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La médecine anti-âge pour éviter le bistouri

Drôle de paradoxe. Jamais les plus de 60 ans n’ont été aussi nombreux dans notre société, et jamais l’apparence et la jeunesse n’ont été aussi valorisées, confinant parfois à un culte du paraître. L’espérance de vie record contraste avec des stigmates honteux du vieillissement qu’il faudrait camoufler. Alors que nos grand-mères se contentaient, pour les plus coquettes, de se teindre les cheveux, il faut, aujourd’hui, gommer les signes extérieurs de vieillesse. Au cinéma, à la télévision, sur les planches, les vedettes ont immuablement le teint frais, la peau lisse, les dents éclatantes. Même diktat dans le monde du travail, où la jeunesse est associée à la performance, renforçant une pression sociale qui exhorte à ne pas vieillir.

Contrer la perte d’élastine et de collagène

Si nous avons toujours l’âge de nos artères, il existe quantité de techniques pour limiter les marques du vieillissement sur le visage. “Avec l’âge, les fibroblastes, qui constituent l’usine du derme, sont moins actifs et moins abondants, explique Catherine de Goursac, médecin esthétique. Ils produisent moins de fibres d’élastine et de collagène. Résultat, la peau est moins ferme et moins élastique.” Petit à petit, les tissus se relâchent, le visage se creuse par endroits, la peau s’assèche, des taches et des rides apparaissent. Certaines personnes passent sous le scalpel du chirurgien pour un lifting ; d’autres, de plus en plus nombreuses, se tournent vers des actes moins définitifs, qui entrent dans le champ de la médecine esthétique, ou anti-âge. Cette pratique englobe l’ensemble des soins non invasifs, ne nécessitant pas un passage par le bloc opératoire, et qui incluent les injections ou l’utilisation de produits actifs à des fins esthétiques. Les praticiens sérieux emploient des produits résorbables, dont les effets sont provisoires. Autant d’éléments qui expliquent le succès de la médecine esthétique, alors que ces interventions restent onéreuses.

Un seul diplôme de médecine esthétique

“La médecine esthétique n’existe pas en tant que spécialité officielle, souligne le Dr Xavier Deau, membre du Conseil national de l’ordre des médecins. Le terme esthétique est réservé à la chirurgie plastique, reconstructrice et esthétique.” De fait, hormis les chirurgiens spécialisés, aucun médecin ne peut faire figurer ce qualificatif sur sa plaque ni sur ses ordonnances. La terminologie officielle a préféré retenir la notion de médecine morphologique et anti-âge, qui donne, d’ailleurs, l’intitulé du seul diplôme interuniversitaire (DIU) de cette discipline reconnu par le Conseil national de l’ordre. “Environ 300 médecins ont suivi cette formation, qui ouvre le droit au titre”, précise le Dr Deau. Cependant, il existe plusieurs cursus universitaires ou interuniversitaires (“lasers médicaux à visée esthétique”, “obésité et vieillissement”…) permettant aux praticiens d’acquérir des compétences théoriques et pratiques, mais rien ne les oblige à recevoir un enseignement particulier pour dispenser des soins esthétiques. N’importe quel médecin peut réaliser un peeling, injecter des produits de comblement ou utiliser un laser. Aussi, certains praticiens s’engouffrent dans cette discipline ultra-rentable sans formation spécifique. “Il n’est pas acceptable que, au motif de gagner de l’argent, un médecin se permette d’appliquer n’importe quelle technique, parfois même pas validée ni évaluée. Certains n’ont plus aucun esprit scientifique et s’appuient sur des théories farfelues”, s’emporte le Dr Deau. De ce fait, le catalogue des prestations anti-âge contient quelquefois des choses étonnantes. Par exemple, la pose de fils d’or.

Des fils pour retendre la peau

Insérés sous la peau du visage ou du cou, les fils d’or, très fins, sont censés la retendre. Théoriquement, c’est le traitement miracle du relâchement cutané. Ces fils produisent une fibrose, qui génère du collagène, et donc un épaississement des tissus. Sauf qu’aucune étude sérieuse n’a prouvé l’efficacité du procédé, qui peut même se révéler délétère si les fils viennent à se casser ou à se plier. La Société française de chirurgie plastique, reconstructive et esthétique a, d’ailleurs, mis en garde contre cette technique qualifiée de “déontologiquement réprouvable”. Pourtant, l’utilisation de fils pour retendre la peau n’est pas une hérésie. “Ils peuvent donner de bons résultats”, affirme le Dr Deau, s’il s’agit de fils chirurgicaux crantés. “Introduits dans l’hypoderme, ils produisent une action mécanique en exerçant une traction qui remonte la peau, décrit le Dr Alain Butnaru, médecin anti-âge. En luttant contre la ptôse, ils constituent une alternative au lifting chirurgical.” Toutefois, cette technique n’est efficace que si la peau n’est pas trop affaissée, et le praticien doit connaître parfaitement l’anatomie du visage afin d’éviter une disgracieuse asymétrie.

Mésothérapie, des effets discutés

Initialement destinée à traiter la douleur, la mésothérapie, mise au point dans les années 1950, fait aujourd’hui partie de la panoplie de nombreux médecins esthétiques. Elle consiste à injecter en superficie de très petites quantités d’un cocktail composé de vitamines, d’oligo-éléments et d’acide hyaluronique afin de redonner son éclat à la peau. “Il ne s’agit pas d’un traitement, mais d’un soin qu’il faut répéter, souligne le Dr Butnaru. Je pique le visage entre 500 et 600 fois, sans douleur, ni marque ni bleu.”
Ces micro-injections à visée esthétique ne sont pas du goût de la Haute Autorité de santé (HAS). Dans un rapport publié en juin, la HAS pointe du doigt un risque infectieux majoré par la répétition des injections. Cette instance estime également que “l’état des connaissances dans le domaine de la mésothérapie esthétique apparaît précaire, ce qui contraste avec les effets d’annonces impactant le grand public, qui ignore les dangers potentiels de ces interventions”. Des critiques que relativisent les praticiens que nous avons interrogés. “Il n’existe effectivement pas d’étude qui démontre l’efficacité de cette technique, reconnaît le Dr Butnaru. Mais tant qu’il n’y aura pas un enseignement obligatoire de notre spécialité ni de services hospitaliers dans lesquels nous pourrions effectuer des recherches, il sera impossible d’objectiver les résultats. Ce que je constate dans ma pratique, c’est que la mésothérapie permet d’avoir une peau superbe, nourrie et réhydratée.”

Réoxygéner la peau grâce au gaz carbonique

Les études concernant la carboxythérapie ne sont pas non plus très nombreuses. Ce procédé consiste à “insuffler du dioxyde de carbone sous la peau à l’aide d’une très fine aiguille. Le gaz est diffusé localement et se transforme en oxygène in situ. Ce traitement est efficace contre les vergetures, le relâchement cutané, ainsi que contre les cernes bleus ou marron qui donnent l’air fatigué”, assure le Dr de Goursac. Cependant, son efficacité n’est pas prouvée de façon objective. “Il n’existe aucun argument scientifique réel en faveur de cette technique. Parfois, le principe de la médecine, fondée sur les preuves, est complètement oublié au profit d’arguments commerciaux qui s’appuient sur des théories scientifiques préfabriquées”, assène le Dr Deau. Manque de preuves d’un côté, résultats positifs constatés par les praticiens de l’autre, difficile pour le patient de trancher. Heureusement, “la carboxythérapie n’est pas toxique et ne provoque pas d’allergie”, rassure le Dr de Goursac. L’usage de l’acide hyaluronique et de la toxine botulique est moins controversé.

L’acide hyaluronique, vedette des produits de comblement

L’acide hyaluronique est une substance hydratante naturellement présente dans notre organisme - notamment dans le derme et les articulations - et résorbable. Les médecins l’utilisent comme produit de comblement pour masquer les rides et les ridules, corriger une perte de volume des joues, remodeler l’ovale du visage, effacer des cernes, redessiner les pommettes ou les lèvres, etc. “Il y a des dizaines de types d’acides hyaluroniques sur le marché, commente le Dr Butnaru. Ils sont plus ou moins denses en fonction du résultat recherché et de la zone concernée. Les injections ne sont pas douloureuses, puisque presque tous les produits contiennent un anesthésiant. Des allergies sont décrites, mais elles restent rarissimes. Il faut, bien sûr, connaître précisément l’anatomie pour ne pas piquer dans le réseau vasculaire passant sous l’œil ou dans un nerf. Le médecin doit avoir du talent et de l’expérience, être un peu sculpteur, afin de ne pas déformer le visage et, surtout, éviter les excès. Le traitement réussi est celui qui donne bonne mine, sans que les autres puissent voir pourquoi.” Les effets de l’acide hyaluronique sont immédiats. Sitôt injecté puis, parfois, réparti manuellement par les palpations du médecin, il change la physionomie. La correction s’estompe en 6 mois ou un an et demi ; le traitement est alors à renouveler.

Relâcher les rides d’expression avec la toxine botulique

La toxine botulique est, elle aussi, une star des cabinets. Injectée dans le muscle, elle bloque sa contraction, empêchant ainsi la formation des rides. Théoriquement réservée au traitement du haut du visage, elle est particulièrement indiquée pour atténuer la ride du lion, qui se forme sur le front, verticalement, au-dessus du nez. “Dans cette partie du visage, le patient est à l’abri d’une dissymétrie malheureuse, alors que le résultat est moins sûr dans le bas du visage”, indique le Dr Butnaru. Par exemple, dans le cou, une injection mal maîtrisée peut entraîner des difficultés de déglutition ; si la toxine est injectée dans le muscle qui relève la paupière supérieure, cette dernière s’affaisse, et il faudra attendre environ un mois pour qu’elle remonte, le temps que l’effet du produit disparaisse. “Comme avec l’acide hyaluronique, il faut savoir où l’on pique, avertit le Dr Butnaru. Pour mieux connaître l’anatomie, nous pratiquons régulièrement des dissections de cadavres. C’est l’idéal pour avoir une bonne représentation des muscles.” Bien réalisées, les injections de toxine botulique donnent aussi des résultats intéressants sur les pattes d’oie.
La toxine est contre-indiquée aux femmes enceintes et allaitantes, ainsi qu’aux personnes atteintes de pathologies musculaires ou auto-immunes. “Je demande systématiquement un avis écrit du médecin qui suit ces patients avant de décider d’un soin”, précise le Dr Butnaru, soulignant l’importance d’une prise en charge globale, qui ne peut se résumer à quelques gestes techniques.

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