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Décryptage: des potagers partagés au ras du bitume

Entre deux immeubles poussent haricots et salades. Les potagers se répandent grâce à des citadins de plus en plus motivés pour aller tâter le terreau dans les jardins partagés.

Le Jardin nomade, Poireau agile, Le Lapin ouvrier, Le Poteau rose, Le Passe-jardins font partie des 500 jardins partagés qui ont poussé dans les villes françaises. Les salades sortent de terre au milieu des capucines, à proximité du trottoir. Arrachés au bitume et aux appétits des promoteurs, ces îlots verts se nichent entre deux immeubles, transformant le paysage urbain.

Renouer avec l’esprit des jardins ouvriers

Les jardins ouvriers sont nés pendant la révolution industrielle, à la fin du xixe siècle. Promus par l’abbé Lemire comme moyen de lutter contre la pauvreté et l’alcoolisme, ils vont atteindre, au cours de la Seconde Guerre mondiale, un pic record de 250 000 en 1943. En 1952, ils deviennent des jardins familiaux, puis déclinent. Depuis les années 2000, les jardins partagés renouent avec cet esprit communautaire. Le premier a ouvert à Lille en 1997. Paris, où il en existe depuis 2002, en compte aujourd’hui une soixantaine, concentrés dans l’Est ; l’Île-de-France, une quarantaine. Ils sont placés sous le signe de l’humour et de la poésie, sur les pas de leur inspiratrice, Liz Christy. Dans les années 1970, cette artiste américaine lance des “bombes” de graines de fleurs par-dessus les grilles des friches industrielles qui pullulent alors à New York. Le succès de cette initiative amène à la fondation du mouvement Green Guerillas, qui milite pour la création de jardins communautaires ; 600 community gardens fleurissent ainsi à New York. Le mouvement gagne d’autres agglomérations. Peu à peu émerge l’idée d’une agriculture urbaine et d’une autonomie alimentaire dans les villes. Selon une étude de l’Atelier parisien d’urbanisme (Apur), l’autosuffisance de la capitale s’évalue à 3 jours. La source d’approvisionnement que représentent les jardins partagés et ceux des toits-terrasses des immeubles est, désormais, prise en compte par la municipalité en cas de pénurie.

Des bacs nomades investissent les friches urbaines

Lille, Lyon, Brest, Paris, Nantes, Montpellier, Toulouse, Grenoble… mettent des parcelles à la disposition des citadins ; dans leur quartier, ces derniers plantent, échangent, troquent des graines, partagent les récoltes. Les habitants repèrent également des friches et se renseignent auprès des services de la ville. Quand un groupe est constitué et qu’il a obtenu l’accord de la mairie pour le prêt de la parcelle, une association est constituée. Les jardiniers bénévoles n’ont pas le droit de planter des arbres. Ces enceintes sont le royaume de l’éphémère. Pots, bacs, sacs…, tout est issu de matériaux de récupération. Des palettes sont démontées pour fabriquer des bacs nomades prêts à être déplacés quand le terrain est repris par son propriétaire. À Paris, la charte Main verte fixe un cadre et des obligations: ouvrir le lieu au public, jardiner de manière écologique… L’objectif premier est de créer du lien social et de la convivialité.

Sur ce courant des jardins partagés est venu se greffer, en 2008, le mouvement des Incroyables Comestibles (Incredible Edible). À l’origine, trois Anglaises de Todmorden, une ville du Yorkshire sinistrée par le chômage, décident de réunir les habitants afin de cultiver bénévolement des légumes dans l’espace public et de partager la récolte gratuitement. Leur action est couronnée de succès. Diffusée par les réseaux sociaux, l’expérience va essaimer dans le monde entier. La démarche est simple. Il suffit de planter des légumes, d’annoncer leur distribution au moyen de l’affichette “Nourriture à partager. Servez-vous librement, c’est gratuit!”, de se faire photographier en groupe devant le panneau du nom de sa ville et de publier la photo sur internet. En France, c’est un Strasbourgeois, François Rouillay, qui, depuis avril 2012, coordonne les Incroyables Comestibles. Les petites pancartes germent partout dans les rues de Castres, La Rochelle, Metz, Saint-Nazaire, Versailles, Poitiers… Bientôt chez vous?

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