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Focus: la loi Alur risque de coûter cher… aux copropriétaires

«Un projet fleuve qui coûtera cher aux bailleurs, aux locataires mais aussi aux copropriétaires.» Ces propos du président de la Fnaim, Jean-François Buet, visant le projet de loi Alur, donnent le ton. Aurait-il raison?

Adopté le 17 septembre dernier par l’Assemblée nationale et en cours d’examen par le Sénat au moment où nous mettons sous presse, le projet de loi Alur a déjà pris de l’ampleur: ses 84 articles devenus 150, représentent un texte de plus de 300 pages… «L’un des plus longs de la Ve République!», se félicite son rapporteur. «Un catalogue d’obligations administratives qui généreront un coût important pour les bailleurs, les vendeurs et les copropriétaires», riposte l’Union des syndicats de l’immobilier (Unis) dans un communiqué de presse. Que faut-il lire derrière cette animosité affichée? Tout simplement que la loi Alur va contraindre les professions immobilières, non seulement à une remise en cause de leurs pratiques, mais également à une refonte de leur modèle économique. Parmi les mesures les plus redoutées: la mise en place des honoraires d’intermédiation à la seule charge du bailleur et la mention obligatoire de la commission d’agence en euros dans les annonces et publicités de biens proposés à la vente. Ces deux dispositions étant les plus susceptibles de dissuader bailleurs et vendeurs de confier leurs biens aux agents immobiliers.
Et les syndics - qui cumulent souvent cette fonction avec celle d’agent immobilier - ne sont pas moins inquiets: la facturation des prestations hors forfait de base pourrait se voir réduite à la portion congrue. À la fois en nombre, certaines d’entre elles intégrant ou réintégrant le forfait de base qu’elles n’auraient jamais dû quitter, et en valeur, d’autres risquant d’être plafonnées d’autorité.

Le compte séparé, hantise des administrateurs

Autre nuage de taille: la quasi-certitude de voir la loi Alur imposer un compte séparé pour chaque copropriété, sans dérogation possible. Avec pour conséquence un tarissement des produits financiers issus des sommes placées sur des comptes aujourd’hui le plus souvent communs. Une récente étude du cabinet Xerfi-Precepta le met en exergue: «Il y bien danger à moyen terme: les marges des administrateurs de biens dépendent historiquement des activités hors gestion courante, notamment des produits financiers et des transactions», confirme Thomas Roux, directeur délégué de Xerfi-Precepta. Cette dernière activité étant déjà affectée par la double décrue du volume des ventes et des prix dans l’ancien depuis 2012, Alur va inévitablement accentuer les difficultés des administrateurs de biens. L’étude pronostique un taux de marge des opérateurs passant sous le seuil des 10 % en 2015. Certains syndics ont pris les devants, comme en témoigne une lettre circulaire adressée, dès septembre, à leurs copropriétaires, égrenant une impressionnante liste d’obligations issues du projet de loi et concluant: «Ces nouvelles réglementations vont, de facto, alourdir la gestion purement administrative de vos biens, au détriment de la réactivité nécessaire que vous êtes en droit d’attendre de votre syndic et entraîner une hausse des coûts proportionnelle au temps passé à remplir ces nouvelles missions obligatoires.»
La Fnaim avance elle aussi une «longue liste de griefs», selon les termes de Jean-François Buet, soulignant la contrainte pour les agents immobiliers d’alimenter les observatoires de loyers sans contrepartie financière… Mais ne manque pas pour autant de saluer certaines dispositions, comme celle prévoyant de soumettre l’ensemble des professionnels à des obligations de formation initiale et continue. Une formation dont les fédérations professionnelles tentent, de longue date, de faire comprendre à leurs troupes l’importance, notamment en matière juridique. Sans réel succès.

Délicat pour les copropriétaires de se passer de «bons» syndics

Le mécontentement des agents immobiliers ne devrait guère peser sur les consommateurs: bailleurs et vendeurs peuvent se passer de professionnels - ce que font déjà une bonne moitié d’entre eux. Mais il n’en est pas de même pour les syndics. Comme le note l’Unis, «si 90 % des immeubles sont gérés par des syndics professionnels, c’est bien que leur intervention est absolument nécessaire et indispensable.» Et en l’occurrence, l’empilement des dispositifs législatifs et réglementaires, la diversité des compétences à maîtriser jouent en leur faveur: les vocations de syndics bénévoles sont rares et les tentatives pas toujours couronnées de succès. Les syndicats de copropriétaires ne risquent-il pas, alors, de faire les frais de la contraction des honoraires sur les transactions locatives et les ventes et de la fin des comptes uniques? D’autant qu’il devient compliqué de faire jouer la concurrence. En effet, les situations de quasi monopole tendent à se multiplier: Citya est en train de racheter «par appartements» les cabinets Urbania et Foncia, premier acteur français et même européen des services immobiliers résidentiels, vient d’acquérir les agences du pôle administration de biens de Tagerim, autrefois au huitième rang français.
Thomas Roux n’hésite pas à tordre le cou à une idée reçue: selon lui, les syndics bradent leurs prestations. «Le métier de syndic est le “parent pauvre” du triptyque vente/location/gestion de copropriété», affirme-t-il. Infiniment moins lucratif que celui de la gérance locative, dont la marge peut dépasser les 20 %. Quant aux transactions, les commissions peuvent être rapidement spectaculaires. à Paris, notamment: la vente d’un appartement de 800 000 €, bouclée en quelques semaines, voire en quelques jours, dégage les mêmes honoraires que la gestion annuelle d’une dizaine d’immeubles de 15 lots chacun. Estimant que les copropriétaires sont moins sensibles au montant de la facture qu’au niveau de qualité de la prestation, Thomas Roux affirme que les syndics auraient tout avantage à se recentrer sur leur métier de base, à améliorer le service rendu et… à se faire mieux rétribuer.

Françoise Juéry

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