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Focus consommation : de nouveaux outils pour protéger les consommateurs

Naissance de l’action de groupe, délai de rétractation allongé, possibilité de résilier son contrat d’assurance à tout moment… Le projet de loi de Benoît Hamon renforce largement la protection des consommateurs.

Réclamée depuis 30 ans par les associations de consommateurs, annoncée en 2005 avant d’être à nouveau enterrée, l’action de groupe est en passe de voir le jour. Mesure phare du projet de loi relatif à la consommation, actuellement en discussion au Parlement, cette procédure s’accompagne de nombreuses autres dispositions rendues obligatoires par la transposition d’une directive européenne avant la fin de l’année.

Des class actions à la française

Grâce à l’action intentée par une association agréée, les consommateurs victimes d’un même professionnel pourront peut-être bientôt prétendre à une indemnisation de leur préjudice sans avoir à se lancer dans une bataille trop coûteuse au regard de celui-ci.

Tous les litiges ne sont pas concernés par cette nouvelle procédure, limitée aux préjudices issus de manquements de professionnels à leurs obligations légales ou contractuelles, lors de la vente de biens ou de fourniture de services ou du fait de pratiques anticoncurrentielles. Sont ainsi plus particulièrement visés, les litiges résultant de l’exécution de contrats d’adhésion, proposés dans les mêmes termes par les professionnels à tous les consommateurs (téléphonie, services bancaires, contrats de fourniture d’énergie…), mais aussi les conséquences de clauses abusives, les manquements à leurs obligations d’information (par exemple, avant la tacite reconduction d’un contrat). Les préjudices résultant de pratiques anticoncurrentielles sont principalement ceux qui naissent d’abus de position dominante et d’ententes tarifaires. On se souvient de l’opération Cartelmobile, qui a abouti, en 2005, à la condamnation pour entente des trois opérateurs historiques de téléphonie mobile par l’Autorité de la concurrence. Ils ont été condamnés à une amende de 534millions d’euros, versée à l’État. Sauf que les consommateurs n’ont pas du tout été indemnisés…

Seuls les préjudices matériels seront indemnisables, c’est-à-dire ceux qui affectent le patrimoine des consommateurs. Les dommages moraux et corporels, par définition très personnels et nécessitant le plus souvent des expertises, sont exclus du périmètre de la loi. Exit, donc, les préjudices liés à la santé (Médiator, prothèses mammaires PIP…) ou à l’environnement (utilisation de pesticides dangereux, marées noires…).

Une procédure en deux temps

L’action de groupe ne pourra être engagée que par l’une des seize associations de consommateurs agréées par l’État (telle l’UFC-Que Choisir), saisie par au moins deux consommateurs victimes du manquement d’un même professionnel. Si elle estime que l’action en justice est la plus appropriée pour aboutir à une réparation des victimes, l’association portera l’affaire devant l’un des tribunaux de grande instance spécialement désignés pour juger les actions de groupe. Le juge statuera sur la responsabilité du professionnel et déterminera les modalités d’indemnisation: consommateurs concernés, montant de l’indemnisation ou mode de calcul de celle-ci, modalités de publicité du jugement, délais et voies à suivre pour rejoindre le groupe en vue d’un dédommagement. Le juge ordonnera ainsi, aux frais du professionnel, les mesures nécessaires pour informer, par tous les moyens appropriés, les consommateurs susceptibles d’appartenir au groupe, de la décision rendue. Cette information pourra être effectuée par l’entreprise ou par l’association, aux frais de l’entreprise. Les consommateurs n’auront plus qu’à s’adresser à l’entreprise ou à l’association, selon la décision du juge, pour obtenir leur indemnisation.

Une réforme perfectible

Très attendue par les associations de consommateurs, cette nouvelle procédure ne fait pas que des heureux. À commencer par les entrepreneurs, qui pointent le risque de fragilisation des entreprises (voir encadré "De nouveaux outils pour protéger les consommateurs: ce qu'ils en pensent"). De leur côté, les avocats - privés d’une manne d’affaires - dénoncent le monopole de fait confié aux associations de consommateurs. Mais il s’agissait d’éviter les dérives des class actions américaines, à l’origine d’une sévère augmentation des litiges portés devant les cours fédérales. Pour Benoît Hamon, ministre de la Consommation, cette procédure s’apparente à une «arme de dissuasion massive», devant inciter les entreprises et les consommateurs à s’entendre pour éviter un jugement. Alain Bazot, président de l’association UFC-Que Choisir, pointe les écueils qui feraient perdre son efficacité à cette action tant attendue (voir encadré: De nouveaux outils pour protéger les consommateurs: ce qu'ils en pensent).

Des contrats d’assurance plus facilement résiliables

Assurances scolaires ou annulation de voyage, couverture contre la perte, le vol et la casse de certains appareils… Rares sont les actes de consommation qui ne soient effectués sans qu’une assurance ne soit proposée aux consommateurs, qui se retrouvent ainsi à la tête de nombreux contrats, parfois en doublons. Le projet de loi crée donc un délai de rétractation de 14 jours pour les consommateurs ayant souscrit un contrat d’assurance en complément d’un bien ou service couvrant le risque de non-fonctionnement, perte, vol, endommagement…

Les contrats d’assurance classiques (auto, habitation…) ne sont pas oubliés par le projet. Certes, depuis la loi Chatel du 28janvier 2005, les assurés doivent être informés de leur possibilité de résiliation annuelle lors de l’envoi de leur avis d’échéance. Pourtant, pour mettre fin à un contrat reconductible tacitement, il faut être vigilant et ne pas laisser passer la date, sous peine de rempiler pour un an. Pour remédier à cela, le projet de loi permet une résiliation du contrat à tout moment, depuis sa première date de reconduction, la résiliation prenant effet un mois après la réception de la lettre de résiliation par l’assureur. Les contrats visés par la mesure seront désignés par décret. Ce sera le cas de l’assurance automobile: afin d’éviter toute carence de garantie, le texte prévoit même l’obligation pour l’assuré de justifier de la souscription d’une nouvelle police pour pouvoir résilier l’ancienne. L’assurance habitation sera également concernée, mais ne s’accompagnera toutefois pas de la même obligation. Mais pour les autres contrats (téléphone portable, individuelle accident, santé…), la question reste posée.

Nouveau tour de vis sur le crédit renouvelable

Souhaitant limiter le recours aux crédits renouvelables, trop souvent associés aux situations de surendettement, la loi Lagarde (n°2010-737 du 1-7-10) prévoyait la possibilité, pour les consommateurs, de souscrire un crédit amortissable à la place du crédit renouvelable proposé sur le lieu de vente ou en ligne, pour tout bien ou service d’une valeur supérieure à 1 000€. Cependant, la rédaction maladroite de l’article L 311-8-1 du code de la consommation posait problème, rien n’indiquant que les prêteurs à l’origine de la proposition de crédit renouvelable étaient tenus de proposer ledit crédit amortissable… Dorénavant, le prêteur ou l’intermédiaire de crédit sera «dans l’obligation d’accompagner systématiquement l’offre de crédit renouvelable d’une proposition de crédit amortissable». Cette obligation s’imposera lors de l’achat de biens ou de prestations de services proposés sur le lieu de vente ou lors d’une vente à distance. «Une autre voie d’amélioration du dispositif serait souhaitable: il s’agirait d’étendre cette obligation aux achats de biens ou de services d’une valeur supérieure à 500€. Un seuil non pénalisant puisqu’il épargne la plupart des produits blancs (réfrigérateurs, congélateurs…)», rappelle Reine-Claude Mader, présidente de la Confédération du logement et du cadre de vie (CLCV).

Quant à la création d’un registre national des crédits aux particuliers, destiné à lutter contre le surendettement, elle a fait l’objet d’un amendement déposé le 10 juin par le gouvernement. Un premier dispositif avait été retiré du projet de loi initial, le Conseil d’État ayant alors estimé qu’il péchait par la disproportion existant entre la taille du fichier et le nombre de surendettement. Un nouveau registre, conforme aux vœux de la haute juridiction, devrait recenser l’ensemble des crédits à la consommation actifs, qui exposent le plus la population au risque de surendettement.

Garantie légale de conformité: des acheteurs mieux protégés pendant un an

Mal informés de l’existence de garanties légales en plus de la garantie commerciale consentie par le vendeur, les consommateurs souscrivent souvent des extensions, payantes. En obligeant les professionnels à délivrer une information claire sur les dispositifs légaux de garantie, le projet de loi entend aider les consommateurs à faire des choix éclairés. Il renforce également la mise en jeu de la garantie de conformité. Celle-ci, valable pendant 2 ans, bénéficie actuellement d’une présomption de non-conformité du bien au cours des 6 premiers mois. Autrement dit, si une panne intervient dans les 6 premiers mois, le consommateur n’a pas à prouver que le problème existait avant l’achat. Ce qui donne un caractère quasi automatique à la prise en charge des produits par le professionnel, au titre de la garantie légale, à compter de l’achat du bien et pendant toute la période couverte par cette présomption. Celle-ci durera désormais un an.

Unanimement saluée par les associations de consommateurs, cette mesure pourrait aller encore plus loin: dans sa proposition de loi sur l’obsolescence programmée, le sénateur Jean-Vincent Placé recule le curseur à 2 ans et étend la durée totale de la garantie légale de conformité à 5 ans. Une mesure soutenue par Alain Bazot, qui doute, en revanche, de la pertinence des dispositions du projet de loi de Benoît Hamon concernant la durée de fourniture des pièces détachées. Pour faciliter la réparation, le projet envisage effectivement de contraindre, les vendeurs à indiquer aux consommateurs, lors de l’achat d’un bien, la période pendant laquelle les pièces indispensables à son utilisation seront disponibles. Ils auront, en outre, l’obligation de mettre ces pièces à leur disposition durant cette période. «Cette mesure manque de réalisme économique, plaide Alain Bazot. Est-ce une bonne idée qu’un consommateur puisse conserver un appareil pendant 20 ans à coup de pièces détachées d’une technologie dépassée, et malgré le bruit ou la pollution qu’il génère? La mesure pourrait bien se révéler contre-productive.»

Transposition d’une directive européenne plus protectrice pour les consommateurs

L’introduction dans le droit français de la directive européenne n°2011/83/UE relative aux contrats conclus à distance et hors établissement, apporte de nouvelles protections aux consommateurs

L’obligation d’indiquer une date de livraison

L’information du consommateur avant l’achat de biens ou de services est renforcée. Parmi les éléments obligatoires: la date ou le délai de livraison du bien ou d’exécution du service. Cette mesure met fin à une carence préjudiciable aux consommateurs. En effet, en cas de vente à distance ou d’achat sur le lieu de vente non suivi de livraison immédiate, l’indication d’une date limite de livraison n’était exigée que pour les contrats supérieurs à 500€. Désormais, la date ou le délai de livraison devront être indiqués, quel que soit le montant de la commande.

Cependant, alors qu’il suffisait d’un dépassement du délai de livraison de plus de 7 jours pour pouvoir demander l’annulation de la vente, le consommateur devra désormais commencer par relancer le professionnel pour lui demander de s’exécuter dans un délai supplémentaire raisonnable. Une notion floue qui risque d’être à l’origine de contentieux… Ce n’est qu’à défaut de réaction dans ce nouveau délai raisonnable que le consommateur pourra demander la résolution du contrat par lettre recommandée avec avis de réception ou par écrit sur support durable (courrier électronique, notamment). Selon l’INC, «cela revient à accorder un délai supplémentaire au professionnel»…

Un délai de rétractation rallongé

Désormais, suite à un démarchage ou un achat à distance, le consommateur disposera d’un délai de rétractation de 14 jours, au lieu de 7. Quant au délai de remboursement des sommes versées, il passera de 30 à 14 jours. Au-delà, les sommes dues seront majorées de 10 à 50%, selon l’importance du retard… Bien plus dissuasif que l’actuelle majoration au taux légal (0,04% en 2013)!

à l’heure actuelle, sur les foires et les salons, les consommateurs ne disposent pas de délai de rétractation, ce qu’ils ignorent le plus souvent. Le projet fait donc obligation aux professionnels d’en informer les consommateurs avant la conclusion du contrat. Pour Reine-Claude Mader, «il aurait fallu étendre le délai de rétractation à ces ventes. En effet, il y a de nombreux problèmes liés à ce type de ventes conclues sur ces lieux où les consommateurs se laissent facilement influencer».

Pas de paiement à la commande pour les sociétés en difficulté

Pour éviter que les consommateurs ne soient victimes de sociétés en liquidation judiciaire, le projet de loi prévoit que, si la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) découvre, au travers de ses enquêtes ou par voie de plaintes, qu’une entreprise de vente à distance rencontre des difficultés telles qu’elle risque de ne pas pouvoir livrer ou exécuter les prestations de service commandées, elle pourra lui interdire d’accepter les paiements à la commande et l’obliger à en avertir les consommateurs.

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