occupants non équipés, par un avenant au moment de la date anniversaire du contrat.
La loi a ouvert la possibilité de minorer le montant de la cotisation annuelle de l’assuré qui s’équipe (art. L. 122-9 du Code des assurances). Cela dépendra de la politique menée au cas par cas par l’assureur en la matière… L’occupant du logement, propriétaire ou locataire, est par ailleurs tenu de notifier à son assureur que le Daaf a bien été installé (art. 129-8). Une simple attestation qu’il est possible de rédiger sur papier libre, ou via le formulaire fourni dans l’emballage du produit, à condition que son contenu n’exige pas de fournir plus de renseignements que le modèle légal lui-même (annexe de l’arrêté du 5.2.13)... Une pure formalité à ce jour, alors que les compagnies ne se montrent pour l’instant pas vraiment empressées de réclamer un tel justificatif.

Des pratiques abusives en copropriété

Un syndic peut proposer au conseil syndical une prestation indépendante, n’ayant aucun lien avec son mandat, pour équiper l’ensemble des logements d’un immeuble, ou encore conseiller un copropriétaire dubitatif… Mais il ne peut en aucun cas passer une commande pour le compte du syndicat ou mandater une entreprise en vue d’effectuer la pose. «Les copropriétaires doivent rester libres d’accepter ou de refuser cette offre, qui nécessiterait d’ailleurs de recueillir l’unanimité, s’agissant de parties privatives», met en garde David Rodrigues. Des syndics n’ont pourtant pas hésité à s’engager dans cette voie, par le truchement de leurs filiales ou de sociétés assimilées, à des prix, semble-t-il, prohibitifs. Certains professionnels auraient même prétendu que la pose de détecteurs s’imposait dans les parties communes de l’immeuble. Or, c’est expressément interdit par la loi, car dangereux: le but du Daaf est de ne pas exposer les occupants aux fumées. Installé en partie commune, il les inciterait à sortir de leur logement au lieu de s’y abriter (art. 6 de l’arrêté du 5.2.13).
Autre dérive constatée, la pression exercée par certains administrateurs de biens, dont l’imagination est parfois sans bornes, sur leurs clients propriétaires bailleurs, comme ce professionnel qui entendait facturer une garantie mensuelle par locataire pendant dix ans, accompagnée d’un «suivi technique et administratif» dans le cadre d’un contrat de maintenance, ou cet autre qui exigeait la «pose par une personne qualifiée en sécurité incendie». Des dérapages à l’image d’un marché lucratif: plus de 10 millions d’unités devraient être vendues en 2015.

Marianne Bertrand

(1) loi n° 2010-238 du 9.3.10, complétée par le décret n° 2011-36 du 10.1.11 et l’arrêté du 5.2.13.
(2) pour en savoir plus, voir LPI n° 275 p. 38 et s.
(3) la liste des appareils régulièrement retirés du marché ou faisant l’objet d’un rappel est consultable sur le site http://www.economie.gouv.fr/dgccrf/.
(4) pour une sélection de produits, voir Le Particulier n° 1106 p. 49 et Le Particulier Pratique n° 410 p. 14.

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