Publicité

Clés pour agir: les hauts et les bas de la thyroïde

Un papillon dans la gorge, c’est ainsi que l’on pourrait décrire la thyroïde. La forme de cette petite glande d’une vingtaine de grammes évoque, en effet, un lépidoptère aux ailes déployées. Située à la base du cou, sous la pomme d’Adam, elle est composée de deux lobes latéraux, disposés de part et d’autre du larynx et reliés à une partie verticale appelée isthme.

Comme toutes les glandes endocrines, elle sécrète des hormones, principalement la triiodothyronine (dite T3) et la thyroxine (T4), qui sont transportées par le sang vers le reste de l’organisme. “Les hormones thyroïdiennes jouent trois rôles essentiels. Elles maintiennent l’isothermie, c’est-à-dire qu’elles se comportent comme un thermostat chargé de contrôler la production de chaleur. Elles régulent l’activité de nombreux organes et tissus: rythme cardiaque, transit intestinal, système nerveux… Enfin, elles sont indispensables à la croissance ; c’est grâce à elles que nous avons un bon développement statural”, explique le Pr Jean-Louis Wémeau, chef du service d’endocrinologie du centre hospitalier régional universitaire de Lille.

L’iode, un “carburant” manquant

Pour fonctionner correctement, la thyroïde a besoin de carburant: l’iode. Schématiquement, la glande capte l’iode présent dans l’organisme, le stocke, puis le transforme en hormones. Ainsi, la thyroxine compte quatre atomes d’iode (d’où l’abréviation T4) et la triiodothyronine en renferme trois (T3). Sans iode, nulle production d’hormones thyroïdiennes n’est possible. Or, “toute la population d’Europe occidentale est en carence relative”, précise le Pr Wémeau. Si cette déficience ne porte généralement guère à conséquence, elle est, cependant, ennuyeuse chez les femmes désireuses de devenir mères. “Alors qu’elles débutent souvent leur grossesse en présentant une carence, les futures mères doivent alimenter leur fœtus en iode afin de lui assurer un développement optimal. Pendant les 9 mois de la grossesse, le fonctionnement de la thyroïde s’accroît pour permettre une production hormonale adéquate. De fait, le volume de la glande augmente de 30 %. Il est donc judicieux d’enrichir son alimentation en iode un peu avant d’être enceinte”, explique le spécialiste.

La délivrance de comprimés d’iode étant réglementée (accident nucléaire), les futures mamans ont recours à des compléments alimentaires associant plusieurs nutriments et minéraux. Ceux-ci leur coûtent une dizaine d’euros par mois et sont à leur charge. Dans les jours qui suivent la naissance, le bon fonctionnement de la thyroïde des bébés est vérifié. On estime qu’un enfant sur 3 200 naît avec une hypothyroïdie, c’est-à-dire une glande qui ne produit pas suffisamment d’hormones. Il y a encore quelques décennies, cette défaillance pouvait entraîner de fâcheuses conséquences: des retards de croissance et un développement intellectuel affecté (le crétinisme). Le dépistage néonatal systématique et le traitement à base d’hormones thyroïdiennes de substitution administré aux nouveau-nés ont permis de pallier le dysfonctionnement de la thyroïde. “Les enfants traités précocement ont les mêmes résultats au bac que les autres”, résume le Pr Wémeau.

Détecter les dysfonctionnements

Hormis les pathologies qui affectent les jeunes enfants, les dérèglements de la thyroïde - hypothyroïdie ou hyperthyroïdie - concernent de 1 à 2 % de la population française. Les personnes souffrant d’hypothyroïdie sont très frileuses, “leur peau est froide et toutes les activités de l’organisme sont ralenties, entraînant bradycardie, constipation opiniâtre, fatigue, manque de motivation, lenteur lors de l’interrogatoire en consultation…”, décrit Jean-Louis Wémeau. À ces troubles s’ajoute une prise de poids modérée, de 4 à 7 kg, due à une infiltration des tissus sous-cutanés. Observés simultanément, ces symptômes évoquent une hypothyroïdie, mais ils apparaissent souvent isolément. “Or, aucun n’est spécifique des dysfonctionnements de la thyroïde”, reprend l’endocrinologue.

En présence de l’un de ces signes, un bilan thyroïdien doit être prescrit avec, en premier lieu, la mesure de la thyréostimuline (TSH). Cette hormone sécrétée par l’hypophyse commande le fonctionnement de la thyroïde. Lorsque cette dernière produit trop peu d’hormones T3 et T4, l’hypophyse lui ordonne d’intensifier son activité, ce qui se traduit par une plus grande quantité de TSH dans le sang. Aussi, une valeur élevée de TSH révélée à l’occasion d’un dosage hormonal signale l’existence très probable d’une hypothyroïdie.

L’hypothyroïdie, parfois bénigne

“La cause la plus fréquente d’hypothyroïdie est la production par l’organisme d’anticorps antithyroïdiens, souligne le Pr Wémeau. Il s’agit donc d’une maladie auto-immune. La recherche de ces anticorps permet d’établir avec certitude l’existence d’une pathologie de la thyroïde, que l’on traitera facilement avec une prise quotidienne d’hormones thyroïdiennes d’action lente.” L’objectif est d’adapter la dose de cette hormone de substitution de façon à retrouver une valeur normale de TSH - entre 0,30 et 4 micro-unités internationales par litre de sang (µUI/l). Cela dit, il n’est pas forcément utile de traiter toutes les hypothyroïdies. “Lorsqu’elle ne se traduit pas par des manifestations claires, il s’agit d’une hypothyroïdie infraclinique, explique le Pr Jacques Young, endocrinologue au centre hospitalier universitaire de Bicêtre, dans le Val-de-Marne. Elle n’est révélée que par une TSH un peu trop élevée, et il n’est pas sûr que la mise en place d’un traitement améliore davantage l’état du patient que ne le ferait un placebo. Le plus souvent, ces petites variations de la TSH ne sont responsables de rien du tout.”

L’hyperthyroïdie toujours traitée

La prise en charge de l’hyperthyroïdie est moins discutée. “Parce qu’elle est susceptible de provoquer, à terme, des troubles du rythme cardiaque, elle doit faire systématiquement l’objet d’un traitement, même dans sa forme infraclinique”, avertit le Pr Young. Les patients atteints d’hyperthyroïdie éprouvent une sensation de chaleur continuelle, une certaine nervosité, maigrissent, voient leur fréquence cardiaque et leur transit intestinal s’accélérer. Là encore, la cause la plus fréquente est à rechercher dans le système immunitaire. Il s’agit de la maladie de Basedow. “L’organisme produit des anticorps dirigés contre les récepteurs de la TSH et intiment l’ordre à la thyroïde de sécréter une trop grande quantité d’hormones”, détaille le Pr Wémeau. Un traitement médicamenteux conçu pour freiner l’activité thyroïdienne est alors prescrit pour une durée de 18 mois à 2 ans. Il permet d’observer 60 % de rémission. S’il échoue, il faut avoir recours soit à l’utilisation d’iode radioactif, soit à la chirurgie. Le traitement à l’iode radioactif vise à détruire une partie de la glande afin d’en ralentir la production hormonale. Il est inadapté aux femmes souhaitant une grossesse et aux fumeurs. Quant à l’intervention chirurgicale, elle consiste à retirer tout ou partie de la thyroïde. Il n’y a donc plus de production hormonale ; aussi, le patient devra prendre des hormones de substitution toute sa vie. De plus, cette opération est délicate, la thyroïde étant placée près des nerfs récurrents, qui commandent les cordes vocales.

Identifier les nodules dangereux

L’ablation de la thyroïde est également une des stratégies possibles lorsqu’est repéré un nodule thyroïdien. Ces formations anormales sont parfois détectées lors d’un banal examen clinique chez le médecin de ville, mais c’est surtout à l’échographie qu’elles se révèlent. Les praticiens doivent alors distinguer les rares nodules malins - qui renferment des cellules cancéreuses - de ceux qui resteront bénins. Les premiers seront retirés ; les seconds, laissés en place, à moins que leur taille ne les rende gênants ou qu’il s’agisse de nodules toxiques qui produisent des hormones thyroïdiennes, engendrant donc une hyperthyroïdie.

Le dosage de la TSH est une étape indispensable pour déterminer si un nodule est dangereux: une valeur trop basse évoque une production hormonale excessive, dont le nodule précédemment repéré est probablement responsable. Si la quantité de TSH est normale, “il convient de réaliser une échographie de qualité avec une cytoponction, c’est-à-dire un prélèvement de cellules du nodule à l’aide d’une toute petite aiguille, un geste anodin”, précise le Pr Jacques Young. Dans 95 % des cas, ces protubérances sont bénignes et le resteront. Par conséquent, sauf exception, il n’y a pas lieu de prévoir une intervention chirurgicale.

D’une façon plus générale, les spécialistes recommandent de ne pas intervenir sur les nodules de moins de 1 cm afin d’éviter des prises en charge inutiles et les actes chirurgicaux infondés. “Il y a encore trop d’ablations de la thyroïde injustifiées, regrette le Pr Jacques Young, notamment dans les villes sous-médicalisées, où les patients ne peuvent pas systématiquement consulter un endocrinologue. Certains médecins généralistes, en voulant bien faire, adressent directement leurs malades à un chirurgien pour qu’il opère des nodules qui auraient dû être ignorés.” De fait, il n’y a aucune raison de s’affoler lorsqu’un nodule thyroïdien est détecté. En effet, une personne de 50 ans sur deux en est porteuse, et c’est le cas de 80 % des octogénaires.

Vincent Delfau

Sujets

Clés pour agir: les hauts et les bas de la thyroïde

S'ABONNER
Partager

Partager via :

Plus d'options

S'abonner