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La loi Hamon va renforcer vos droits

Votée le 13 février dernier, la loi Hamon renforce les droits et la protection des consommateurs face aux vendeurs. Elle devrait aussi améliorer leur pouvoir d’achat en favorisant la concurrence dans certains secteurs. En voici les principales mesures.

La loi portée par Benoît Hamon, ministre de la Consommation, a été adoptée le 13 février. Très attendue, elle cherche à mieux protéger le consommateur en créant un cadre plus contraignant pour les vendeurs. Elle devrait aussi redonner un peu de pouvoir d’achat aux ménages en favorisant la concurrence dans divers secteurs de la vie quotidienne. À commencer par celui des assurances: l’une des mesures phares du projet consiste à offrir à l’assuré la possibilité de résilier son contrat d’assurance automobile ou habitation à tout moment, une fois le premier anniversaire échu. Par ailleurs, la loi accorde une protection supplémentaire au client achetant un bien ou un service sur internet et précise les conditions du démarchage à domicile. Mais l’avancée la plus spectaculaire est la création de l’action de groupe qui permet à des clients lésés de faire valoir leurs droits collectivement, en sollicitant une association de consommateurs. Attention, à l’heure où nous bouclons notre magazine, le Conseil constitutionnel, saisi par l’opposition le 17 février, ne s’est pas encore prononcé sur la validité du dispositif. Une fois son aval obtenu, la loi sera promulguée (publication au Journal officiel). La plupart des mesures entreront en vigueur après la publication des décrets d’application, attendus avant l’été.

Vous pourrez vous regrouper pour mieux vous défendre

L’action de groupe, inspirée des class actions à l’américaine, va voir le jour (nouvel article L 423-1 du code de la consommation). Tout groupe de consommateurs s’estimant lésés pourra solliciter l’une des 15 associations de consommateurs agréées par l’État, qui saisira ensuite le tribunal de grande instance (voir: Le fonctionnement de l'action de groupe) en son nom. Il sera, par exemple, possible de demander réparation des préjudices matériels résultant des dommages subis à l’occasion de la vente d’un produit ou d’un service (contrat de téléphonie ou d’énergie, service bancaire ou placement financier…). Les dommages corporels ou les préjudices moraux seront toutefois exclus, contrairement à ce que permet la procédure américaine. «Il ne s’agit pas de punir l’entreprise, mais de compenser le préjudice subi auprès d’un tribunal civil, précise Nadia Ziane, juriste de l’association de consommateurs Familles Rurales. Par ailleurs, les domaines de la santé et de l’environnement ne sont pas concernés par la procédure.»

Une action de groupe simplifiée est également prévue pour des consommateurs ayant subi un préjudice d’un même montant dans un groupe facilement identifiable (des clients voyageant sur un même vol, par exemple). Ces derniers pourront recevoir une compensation venant directement de l’entreprise sans avoir à en faire la demande. «Cette procédure simplifiée constitue une avancée notable dans le droit français, explique Nadia Ziane. Jusqu’à présent, les consommateurs hésitaient à saisir un tribunal pour un préjudice de quelques dizaines d’euros. Ils pourront, par exemple, attaquer un opérateur téléphonique pour publicité déloyale, s’il ne remplit pas ses obligations de couverture sur un réseau. La procédure pourra être très rapide. Le juge n’aura qu’à statuer sur le préjudice en exigeant de l’opérateur qu’il rembourse un pourcentage du coût du forfait aux clients concernés.»

Entrée en vigueur de la mesure

L’action de groupe n’entrera en application qu’après la publication d’un décret, qui devrait intervenir d’ici l’été. Un rapport remis au Parlement dans un délai maximal de 30 mois après promulgation sera chargé d’évaluer l’efficacité du dispositif et pourrait envisager son extension aux secteurs de la santé et de l’environnement.

L’assurance emprunteur sera plus facilement négociable

Depuis 2010, la loi Lagarde (n° 2010-737 du 1er juillet 2010) est censée faciliter la pratique de la délégation d’assurance qui permet de souscrire l’assurance de son prêt immobilier (décès, invalidité, chômage) dans un autre établissement que celui délivrant le crédit. «Mais, en pratique, les banques ont réussi à mettre suffisamment de pression sur leurs clients pour conserver la mainmise sur l’assurance emprunteur», explique Arnaud Giraudon, président du courtier en ligne AcommeAssure. Avec la loi Hamon, les clients pourront résilier leur contrat d’assurance emprunteur dans les 12 mois qui suivent la signature de l’offre de prêt (art. L. 312-9 du code de la consommation), le temps pour eux de trouver moins cher ailleurs. «Cette mesure permettra de réaliser d’importantes économies, précise Arnaud Giraudon. Par exemple, pour un emprunt immobilier de 200 000 € à 3,5 % sur 20 ans, contracté par un couple de cadres non-fumeurs de 35 ans, l’assurance avec une couverture complète (décès, invalidité, interruption temporaire de travail) coûte, en moyenne, 25 600 € dans une banque (0,32 % du capital emprunté). En passant par un courtier, ce même couple ne paierait que 13 175 € d’assurance (0,164 % du capital emprunté). Soit 621 € d’économie par an pendant 20 ans.»

Pour bénéficier de cette mesure, le client doit envoyer un courrier, au maximum, 15 jours avant l’échéance annuelle de son contrat d’assurance. La banque a 10 jours, à compter de la réception du nouveau contrat d’assurance pour accepter le transfert. Elle peut le refuser s’il ne présente pas des niveaux de garanties équivalents. Une fois la nouvelle offre émise, la banque doit modifier le contrat de crédit pour calculer gratuitement un nouveau taux effectif global.

Entrée en vigueur de la mesure

Elle ne sera applicable qu’aux offres de prêt émises à partir du 26 juillet 2014.

Un fichier pour prévenir le risque de surendettement

Afin de prévenir le surendettement, la loi Hamon prévoit la création d’un registre national recensant les crédits à la consommation souscrits par des particuliers (art. L 333-6 à 333-21 du code de la consommation). Ce fichier va répertorier les prêts personnels amortissables (remboursables par mensualité dans un délai connu à l’avance), les crédits renouvelables, les crédits affectés à l’achat d’un bien (crédit auto, par exemple), les autorisations de découvert lorsqu’elles sont remboursables dans un délai supérieur à 3 mois, les opérations de location-vente et de location avec option d’achat. Le crédit immobilier n’est pas concerné. En outre, seront indiqués tous les incidents de paiement liés à ces crédits, les situations de surendettement et les liquidations judiciaires (informations conservées pendant un maximum de 5 ans). Placé sous la responsabilité de la Banque de France, ce registre ne sera consultable que par les établissements de crédit ou les commissions de surendettement. Il permettra aux établissements de crédit d’apprécier la solvabilité d’un client avant d’accorder tout nouveau crédit. «Ce texte va responsabiliser les prêteurs comme les emprunteurs, estime Nadia Ziane. Lorsqu’un crédit à la consommation aura été accordé trop facilement, la loi va permettre de poursuivre la banque pour soutien abusif. Aujourd’hui, ces procédures sont vouées à l’échec car la preuve incombe à l’emprunteur et elle s’avère difficile à établir.»

Ce registre pourrait concerner 10 millions de particuliers. Sa mise en place et sa gestion ne devraient rien coûter aux contribuables: le financement sera assuré par les établissements de crédit eux-mêmes, la consultation du fichier étant payante. La loi précise, en outre, que «les frais afférents à cette consultation ne pourront être facturés par ces établissements aux personnes concernées». Attention, le fichier recensera non seulement les souscripteurs d’un crédit, mais aussi toute personne se portant caution pour un tiers. «Si cette dernière demande, à son tour, un crédit à sa banque, la caution viendra grever sa capacité d’endettement», prévient Nadia Ziane.

Autre mesure concernant le crédit à la consommation: si un client se voit proposer un crédit renouvelable, le prêteur devra lui faire une proposition de crédit amortissable (art. L 311-8-1) pour lui permettre de comparer le coût final. Cette disposition n’était jusque-là obligatoire que pour les crédits d’un montant supérieur à 1 000 € (loi Lagarde de 2010).

Entrée en vigueur de la mesure

La date de création du registre national sera fixée par décret, dans un délai maximal de 3 ans à compter de la promulgation de la loi.

Les assurances auto et habitation seront résiliables à tout moment

Alors que la plupart des assurances ne sont aujourd’hui résiliables qu’à leur échéance annuelle, tout contrat d’assurance auto ou habitation (à l’exclusion de ceux souscrits dans le cadre d’une activité professionnelle) sera bientôt résiliable à tout moment, sans frais ni pénalités, à l’issue du douzième mois du contrat (art. L. 113-15-2 du code de la consommation). La résiliation s’appliquera un mois après la notification à l’assureur. Pour qu’elle soit effective, le client doit prévenir son assureur par courrier simple ou par mail. L’assuré n’est redevable que de la fraction de la cotisation d’assurance courant de la date anniversaire du contrat à la date de résiliation. S’il a trop payé, il est remboursé dans un délai de 30 jours à compter de la date de résiliation. Et le nouvel assureur doit vérifier que l’assuré bénéficie d’une couverture pendant la procédure de transfert du contrat.

La loi Hamon facilite également la résiliation des contrats d’assurance affinitaires (voir: Appareils nomades: déjouez les pièges des assurances) qui couvrent les risques d’accident, de perte ou de vol de biens, mais aussi les assurances vol de bagages ou les contrats d’assistance liés à un voyage. Souvent souscrits le jour de l’achat du bien ou de la prestation, sous la pression du vendeur, ces contrats pourront désormais être résiliés sans frais dans un délai de 14 jours à compter de la date de souscription (art. L 112-10 du code de la consommation). Le temps pour le client de vérifier si une de ses assurances (habitation, auto ou garantie d’une carte bancaire…) ne couvre pas déjà les mêmes sinistres. Attention, pour résilier, il faudra justifier qu’un autre contrat, antérieurement souscrit, couvre déjà le risque.

Entrée en vigueur de la mesure

Les modalités d’application de la procédure de résiliation seront fixées par décret. Une fois le décret publié, la loi s’appliquera à tout contrat conclu ou reconduit.

le délai de rétractation après achat s’allonge

La loi consommation vient apporter de nouvelles garanties pour les achats de biens ou de services. Ainsi, dans le cadre d’un achat sur internet qui constitue une vente à distance, le délai de rétractation passe de 7 à 14 jours (art. L 121-21 du code de la consommation). Cette mesure va transposer dans le droit français la directive européenne sur les droits des consommateurs (voir: Acheter sur internet en toute sécurité). En cas de rétractation, le client devra être remboursé sous 14 jours (art. L 121-21-4). La loi précise également que la livraison d’un produit acheté sur un site de vente à distance doit, sauf accord particulier, être effectuée dans les 30 jours (art. L 138-1). De plus, le site doit clairement indiquer, dès le début de la commande, les moyens de paiement acceptés et les éventuelles restrictions de livraison (art. L 121-19-3).

À l’inverse, le démarchage à domicile ou par téléphone n’est toujours pas considéré comme une vente à distance. Il s’agit d’une vente dite «hors établissement». Le délai de rétractation reste fixé à 7 jours. À noter que les commerçants n’ont plus le droit de vous démarcher par téléphone avec un numéro masqué (art. L 121-34-2). Vous pourrez vous inscrire sur une liste afin d’éviter toute prospection commerciale par téléphone (art. L 121-34). La gestion de celle-ci sera confiée à un organisme, désigné par un futur appel d’offres. Les ventes en réunion (comme les réunions Tupperware) conservent également leur délai de rétractation de 7 jours. Mais la loi Consommation précise qu’il est désormais possible de prendre le paiement le jour même (art. L 121-18-2, alinéa 3), une pratique jusque-là interdite. «Nous déplorons cette nouvelle mesure car un consommateur aura encore plus de mal à refuser l’offre d’une connaissance et risque de ne pas vouloir faire jouer, ensuite, son droit de rétractation», regrette Nadia Ziane.

Par ailleurs, les ventes en foires, salons ou manifestations commerciales n’ouvrent toujours pas droit à un délai de rétractation. Mais la loi Hamon précise que le professionnel devra informer le consommateur par écrit qu’il ne dispose pas de ce délai, avant la signature du contrat (art. L 121-97).

Entrée en vigueur de la mesure

Elle sera applicable aux offres émises à partir du 26 juillet 2014.

la garantie sur les appareils passe à 2 ans et la réparation est facilitée

La loi consommation allonge le délai pendant lequel les clients pourront invoquer un défaut de conformité d’un article en cas de panne, sans avoir à se justifier. Ce délai passera de 6 à 24 mois (art. L 211-7 du code de la consommation). Ainsi, selon le gouvernement, «le consommateur n’aura pas à souscrire une garantie payante complémentaire pour se voir protégé des éventuelles défaillances du produit qu’il aura acheté». De même, il devra pouvoir connaître, avant d’acheter, la durée de disponibilité des pièces détachées nécessaires au bon fonctionnement d’un bien. La loi prévoit que le fabricant devra informer les consommateurs sur la durée de fabrication et de commercialisation de ses pièces détachées. Cette précision devra être transmise par le vendeur au client, avant la vente, et confirmée par écrit au moment de l’achat (art. L 111-3). Le texte imposera même au fabricant un délai maximal de 2 mois pour fournir les pièces détachées.

Entrée en vigueur de la mesure

La garantie légale de conformité de 24 mois entrera en vigueur 2 ans après la promulgation de la loi. Concernant la disponibilité des pièces détachées, la date d’application sera fixée par décret. Un futur rapport sur l’obsolescence programmée (stratégie industrielle visant à écourter délibérément la durée de vie de certains produits) devra être remis par le gouvernement au Parlement dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la loi Consommation.

Pascal Frasnetti

Rectificatif paru dans le n° 1098 de juin 2014: à compter du 14 juin, le délai de rétractation passe de 7 à 14 jours pour les ventes pratiquées "hors établissement", soit le même délai qu'en cas d'achat sur internet.

La loi Hamon va renforcer vos droits

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