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Tout savoir sur cette nouvelle procédure

L’action de groupe devrait faciliter l’indemnisation des consommateurs et épargnants lésés par des pratiques commerciales douteuses de la part de banques, d’assureurs, de fournisseurs d’énergie ou d’opérateurs de téléphonie mobile… Par principe, seules les associations de consommateurs agréées par l’État sont habilitées à agir. Les personnes lésées, elles, n’ont rien à faire jusqu’au prononcé de la condamnation de l’entreprise fautive. Voici comment fonctionne ce nouveau droit.

1| Quel est le principe de l’action de groupe ?

L’action de groupe vise à réparer un préjudice matériel «subi par plusieurs consommateurs placés dans une situation similaire» (circulaire NOR: JUSC1421594C du 26.9.14). Le préjudice peut être subi dans le cadre de la vente d’un bien ou de la fourniture d’un service. Par exemple, il est possible, avec ce nouveau droit, de poursuivre un professionnel pour une pratique commerciale trompeuse, une clause abusive dans un contrat ou une pratique anticoncurrentielle. L’action doit porter sur un litige ayant moins de 5 ans. Toutefois, la question du point de départ de la prescription n’est pas encore tranchée (voir encadré "Les mauvaises pratiques du passé n’échapperont pas à la justice").

2| Quels sont les secteurs concernés ?

Tous les secteurs sont concernés, à l’exception de la santé et de l’environnement. L’action de groupe ne prévoit pas, en effet, la réparation des dommages corporels, moraux et des atteintes à l’environnement. Mais la santé pourrait être rapidement intégrée dans le champ d’application de l’action de groupe (voir l'encadré "La procédure s’élargira bientôt au secteur de la santé").
La loi ne fixe aucun plafond d’indemnisation. Certaines procédures en cours contre des fonds d’investissement ou des contrats d’assurance vie n’ayant pas respecté leurs promesses portent sur plusieurs dizaines de millions d’euros (voir l'article "Banque et assurance, vous pouvez obtenir de fortes indemnisations"). L’action de groupe concerne également le droit de la concurrence (art. L. 423-17 du code de la consommation). Elle peut ainsi être invoquée si des entreprises concurrentes se sont entendues sur les prix. Mais, dans ce dernier cas, la responsabilité du professionnel ne pourra être établie par le juge que si une décision a déjà été prononcée à son encontre «par les autorités ou juridictions nationales ou européennes compétentes». Plusieurs cartels (lessives, farine…) ont déjà été condamnés. Mais il sera difficile d’apporter la preuve du préjudice pour les particuliers, sur ce type d’entente illicite (voir l'article "Transport aérien, téléphonie, auto… Les dossiers à surveiller").

3| Combien de consommateurs peuvent engager une action ?

L’action de groupe est possible dès lors que le préjudice concerne au moins deux consommateurs. Est considérée comme un consommateur «toute personne physique agissant à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale». Ces consommateurs doivent se trouver dans une situation similaire, c’est-à-dire être lésés par la même pratique d’un ou de plusieurs professionnels. Il peut, par exemple, s’agir d’un ensemble d’usagers, d’assurés, de touristes ou de locataires… En revanche, la nature ou le montant de leur préjudice n’a pas besoin d’être identique. Un même groupe peut donc comprendre «plusieurs catégories de consommateurs en fonction du ou des préjudices réparables» (circulaire du 26.9.14). Par exemple, le juge pourra définir une indemnisation pour un client ayant acheté un produit défectueux et une autre, au montant plus élevé, pour un client ayant subi un dommage matériel causé par l’explosion du même produit défectueux.

4| Qui agit devant les tribunaux ?

Une fois averties de l’existence du litige, seules les 15 associations de consommateurs agréées par l’État - comme l’association Consommation, logement et cadre de vie (CLCV), l’UFC-Que Choisir, Familles rurales ou la Confédération nationale du logement (CNL) ; voir la liste complète "L’action de groupe facilite l’indemnisation des consommateurs" - ont le droit de déposer une action de groupe devant le tribunal de grande instance du siège de l’entreprise visée. Les avocats ne peuvent pas être à l’initiative d’une telle procédure. L’action n’est pas forcément rendue publique (voir encadré "Les associations de consommateurs préfèrent rester discrètes") «Il est possible d’engager une action de groupe sans communication publique, précise Alain Bazot, président de l’UFC-Que Choisir. Cela peut permettre d’obtenir un accord plus favorable avec le professionnel en cause.» L’association peut alors conserver un moyen de pression sur le professionnel en le menaçant de dévoiler l’affaire dans les médias.

5| Quel est le rôle du juge ?

Le juge se prononce, à la fois, sur la recevabilité de l’action de groupe et sur la responsabilité du professionnel en cause. Si le juge condamne ce dernier, il doit également préciser quel est le groupe de consommateurs concerné et déterminer le montant de l’indemnisation. Il peut décider, par exemple, que tous les clients d’une société ayant acheté un produit défectueux entre telle et telle date (date du retrait du produit, par exemple) pourront être dédommagés. Par ailleurs, en cas de médiation entre l’association de consommateurs et l’entreprise fautive, le juge doit valider l’accord final entre les deux parties (voir point 7).

6| Combien de temps dure la procédure ?

À partir du moment où une association de consommateurs engage une action de groupe devant les tribunaux, il faut compter au moins 1 à 2 ans de procédure. De plus, l’entreprise poursuivie a la possibilité de faire appel en cas de condamnation. Une fois la procédure terminée, s’ajoute un délai de 2 à 6 mois donné par le juge pour laisser le temps aux clients lésés de se manifester. Enfin, le juge ne clôt l’action de groupe qu’après avoir constaté que l’entreprise a bien indemnisé tous les consommateurs.
Si l’identité et le nombre de consommateurs lésés sont connus à l’avance et si ces personnes ont subi un préjudice d’un même montant, l’association de consommateurs peut engager une action de groupe dite «simplifiée» (voir "L’action de groupe facilite l’indemnisation des consommateurs"). Le juge pourra alors condamner le professionnel à indemniser directement et individuellement les consommateurs lésés. La procédure sera donc moins longue.

7| Est-il possible de recourir à une médiation en cours de procédure ?

Oui, une fois l’action de groupe déclenchée, le professionnel peut, à tout moment, décider de dédommager plus rapidement ses clients. Seule l’association ayant engagé l’action de groupe peut participer à cette médiation pour représenter les clients lésés (art. L. 423-15 du code de la consommation). L’accord amiable est ensuite soumis au juge, qui vérifie s’il est conforme aux intérêts des consommateurs. La médiation permet d’accélérer une procédure aux impacts négatifs en terme d’image. Mais l’entreprise fautive n’échappera pas, pour autant, à des mesures de publicité. Même si un accord est trouvé, elle devra prendre des dispositions pour faire savoir à tous les clients lésés qu’ils peuvent demander une indemnisation.

8| Comment est-on averti de la fin de la procédure ?

Une fois l’action de groupe déclenchée par une association de consommateurs, le particulier n’est plus directement concerné par la procédure. Il doit attendre le jugement définitif pour agir. Rien n’empêche, cependant, les associations de permettre aux clients lésés de se faire connaître avant le jugement. Ainsi, l’association CLCV propose aux souscripteurs du contrat d’assurance vie Cler d’Axa-Agipi de remplir un formulaire de contact sur son site internet, et de le renvoyer par courrier (voir l'article "Banque et assurance, vous pouvez obtenir de fortes indemnisations"). La condamnation du professionnel fera ensuite l’objet d’une information dans les médias (radio, télé, presse écrite…) à ses frais.

9| Que dois-je faire si je suis concerné par une action ?

Après la condamnation de l’entreprise, vous aurez entre 2 et 6 mois, selon la décision du juge, pour vous faire connaître auprès de l’association à l’initiative de l’action de groupe ou auprès du professionnel. Vous devrez fournir les preuves de votre préjudice (vos factures notamment). Vous êtes donc libre de vous joindre ou non à la procédure une fois le verdict prononcé. Mais si vous estimez que le montant obtenu est insuffisant, vous pouvez porter l’affaire devant les tribunaux à titre individuel. Vous pouvez aussi adhérer à l’action de groupe pour obtenir réparation du préjudice matériel (seul préjudice indemnisable par l’action de groupe, voir point 11) et ensuite agir individuellement en justice pour demander la réparation d’un préjudice moral (art. L. 423-22 du code de la consommation). S’il s’agit d’une action de groupe simplifiée, vous n’aurez rien à faire: le groupe étant connu dès l’origine de la procédure, vous serez remboursé directement par le professionnel.

10| Combien la procédure va-t-elle me coûter ?

Les clients lésés n’ont rien à débourser. Vous n’êtes même pas obligé d’adhérer à l’association à l’origine de l’action (art. L. 423-5 du code de la consommation). Les frais de procédure sont pris en charge par cette dernière. Si le professionnel est condamné, il doit indemniser les consommateurs qui se sont fait connaître et régler les frais de procédure engagés par l’association. Si l’association perd son procès, elle devra assumer ces frais. Ce qui risque de poser problème. La loi prévoit que l’association aura la possibilité de «recouvrer ces frais auprès de ces mandants» (circulaire du 26.9.14). Autrement dit, elle pourra demander une participation aux clients concernés par l’action de groupe. Mais cette participation sera difficile à exiger, le groupe n’étant constitué qu’après le jugement. Si le juge déboute l’association, le groupe n’aura donc pas été constitué.

11| Si l’entreprise est condamnée, combien vais-je percevoir ?

L’action de groupe se limite à réparer le préjudice matériel. Avec les quatre premières actions de groupe déjà lancées ou sur le point de l’être, chacun des clients concernés pourrait récupérer de 50 € (action contre Paris-Habitat OPH, voir l'artcile "Immobilier Les mauvaises pratiques des bailleurs en ligne de mire") à plusieurs milliers d’euros (action contre Axa-Agipi, voir l'article "Banque et assurance, vous pouvez obtenir de fortes indemnisations"), selon l’estimation des associations. C’est le juge qui décide si l’entreprise condamnée indemnise directement ses clients ou verse les fonds sur un compte ouvert par l’association à la Caisse des dépôts et consignations. L’association de consommateurs veille, elle, au bon règlement de l’indemnisation.

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