Publicité

Protéger son épouse et donner plus à sa dernière fille

Passionnés de tai-chi, Antoine et Joëlle sont mariés depuis 30 ans. Ils voudraient s’assurer, si lui disparaissait, que Joëlle soit suffisamment protégée. Ils souhaitent également que leur fille, Nadia, soit privilégiée par rapport à ses demi-sœurs.

Antoine, ancien commercial d’une grande firme informatique, a pris sa retraite depuis peu. Joëlle, son épouse, est responsable logistique dans une entreprise de cosmétiques. Ils ont un enfant en commun, Nadia, tandis qu’Antoine a deux filles d’un premier mariage.
Le couple, marié sous le régime de la communauté légale, vit dans la campagne ligérienne, dans une confortable maison achetée en 1987. Ils possèdent également un appartement à Orléans, investi en régime Scellier intermédiaire, et viennent d’en acheter un autre, près de chez eux, en cours de construction, qu’ils loueront aussi, sous le régime Pinel. Le premier bien a été financé par l’héritage qu’Antoine a reçu de son père. Le second, par un crédit in fine (seuls les intérêts sont réglés chaque mois, le capital étant remboursé en une fois au terme du prêt).
Antoine veut tout d’abord s’assurer que Joëlle aura des revenus suffisants s’il venait à disparaître prématurément. Et tous deux désirent organiser, dès à présent, leur succession. Ils souhaiteraient que leur fille Nadia perçoive une part d’héritage sensiblement plus élevée que celles de ses demi-sœurs. Ces dernières, en effet, hériteront de leur mère, l’ex-épouse d’Antoine, qui s’est remariée et possède un patrimoine à peu près équivalent à celui du père de ses filles.
Joëlle et Antoine comptent sur nous pour trouver les solutions adaptées à leur situation.

Notre diagnostic

Antoine perçoit aujourd’hui 37 200 € de pensions de retraite par an, soit sensiblement plus que son épouse. Celle-ci, encore en activité, perçoit 27 100 € de salaire (elle travaille à temps partiel), et, à la retraite, sa pension ne s’élèvera qu’à 22 118 €, en 2018, date à laquelle elle aura droit au taux plein. Au décès d’Antoine, Joëlle pourra prétendre à la pension de réversion de son époux, qu’elle devra toutefois partager avec l’ex-épouse de ce dernier. Combien percevra-t-elle?
La retraite annuelle d’Antoine se compose ainsi: 15 579 € au titre du régime de base, 10 489 € au titre de l’Arrco, 8 565 € au titre de l’Agirc, et enfin 2 519 € qu’il perçoit au titre d’un contrat complémentaire que son employeur avait souscrit auprès d’Axa, sur lequel il n’y a pas d’option de réversion.
Joëlle ne devrait rien percevoir sur la retraite de base, celle-ci n’étant accordée que si le conjoint survivant gagne moins de 19 822 € par an (1 651 € par mois), réversion comprise (voir le n° 1091 du Particulier, "Pensions de réversion: quels sont les droits du conjoint survivant?"). Ses revenus dépassent aujourd’hui ce montant, et continueront à le dépasser lorsqu’elle sera à la retraite. Mais comme aucune condition de revenus n’est requise pour les régimes complémentaires, elle pourra percevoir la réversion des retraites complémentaires d’Antoine (60 % des pensions), à partager avec la première femme d’Antoine, proportionnellement à la durée de son mariage rapportée à celle de vie conjugale du défunt.
Cela fait 30 ans qu’Antoine et Joëlle sont mariés, tandis que le premier mariage d’Antoine a duré 10 ans. Si le décès intervenait maintenant, Joëlle aurait droit aux trois quarts de la pension de réversion des régimes complémentaires, soit: (10 489 € + 8 565 €) x 0,60 x ¾ = 8 574 €.
Cette somme viendrait donc s’ajouter à ses revenus, ainsi qu’aux revenus fonciers (6 000 €/an, puis 12 000 €/an quand le second bien locatif sera livré et loué) et financiers (7 200 €/an), soit un total de 54 874 €/an tant qu’elle est en activité, qui tombera à 49 892 € lorsqu’elle prendra sa retraite. Antoine n’a donc pas à s’inquiéter. Joëlle devrait disposer de revenus suffisants pour continuer à assurer son train de vie.
Reste à organiser la transmission du patrimoine pour avantager Nadia. La solution consiste à augmenter celui de Joëlle au détriment de celui d’Antoine, par des solutions simples à mettre à œuvre.

Notre conseil n° 1 : faire les bons choix au moment du décès

Notre couple s’est consenti une donation au dernier vivant, ce qui a pour effet d’accroître la part pouvant revenir à chaque époux. En effet, en l’absence de testament ou de donation, au décès de son conjoint, l’époux survivant obtiendrait: soit la totalité du patrimoine en usufruit, soit un quart du patrimoine en pleine propriété. La donation entre époux lui offre un choix plus important. Le conjoint survivant peut ainsi recueillir au décès de son époux: soit l’usufruit de la totalité des biens, soit un quart en pleine propriété et les trois quarts en usufruit, soit la pleine propriété de la quotité disponible de la succession (la part qui ne revient pas obligatoirement aux enfants). Cette quotité disponible est égale à la moitié du patrimoine en présence d’un enfant, le tiers lorsqu’il y en a deux et le quart à partir de trois. Ces deux dernières options ont pour effet de réduire le patrimoine transmis aux enfants d’une première union, au profit du conjoint puis, dans un second temps, de leur enfant commun. Ce qui est le but recherché.
Mais, attention, il ne faudra pas exercer le même choix, suivant l’ordre des décès. «Dans l’optique de favoriser leur fille commune, si Antoine décède en premier, Joëlle devra opter pour le quart en pleine propriété et les trois quarts en usufruit», explique Me Nathalie Couzigou-Suhas, notaire à Paris. Ainsi, Joëlle verra augmenter son propre patrimoine, qui sera, à son décès, transmis à sa fille. «À l’inverse, si Joëlle décède en premier, Antoine devra prendre garde à opter pour la totalité en usufruit.» Ainsi, Nadia sera nue-propriétaire du patrimoine de sa mère, qu’elle récupérera au décès de son père.

Notre conseil n° 2 : évaluer le bien locatif avec précision lors du décès

Le premier bien locatif, acheté en commun par le couple, a été financé par des fonds provenant de l’héritage qu’Antoine a perçu au décès de son père. «Même s’il a été financé par un bien propre, l’appartement constitue un bien commun, explique Me Couzigou-Suhas. Mais Antoine aura droit à une récompense au moment de la liquidation de la communauté, en cas de divorce ou de décès.» Ainsi, au décès d’Antoine, la communauté devra verser une indemnité au patrimoine personnel du défunt, puisqu’elle se sera enrichie à son détriment. «Il n’y a pas eu de clause de remploi (qui indique que le bien est financé par des fonds propres d’Antoine, Ndlr) dans l’acte d’achat du bien, poursuit Me Couzigou-Suhas. Rien ne prouve donc que l’argent issu de l’héritage a effectivement servi à financer le bien en question. Cette absence de preuve ne remet pas en cause le principe du versement de la récompense, mais son montant.» Ainsi, si Joëlle venait à contester le financement du bien locatif par le biais de fonds propres d’Antoine, en arguant, par exemple, que l’argent de l’héritage du père d’Antoine a été versé sur un compte bancaire et a servi à l’entretien du ménage, la récompense sera limitée au montant que le couple a versé pour acquérir le bien. En revanche, en l’absence de contestation, le montant de la récompense correspondra à la valeur du bien au jour du décès. Cette règle n’a, aujourd’hui, aucune incidence, mais elle pourrait avoir des conséquences sensibles dans quelques années quand l’appartement aura pris de la valeur. Dès lors, au décès d’Antoine, Joëlle aura intérêt à limiter le montant de la récompense à la valeur nominale des sommes investies dans le bien. Cela aura pour effet de moins réduire ce que vaut le patrimoine commun, et, par ricochet, la part pouvant revenir à Nadia.

Notre conseil n° 3 : adapter la clause bénéficiaire du contrat d’assurance vie

Antoine a souscrit un contrat d’assurance d’un montant de 212 000 € (Joëlle en a un petit, d’une valeur de 1 400 €). Pour avantager Nadia, tout en protégeant Joëlle et ne pas démunir ses deux premières filles, il doit prendre un soin particulier à la rédaction de la clause bénéficiaire. Il doit, tout d’abord, décider combien il veut transmettre à chacun de ses enfants. S’il veut favoriser Nadia, celle-ci pourrait recevoir deux fois plus que ses demi-sœurs, à savoir 50 % du capital, contre 25 % à chacune des deux autres filles.
Ensuite, il doit réfléchir à la protection qu’il veut accorder à son épouse. On peut imaginer, dans un premier temps, qu’il accorde l’usufruit du capital à sa femme, la nue-propriété étant répartie entre ses trois filles, selon l’option indiquée ci-dessus. Mais cette solution présente un inconvénient de taille. Rien n’empêchera Joëlle de consommer tout ou partie des sommes reçues au décès d’Antoine, et donc de démunir définitivement ses belles-filles. Sauf à ce que l’ensemble des bénéficiaires souscrivent, au décès d’Antoine, un contrat en démembrement, qui prévoie expressément que Joëlle ne peut disposer que des intérêts. Mais tous les assureurs ne savent pas gérer ce type de contrat.
La solution la plus simple reste encore qu’Antoine nomme chacune de ses deux premières filles bénéficiaires en pleine propriété pour 25 % du capital, son épouse comme usufruitière pour 50 % du capital et sa fille comme nue-propriétaire à 50 %, tout en prévoyant la possibilité que Joëlle renonce à son usufruit au profit de Nadia.

Notre conseil n° 4 : faire preuve de pédagogie pour éviter les rancœurs

«Dans tous les cas, il est primordial que le couple explique sa motivation aux trois enfants, conseille Me Couzigou-Suhas. Les deux aînées pourraient se sentir lésées par le choix de leur père de favoriser la plus jeune. Il faudra bien leur rappeler qu’elles hériteront de leur mère un patrimoine équivalent et que les trois sœurs devraient recevoir une part de patrimoine à peu près égale au décès de leurs deux parents.»

Ce qu’il faut retenir :

  • - Un bien acheté en couple par des fonds propres à un époux reste commun au couple. Mais la communauté doit récompenser l’époux en question.
  • - Si vous souhaitez avantager un enfant au détriment des autres, et quelle qu’en soit la raison, expliquez-leur à tous les raisons de votre démarche.

Protéger son épouse et donner plus à sa dernière fille

S'ABONNER
Partager

Partager via :

Plus d'options

S'abonner