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Couples séparés: réglez vos comptes à l'amiable

Si le partage du patrimoine envenime les séparations, la paix ne revient pas toujours une fois le divorce prononcé. La prestation compensatoire ou les pensions alimentaires peuvent empoisonner les rapports pendant des années. Voici tout ce qu’il faut savoir pour prévenir et régler les litiges.

Le plus sûr moyen d’éviter un divorce long et coûteux? «Avoir des demandes raisonnables et savoir lâcher du lest», répondent les avocats rompus à la négociation de prestations compensatoires et de pensions alimentaires. Mais, avertit maître Dominique Piwnica, avocate parisienne, spécialiste du droit de la famille, «si vous voulez la paix, il faut d’abord préparer la guerre». Ce qui implique d’établir des budgets et de recueillir les pièces pour justifier ses prétentions et contenir celles de son ex-conjoint. Le choix de l’avocat s’avère aussi déterminant. «Les défenseurs des époux doivent jouer le jeu de la pacification. Or, certains professionnels enveniment malheureusement le conflit», déplore l’avocate. Car si les époux ont tout à gagner à parvenir à un divorce par consentement mutuel rapide, pour minimiser les frais de procédure, cette formule est nettement moins rémunératrice pour leurs avocats. Les époux ont, en outre, beaucoup plus de souplesse lorsqu’ils aménagent, d’un commun accord, une convention de divorce que lorsqu’ils s’en remettent au juge aux affaires familiales (JAF). Cependant, rien n’interdit aux époux engagés dans un divorce contentieux de rédiger une convention pour tirer eux aussi parti de cette souplesse.

La prestation compensatoire pour l’époux le plus fragile

Elle doit corriger un déséquilibre avéré et quantifié

La prestation compensatoire n’est pas automatique. Depuis la réforme du divorce de 2004, 20 % des procédures n’en prévoient pas. Elle n’est due que si la séparation entraîne une disparité dans les conditions de vie des époux. Quant à son montant, il diminue d’année en année. 70 % des prestations versées en capital sont comprises entre 10 000 et 35 000 €, même si elles peuvent encore dépasser 100 000 € lorsqu’un immeuble est en jeu. Tout dépend des besoins de l’époux qui la reçoit et des ressources de celui qui la verse, de la situation de chacun au moment du divorce et de son évolution prévisible (droits à retraite, perspective de carrière…, mais les héritages à venir ne sont pas pris en compte). Étant entendu que ni les prestations familiales ni les pensions alimentaires destinées aux enfants ne sont retenues dans les revenus. Ensuite, le montant varie selon les critères définis par la loi (art. 271 du code civil). Arrive en tête, la durée du mariage (le concubinage qui l’a précédé ne compte pas), puis viennent l’âge et l’état de santé des époux, leur qualification et leur situation professionnelle, les sacrifices consentis (par exemple, si un époux a mis sa carrière entre parenthèses pour favoriser celle de son conjoint ou s’occuper des enfants), le patrimoine estimé ou prévisible de chacun (capital et revenus) après la liquidation du régime matrimonial, et enfin leurs droits à retraite. Devant un juge, une épouse - plus de 9 fois sur 10, la prestation est versée à la femme - sera quasiment assurée d’obtenir une prestation compensatoire, si son mariage a duré plus de 10 ans et si elle a abandonné sa carrière pendant de nombreuses années pour élever ses enfants, même si elle a été infidèle. Depuis la réforme du divorce, les torts respectifs des époux sont en effet déconnectés du volet financier du divorce.

Son montant dépend étroitement du partage des biens des époux

Les juges sont plus généreux avec les épouses mariées sous un régime de séparation de biens. En cas de divorce, dans ce régime, chacun repart avec ce qu’il a apporté. Aussi seule la prestation compensatoire permet-elle de rééquilibrer les disparités de train de vie des ex-époux. Pour les couples mariés sous le régime de la communauté, le partage des biens communs rétablit en principe cet équilibre. Chacun reçoit la moitié de ce qui a été acquis pendant le mariage, même si un seul travaillait et les finançait. «Toutefois, si l’un des époux possédait des biens avant le mariage ou s’il a hérité, il peut reprendre plus de 50 % du patrimoine. Les juges octroient alors souvent à l’autre époux une prestation compensatoire, ce qui évite qu’il reparte avec une somme trop faible», explique maître Piwnica. Pour négocier le montant de la prestation compensatoire, il faut donc anticiper le partage des biens et, pour cela, s’appuyer sur une estimation détaillée du patrimoine. S’il est important, conseille l’avocate, il vaut mieux demander au juge, au stade de l’audience de conciliation, la désignation d’un expert pour évaluer les biens complexes (biens professionnels, parts de société non cotées…) et d’un notaire chargé d’établir un projet de partage (art. 255 al. 9 et 10 du code civil). Les avocats peuvent aussi donner une estimation de la prestation compensatoire susceptible d’être réclamée. Ils disposent de logiciels associant plusieurs méthodes (avec différents paramètres comme la durée du mariage, les droits à retraite, la capacité d’épargne…). Mais aucune n’est totalement satisfaisante. Il est nécessaire d’y apporter les correctifs liés à l’histoire du couple (par exemple, s’il a eu un enfant handicapé et si l’un des parents s’est arrêté de travailler…).

Le juge veille à ce que l’accord soit équilibré

Il reste à déterminer la forme que prendra la prestation. Dans leur convention de divorce, les époux peuvent choisir le versement d’un capital échelonné (sans limite de durée), l’abandon de droits sur un bien ou son usage, une rente pour une durée déterminée ou encore, associer ces différentes formes. Ils peuvent même prévoir que la rente cessera d’être versée si un événement précis survient, comme le remariage du bénéficiaire (art. 268 du code civil). Il est aussi possible de décider qu’elle sera prélevée sur le prix de vente du logement, ce qui constitue un excellent moyen de pression pour accélérer sa vente.
La convention doit ensuite être homologuée par le juge qui vérifie qu’elle ne lèse pas l’un des époux. Elle a alors la même valeur qu’un jugement. Les époux pourront la modifier par la suite, en rédigeant une nouvelle convention qui devra également être validée par un juge.
Si les époux s’en remettent au JAF pour fixer la prestation compensatoire, la loi impose à ce dernier de prévoir qu’elle sera versée sous forme de capital dans les 12 mois du divorce. Ce qui oblige certains époux à emprunter pour réunir cette somme. Il faut, en effet, de graves difficultés financières pour obtenir un échelonnement des versements sur plusieurs années (8 ans au plus). Enfin, très exceptionnellement, le juge peut accorder une rente à vie (une durée limitée est interdite) à l’ex-époux, si son âge et son état de santé l’empêchent de subvenir à ses besoins (art. 276 du code civil).
Sachez qu’une fois le jugement définitif, il est impossible de revenir sur le montant de la prestation en capital qui a été fixé. Seul un étalement des règlements sur plus de 8 ans peut être accordé par un juge (RM JOAN du 26.2.13, n° 4634). En revanche, quand une rente viagère a été prévue, le débiteur peut demander à ce qu’elle soit réduite, suspendue ou supprimée, si ses ressources ont beaucoup baissé, si celles du bénéficiaire ont augmenté ou si les besoins de ce dernier ont diminué (voir "La prestation compensatoire en rente viagère est une charge transmise aux héritiers").
Si les époux ne parviennent pas à se mettre d’accord, la prestation compensatoire doit être demandée avant que le jugement de divorce ne soit définitif (donc au pire en faisant appel), en sachant que le juge ne fixera pas un montant plus élevé que celui qui est réclamé. Mieux vaut toutefois ne pas se montrer trop gourmand, cela risque d’irriter le juge.

La pension alimentaire pour les enfants

Chaque parent doit contribuer à l’éducation des enfants, à proportion de ses revenus

Une pension alimentaire est presque toujours accordée au parent chez qui l’enfant réside la majeure partie du temps, même si son montant reste symbolique lorsque l’autre parent dispose de faibles revenus (art. 371 -2 et 373-2-2 du code civil). Les parents sont en effet tenus de participer à l’entretien et à l’éducation de leur enfant, en fonction de ses besoins et proportionnellement à leurs revenus. Tous les parents sont concernés, qu’ils soient ou non mariés. Les règles sont identiques. Et contrairement à une idée reçue, mettre en place une résidence alternée ne dispense pas de verser une pension. Héberger et nourrir un enfant la moitié du temps ne règle pas le problème du partage des frais de scolarité et de cantine, du coût des activités extrascolaires, des vêtements, des soins médicaux… Mieux vaut se mettre d’accord sur la contribution de chacun et sur ses modalités de versement (paiement mensuel par chèque ou virement, paiement direct des frais de scolarité ou des activités extrascolaires…) puis saisir le JAF pour qu’il homologue la convention.

La pension alimentaire est révisable à tout moment

Depuis 2010, le ministère de la Justice propose un barème pour évaluer la pension alimentaire des enfants. Les juges et les avocats restent partagés sur son utilité. Pour maître Jean-Claude Guillard, avocat à Angoulême et auteur du blog: http://avocats.fr/space/jean-claude.guillard, «cette grille, réductrice, répond avant tout à la volonté d’accélérer le traitement des dossiers par les juges». Pour d’autres avocats, elle a le mérite de rassurer les parents et de leur offrir une base de négociation. D’autant qu’il est moins grave de mal évaluer une pension alimentaire au moment du divorce qu’une prestation compensatoire, car, contrairement à cette dernière, la pension alimentaire peut se réviser à tout moment. Les parents peuvent même prévoir, dans leur convention de divorce, que certains événements (changement de résidence de l’enfant, par exemple) déclencheront un recalcul de la pension. Par ailleurs, son montant est réévalué chaque année suivant l’évolution du coût de la vie (indice des prix hors tabac). L’époux qui la verse doit en tenir compte lui-même à chaque date anniversaire. Faute de quoi, l’autre parent peut faire revaloriser son montant et réclamer l’arriéré dû pendant 5 ans.

Il faut faire valider par le juge tout nouvel accord

À chaque nouvel événement, le montant de la pension peut être revu d’un commun accord ou, à défaut, par le JAF. C’est le cas par exemple si l’enfant devenu étudiant a de plus gros besoins, ou si les revenus ou les charges des parents ont connu un changement. Le fait que l’un des parents se remette en couple peut ainsi jouer. Les revenus du nouveau compagnon n’ont pas à être pris en compte, mais étant donné qu’il participe aux charges du ménage, les ressources personnelles du parent divorcé s’en trouvent augmentées. «Si les parents s’entendent, ils peuvent détailler leur nouvel accord dans un document et le faire homologuer par le juge. Un simple courrier suffit. Cela permettra, en cas de litige, de faire appliquer la nouvelle convention», conseille maître Guillard. S’ils ne parviennent pas à se mettre d’accord, les parents devront s’adresser au JAF, à moins qu’un médiateur familial puisse les aider à trouver une solution qui devra aussi être validée par le juge. Enfin, sachez qu’en cas de doute sur les ressources de leur ex-conjoint, le redevable et le bénéficiaire d’une pension alimentaire peuvent consulter le revenu imposable qu’il déclare, en s’adressant à la direction départementale des finances publiques de son lieu de résidence (art. 111 du livre de procédure fiscale).

La pension ne peut pas être versée directement à l’enfant même majeur

Si les rapports entre les parents se détériorent, il faut saisir rapidement le juge et surtout ne pas modifier quoi que ce soit sans son aval. Diminuer ou suspendre les versements de la pension de sa propre initiative expose à subir en réaction une saisie sur salaire. Il n’est pas non plus question d’arrêter de payer à la majorité de l’enfant ni de lui verser directement l’argent. Il faut donc se résoudre à attendre que son dernier enfant commun vole de ses propres ailes pour dénouer les derniers liens financiers avec son ex-époux. Tant qu’il poursuit ses études ou est à la recherche d’un emploi, la pension alimentaire subsiste. Et même s’il fait des études en dilettante, il est nécessaire de s’adresser au juge pour cesser de la verser.

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