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Location meublée: êtes-vous toujours gagnant?

Le projet de loi Alur prévoit de durcir les règles applicables à la location en meublé. Mais si les rapports entre bailleurs et locataires sont effectivement revus en profondeur, les réels atouts de cette formule, souplesse et fiscalité, demeurent.

Alors que les rendements locatifs se resserrent sous le poids des charges et de la fiscalité, de nouvelles règles, plus contraignantes pour le bailleur, pourraient voir le jour avec le projet de loi pour l’accès au logement et à un urbanisme rénové, dit Alur, en cours de lecture au Parlement. Il modifie en profondeur l’équilibre des rapports locatifs. Et la location meublée en résidence principale n’est pas épargnée. L’article 4 vise en effet à rapprocher encore son régime de celui des locations nues, fixé par la loi de 1989. Restera-t-elle alors une solution séduisante pour le bailleur? A priori, oui. D'abord parce que la location meublée demeure plus souple.
Chacun connaît toutes les contraintes imposées par la loi du 6 juillet 1989 aux bailleurs de locations nues. Pour rappel: bail de trois ans ; reprise du logement strictement encadrée. Sur le fond: trois motifs seulement
permettent de mettre fin au bail et seulement à son échéance: la reprise pour habiter, la vente ou un «juste motif». Sur la forme: lettre recommandée avec accusé de réception, la signification par huissier étant plus prudente, au moins six mois avant le terme prévu du bail, mention obligatoire de l’article relatif au congé dans la loi de 1989… À défaut d’avoir respecté ces formalités, le bail repart pour sa durée initiale. Qui plus est, un locataire âgé de 70 ans dont les ressources sont inférieures à une fois et demie le SMIC ne peut être congédié qu’à la condition que lui soit proposée une solution de relogement, sauf si le bailleur a lui-même plus de 60 ans et des ressources jugées faibles. On peut ajouter le droit de préemption du locataire, qui impose au bailleur qui veut vendre de respecter de nouveaux délais afin de lui laisser la possibilité d’acheter par priorité, à un prix raisonnable.
Au regard de ces contraintes, les obligations du locataire paraissent légères: entretenir le logement, payer ses loyers, et prévenir son bailleur avec un préavis de trois mois s’il souhaite donner son congé, sauf s’il entre dans l’un des cas où la loi prévoit un préavis réduit à un mois (art. 11 de la loi de 1989). Le bailleur dispose en contrepartie d’un dépôt de garantie équivalent à… un mois de loyer, censé couvrir un éventuel solde de loyers ou de charges, et des dégradations locatives.

La location meublée, dangereusement proche

Souvent saisonnière (voir "Bien faire le distinguo entre location meublée et location saisonnière"), puisqu'il s'agit de louer son bien équipé à des locataires en transit, la location meublée peut aussi avoir pour vocation d’être occupée comme résidence principale. Que ce soit pour une courte durée (mutation professionnelle, raisons familiales, études…) ou de manière plus durable, le bail est alors davantage encadré: depuis la loi du 18 janvier 2005, sa durée est d’un an au minimum (neuf mois pour les étudiants), renouvelable par tacite reconduction. «Lorsqu’un étudiant souhaite rester pendant deux années universitaires dans le même logement, il est alors préférable de signer un bail d’un an, tacitement reconductible. Il serait illégal d’aligner dans le temps plusieurs contrats de location de neuf mois pour le même étudiant», prévient Maud Velter, directrice associée de Lodgis, agence spécialisée dans la location meublée.

Alur durcit les conditions de reprise du bien

Actuellement, les conditions de reprise du logement, au terme du bail, sont moins rigides qu’en location vide, à une exception près: alors que le propriétaire doit prévenir son locataire trois mois avant la fin du bail, ce dernier a un préavis d’un mois. Plus précisément, l’article L. 632-1 du Code de la construction, relatif aux locations meublées, précise que «le bailleur qui ne souhaite pas renouveler le contrat doit (…) motiver son refus de renouvellement du bail soit par sa décision de reprendre ou de vendre le logement, soit par un motif légitime et sérieux, notamment l’inexécution par le locataire d’une des obligations lui incombant.» Ainsi, aucune restriction en matière de destination du bien n’est imposée. «Le bailleur ou sa famille ne sont pas tenus d’en faire leur résidence principale. Ils peuvent utiliser le bien repris à titre de résidence secondaire», souligne Dominique Gadeix, directeur adjoint de l’Adil. Mais l’adoption du projet Alur pourrait limiter la liste des personnes susceptibles de reprendre le bien. Il y est indiqué qu’en cas de reprise, le bénéficiaire ne peut être que le bailleur, son conjoint son partenaire de Pacs, son concubin notoire depuis un an, ses ascendants et ses descendants ou ceux de son conjoint, partenaire ou concubin. Par ailleurs, le dépôt de garantie du locataire pourrait être limité à deux mois au maximum. «Et s’il n’est pas restitué dans un délai d’un ou deux mois au maximum, le propriétaire serait pénalisé à raison de 10 % du montant du loyer par mois de retard», prévient Eric Allouche, directeur exécutif du réseau Era.

L'instauration d'un bail type

Autre espace de liberté qui pourrait disparaître avec la loi Alur: la rédaction du contrat de bail est jusqu’à ce jour encore libre. Les parties ont bien sûr tout intérêt à y préciser scrupuleusement les conditions de la location: date de prise d’effet et durée du bail, montant des loyers et des charges, dépôt de garantie, etc. Mais la loi n’impose rien au-delà des exigences du Code civil applicables en la matière. «Il n’y a pas, notamment, d’énumération de clauses réputées non écrites, comme lors d’une location nue. Ainsi, un bailleur pourra imposer le nom d’une entreprise pour l’entretien des équipements, ce qui serait impossible dans le cas d’une location vide. Il pourra aussi exiger que le logement soit assuré auprès d’une compagnie précise, ou encore y interdire l’exercice d’une activité politique, syndicale, associative ou confessionnelle», explique Dominique Gadeix.
Or, le projet de loi Alur prévoit l’instauration d’un modèle type de bail censé approcher, pour les résidences principales, le régime de la location nue, tout en respectant les spécificités de la location meublée, et dont les dispositions seront précisées par décret. «Cette réglementation permettra d’éviter la rédaction de clauses fantaisistes, apprécie Eric Allouche. En revanche, en l’absence de dispositions législatives transitoires, le bailleur devra effectuer rapidement les modifications sur le bail en cours.» Outre l’état des lieux, un inventaire détaillé des meubles et objets présents dans le logement pourrait devenir obligatoire. Dans ce dernier cas, il sera établi et signé par les parties ou par un tiers mandaté. «Ces documents ne peuvent donner lieu à aucune autre facturation que celle liée à l’état des lieux», est-il d’ailleurs indiqué dans le projet Alur. La bonne rédaction de cet inventaire est primordiale, car elle atteste de la conformité ou non du logement en meublé. Jusqu’ici, différentes jurisprudences permettaient de poser quelques règles en la matière.

Vers une définition plus stricte du meublé

Le projet Alur propose une définition stricte du logement meublé, lequel doit répondre aux règles de décence et être garni d’un mobilier en nombre et de qualité suffisants pour permettre aux locataires d’y dormir, manger et vivre convenablement au regard des exigences de la vie courante. Ce mobilier devra comporter un lit, une table et deux chaises, et une cuisine équipée, auxquels s’ajoutent des éléments de confort. «Cette définition devra être appréciée en fonction de la taille du logement. Par exemple, dans un grand appartement, toutes les chambres devront être pourvues d’un sommier et d’un matelas», précise Dominique Gadeix.
À défaut de répondre aux critères attendus, la location meublée pourrait être requalifiée en location nue. Or, cette requalification possède deux inconvénients majeurs: la durée du bail passerait d’un à trois ans, et certains avantages fiscaux disparaîtraient complètement.

Un rendement net après impôt meilleur en meublé

«Que la location soit vide ou meublée, vos revenus locatifs sont imposés au taux marginal d’imposition (TMI) le plus élevé», souligne Paul Greco, dirigeant de la société CPG Invest IF. À cette imposition s’ajoute le paiement des contributions sociales, d’un montant de 15,5 %. «Prenons l’exemple d’un logement d’une valeur de 200 000 € au terme du financement et servant 10 000 € de revenus locatifs imposables par an. Son rendement avant impôt est donc de 5 %. Le montant de votre impôt sur le revenu supplémentaire, si votre tranche marginale d’imposition est de 30 %, sera de 3 000 €. S’y ajoutera le montant de vos contributions sociales, soit 1 550 €. Vous disposez donc d’un revenu net après impôt et contributions sociales de 5 450 €, soit un rendement après impôt et taxes de seulement 2,73 %!», démontre-t-il. Certes, fiscalement, il est possible de déduire les charges liées au bien et de créer un déficit déductible du revenu imposable. Il reste néanmoins primordial de pouvoir réduire le montant de la taxation si l’on veut augmenter son rendement… lorsqu’on ne peut pas jouer sur la variable loyer.
Pour répondre à cet objectif, la location nue ne présente pas de réels avantages. Les revenus locatifs perçus au cours de l’année sont imposés en tant que revenus fonciers et sont déclarés dans l’imprimé n° 2044. Les charges déductibles des revenus fonciers sont celles qui ont été effectivement payées au cours de l’année de référence. Elles regroupent les charges d’exploitation (dépenses d’amélioration, d’entretien, de réparation, impôt foncier et taxes, frais de gestion, primes d’assurance…) et les intérêts d’emprunt, dans la limite des loyers encaissés dans l’année. En revanche, si les loyers perçus n’excèdent pas 15 000 €, vous pourrez opter pour le régime du microfoncier (imprimé n° 2042). Vous bénéficierez d’un abattement de 30 % sur vos revenus, mais aucune autre charge ne sera plus déductible.
» Le meilleur cocktail fiscal: meublé et régime du réel

Le meublé réserve plus d'opportunités fiscales

Les revenus perçus avec la location meublée sont imposés dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux (BIC). Ils peuvent relever du régime micro-BIC (imprimé n° 2042 C Pro) ou du réel (imprimé n° 2031). Dans le cas du micro-BIC, vous bénéficiez d’un abattement forfaitaire de 50 % sur les revenus déclarés, dans la limite de 32 600 € par année. Le régime du réel simplifié, via lequel vous devenez loueur en meublé non professionnel (LMNP) ou loueur en meublé professionnel* (LMP), est souvent la solution la plus intéressante d’un point de vue fiscal (voir Le meilleur cocktail fiscal, meublé et régime du réel). En effet, vous pourrez déduire de vos revenus (BIC), en plus de vos charges d’exploitation et de 100 % de vos intérêts d’emprunt, une charge «fictive» qu’est l’amortissement. C’est-à-dire la prise en compte de l’usure «naturelle» du bien immobilier ou des meubles et équipements. «Ainsi, grâce au statut de loueur en meublé, si vous disposez d’un bien dont le montant amortissable est de 200 000 € et que le montant du mobilier et des équipements est de 5 000 €, vous pourrez percevoir jusqu’à 205 000 € de revenus locatifs nets non imposables», explique Paul Greco. Si votre TMI est de 30 % sur toute la période d’amortissement, le gain fiscal lié à l’amortissement sera de 93 275 €, contributions sociales incluses. En location vide, ces 93 275 € auraient été versés au Trésor public sous la forme d’impôt sur le revenu et de contributions sociales supplémentaires.»

Le choix du régime du réel simplifié permet donc de réduire considérablement les revenus commerciaux issus des loyers, de minorer votre base d’imposition et, mécaniquement, d’augmenter votre rendement locatif. D’ailleurs, si le montant déductible excède celui des revenus commerciaux, vous bénéficierez d’un déficit commercial reportable. Deux cas de figures se présentent. Si vous êtes loueur en meublé non professionnel (LMNP), le déficit (non issu des amortissements) est mis en report sur les bénéfices LMNP des dix années suivantes. En revanche, si vous êtes loueur en meublé professionnel (LMP), ce même déficit (exclusion faite des amortissements) est imputé directement sur le revenu global sans limite de montant. Il vient donc diminuer votre revenu imposable et génère une économie d'impôt immédiate. «Si ce déficit LMP est plus important que le revenu imposable, il y aura un déficit global, lequel peut être mis en report pendant six ans», conclut SP Patrimoine.

Les plus-values moins imposées

Enfin, une bonne nouvelle: en cas de revente, les plus-values réalisées par un LMNP relèvent du régime des plus-values des particuliers et non pas de celui des plus-values professionnelles. «L'administration considère que ces actifs sont détenus dans le cadre d'une activité privée et qu’ils sont donc assujettis à une détention immobilière classique», explique-t-on chez SP Patrimoine. Ainsi, il n’est pas tenu compte des amortissements dans le calcul de la plus-value. Par ailleurs, le système des abattements permet d’être exonéré de l’impôt sur les plus-values au bout de vingt-deux ans. Enfin, le taux d’imposition retenu pour les particuliers est de 34,5 % (soit le taux de base de 19 %, auquel s’ajoute le montant des prélèvements sociaux, de 15,5 %). Non négligeable certes, mais le calcul est plus avantageux que s’il avait fallu tenir compte des amortissements déjà pratiqués. «Pour les professionnels, la plus-value émanant de ces derniers est un bénéfice industriel et commercial, lequel peut-être taxé jusqu’à 60,5 %, prélèvements sociaux compris!», souligne-t-on chez SP Patrimoine. Quand au solde de la plus-value, il écope d’un taux d’imposition à 31,5 %. Enfin, aucun abattement n’est applicable. Face à cela, on mesure à quel point la fiscalité réservée au particulier est - une fois n’est pas coutume - particulièrement intéressante.

*Ce dernier statut nécessite l’application de trois conditions cumulatives: être inscrit au Registre du commerce et des sociétés en tant que loueur meublé professionnel, percevoir plus de 23 000 € de loyer par an, et que les revenus tirés de la location meublée soient supérieurs aux autres revenus du foyer fiscal, pensions de retraite comprises.

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