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Patrimoine: savoir bien choisir sa SCPI

Si la pierre papier demeure une valeur refuge, faire son choix s’avère délicat. Certains critères permettent de comparer leurs résultats. Encore faut-il les repérer, au sein du rapport annuel élaboré par la société. Nous avons décrypté ce document, qui recèle des informations capitales pour l’épargnant.

Au vu des incertitudes qui pèsent sur les marchés monétaires et financiers, la pierre papier continue d’attirer de nouveaux souscripteurs soucieux de valoriser leur épargne. Pourtant, ce placement n’a pas échappé à la crise. Bien que les sociétés civiles de placement immobilier (SCPI) aient dégagé en 2011 une rentabilité à l’achat de 5,20 % en moyenne - souvent en piochant dans leurs réserves -, elles devraient être moins rentables cette année, du fait de la dégradation de la conjoncture. «Même si elles gardent un matelas de revenus confortables, les SCPI sont confrontées à une augmentation de la vacance locative, à des baisses de loyers et à une hausse de leurs charges. Cela se reportera inéluctablement sur les revenus versés», diagnostique Alain Boyer Chammard, conseiller du président d’Immovalor Gestion. Choisir une SCPI implique de savoir de quoi elle est constituée et donc de se poser les bonnes questions. Pourra-t-elle maintenir son niveau de revenu? Le prix de la part est-il justifié? Le patrimoine est-il de qualité? Les coûts de gestion sont-ils raisonnables? Les associés en sont-ils satisfaits?
Difficile d’obtenir des réponses sans se pencher sur le rapport annuel d’une SCPI (voir: Les informations contenues dans le rapport annuel d'une SCPI), voire de plusieurs si l’on souhaite les comparer. Les SCPI sont visées par l’Autorité des marchés financiers (AMF), ce qui leur impose, comme pour les sociétés cotées en Bourse, la publication d’un rapport annuel et l’envoi de bulletins trimestriels. Ces documents sont accessibles sur les sites internet des sociétés de gestion sélectionnées. «Une mine d’informations sur la solidité d’un titre», juge Nicolas Fernex, cofondateur de profiz.fr, un site spécialisé dans l’analyse financière.
Nous avons sélectionné les éléments à cibler en priorité, dont certains sont détaillés dans le compte de résultat. Au-delà des données habituellement mises en avant, comme la performance, la valorisation du prix de la part, le taux de rendement interne, le taux d’occupation, nous avons recherché des indicateurs plus fins, pour aider le futur souscripteur à repérer les informations susceptibles de le guider dans son choix.

La SCPI tiendra-t-elle les revenus affichés?

Le rendement sur un an fait figure de sésame pour nombre de souscripteurs. Toutefois, et bien que les SCPI aient pour objectif de verser un revenu régulier, la pertinence de ce chiffre, calculé en pourcentage par rapport à un prix de part, est moins évidente qu’il n’y paraît. «La valeur du coupon (montant en euros versé aux souscripteurs, à partir duquel on calcule le rendement, ndlr) n’est qu’un choix d’entreprise, un choix stratégique qui ne colle pas toujours aux résultats du moment de la société», juge Nicolas Fernex, En temps de crise, l’écart entre le rendement affiché et la performance réelle de la SCPI peut être encore plus important. «Du fait de la crise, et en plus du «report à nouveau» - réserves prévues à cet effet et clairement identifiées dans le rapport annuel -, de plus en plus de sociétés utilisent les plus-values, voire ont recours au crédit pour générer de la performance. Ce n’est pas toujours lisible dans les comptes pour un néophyte», souligne Jean-Marc Peter, directeur général adjoint de Sofidy. Aussi, pour vérifier que la société a les moyens de maintenir son coupon (et donc son rendement), un calcul s’impose. Il faut diviser les bénéfices (revenus moins charges) par le nombre de parts indiqué dans les premières pages du rapport annuel et comparer le résultat à la valeur du coupon, en général supérieur du fait de l’utilisation du report à nouveau. Certes, piocher dans les réserves engrangées durant les meilleures années n’a rien de répréhensible en temps de crise. Toutefois, quand l’écart entre le revenu distribuable et le revenu distribué dépasse les 10 %, le rendement affiché est très loin du rendement «naturel» de l’activité. Une réforme entrée en vigueur en juillet et applicable en 2013 devrait fort heureusement permettre d’identifier plus clairement ces éléments dans le rapport annuel.

La valeur de la part est-elle justifiée?

Pour connaître le juste prix d’une part de SCPI, rien de plus simple… Ce prix, frais inclus, doit être corrélé à la valeur de reconstitution (prix qu’il faudrait payer selon les expertises pour reconstituer le patrimoine détenu par la société), clairement mentionnée dans les premières pages du rapport, et divisé par le nombre de parts que compte la SCPI. «Sur le marché secondaire (marché de la revente des parts entre épargnants, ndlr), régi par la loi de l’offre et de la demande, ce calcul permet d’appréhender le prix à ne pas dépasser», rappelle Isabelle Rossignol, présidente du directoire de Ciloger. Sur le marché primaire (marché sur lequel la société vend les parts aux épargnants, ndlr), les enjeux diffèrent.» En effet, ce sont les sociétés de gestion qui fixent le prix des parts qu’elles émettent. Cette valeur résulte dès lors d’une stratégie commerciale. En appliquant une décote, la société favorise les nouveaux souscripteurs aux dépens des anciens. Une surcote privilégiera à l’inverse les associés en place. Même si l’AMF autorise les sociétés de gestion à afficher un prix de part pouvant s’écarter de plus ou moins 10 % de la valeur de reconstitution par part, évitez les SCPI dont la politique de décote est trop agressive, car si elle perdure, elle pourra vous pénaliser sur le long terme.

Le taux d’occupation du patrimoine est-il bon?

Cet indicateur met en rapport le nombre de mètres carrés loués par rapport aux mètres carrés disponibles. «C’est le nerf de la guerre, car plus le nombre de mètres carrés vacants est important, plus cela pèse ou pèsera sur les revenus versés aux associés», rappelle Laurent Guize, directeur général d’HSBC Reim. Ces trois dernières années, du fait de la dégradation de la conjoncture, le taux d’occupation a baissé de trois à cinq points s’affichant aujourd’hui en moyenne autour de 90 %. Un taux élevé… mais pas très fiable, les modes de calcul pouvant différer fortement selon les sociétés de gestion et exclure les immeubles en travaux, ou ceux susceptibles d’être vendus. Ces dissonances sont sur le point d’être corrigées, un nouvel indicateur, le «taux d’occupation financier», aux critères plus stricts et communs à toutes les SCPI, faisant désormais office de norme.

Le patrimoine détenu par la SCPI est-il de qualité?

La pérennité d’une SCPI tient en grande partie à la qualité de son immobilier. Les immeubles vieillissants ou situés sur des emplacements périphériques ayant aujourd’hui davantage de mal à se louer, ils font dès lors peser un risque de baisse des revenus sur la SCPI. Certes, il est difficile pour un particulier de se livrer à une étude exhaustive du patrimoine, souvent constitué d’une centaine de lignes - les immeubles étant obligatoirement listés dans le rapport annuel. Mais il est possible d’avoir un aperçu de sa qualité en se concentrant sur les immeubles qui pèsent le plus dans le compte de résultat - ceux totalisant le plus grand nombre de mètres carrés - pour les visualiser sur Internet grâce à l’adresse mentionnée (Google maps). Il vous sera aussi possible de vérifier qu’une ligne ne représente pas plus de 5 % du total des mètres carrés détenus par la société, niveau généralement admis pour assurer une bonne mutualisation de son risque. Une autre méthode riche d’enseignement, mais plus brutale consiste à diviser le montant des loyers par le nombre total de mètres carrés indiqués au bas de cette même liste. «C’est un peu radical, mais cela permet de comparer les niveaux de loyer moyens de plusieurs SCPI ayant un profil d’actifs similaire (commerces, bureaux, entrepôts, ndlr)», estime Jean-Marc Peter. Plus le loyer moyen sera bas, plus la SCPI a des chances d’avoir un patrimoine situé sur des marchés périphériques, certes généralement plus rentables mais aussi jugés plus risqués en temps de crise. Attention, ce critère d’appréciation tend surtout à s’appliquer aux bureaux. Les SCPI murs de boutiques peuvent avoir intérêt à acheter des actifs à loyers faibles, notamment pour pouvoir les augmenter au fil du temps (déplafonnement, cession, despécialisation du bail).

Les actifs en portefeuille sont-ils porteurs de risques?

Les sociétés de gestion aiment mettre en avant les baux signés avec de grands groupes sur des emplacements irréprochables. Pourtant, ce sont souvent les surfaces de taille moyenne louées à des PME qui font le cœur de l’activité d’une SCPI. Le produit est par nature résilient en temps de crise, les locataires, et notamment les petites structures, peuvent connaître davantage de difficultés à s’acquitter du loyer pendant ces périodes. Pour connaître le pourcentage de loyers sur lequel pèse un risque d’impayé, il est nécessaire de jeter un coup d’œil aux provisions pour créances douteuses, autrement dit celles comportant un risque d’impayé (voir: Les informations contenues dans le rapport annuel d'une SCPI). Ce chiffre est à comparer sur plusieurs années pour être significatif. «Il est normal que ce poste de charge soit aujourd’hui en légère augmentation. Mais s’il explose, et sauf accident ponctuel sur un immeuble qui pèse dans le compte de résultat, c’est peut-être le signe que la SCPI a en portefeuille des actifs trop sensibles à la conjoncture», constate un gérant. Dans tous les cas, ce chiffre sera à mettre en rapport avec le niveau des loyers perçus, pour connaître son impact réel sur les revenus. «Sur plusieurs années, si ce poste est compris entre 1 et 2 % des recettes, la SCPI reste sur un risque mesuré», juge Isabelle Rossignol.

Les nouvelles acquisitions préservent-elles les revenus?

Les montants recueillis lors des augmentations de capital sont-ils utilisés à bon escient pour ne pas diluer le rendement des associés? Difficile de le savoir précisément. Toutefois, certaines SCPI publient dans leur rapport de gestion (et obligatoirement dans les bulletins trimestriels) les acquisitions réalisées pendant l’exercice passé. Et dans ce cas, elles précisent parfois le taux de rendement des immeubles. «Celui-ci doit être indiqué acte en main pour être sûr que le loyer affiché par la SCPI est net de frais», rappelle Michèle Séphon gérante de la SCPI Buroboutic. «Pour un rendement versé aux associés de 5 %, il faut que la rentabilité de l’immeuble à l’achat dépasse les 7 %. En deçà, et lorsqu’on est sur une grosse augmentation de capital, cela a un effet dilutif sur le rendement.» Certes, cela ne se vérifie pas toujours pour les SCPI murs de boutique, qui peuvent choisir d’acheter des locaux avec des loyers sous-évalués pour les déplafonner à terme. Ce n’est pas le cas pour l’immobilier tertiaire. «Il faut que la rentabilité soit détaillée par actif. Une moyenne des rendements n’a pas de sens, sachant qu’elle pourrait être calculée sur des biens de qualité très inégale», complète Laurent Flechet directeur général délégué de Primonial Reim.

Les frais de gestion sont-ils contenus?

La société qui gère la SCPI se rémunère sur le prix de la part souscrite par les nouveaux associés et sur la gestion courante. Cette rémunération oscille en moyenne entre 8 et 10 % des revenus perçus. Pour connaître rapidement le montant de ces honoraires, il faut se rendre dans «le rapport spécial du commissaire au compte», où ils sont explicités. Attention toutefois, ces honoraires peuvent exclure des frais annexes facturés en plus aux associés, comme la tenue des assemblées générales, la publication du rapport annuel… Autre pratique courante mais transparente, la rémunération sur arbitrage, lors de l’achat ou la vente d’immeubles. Ces coûts peuvent être forfaitaires - ils sont dès lors inscrits dans les statuts - ou votés au coup par coup par l’AG. Pour en connaître la teneur, rendez-vous aux dernières pages du rapport, au chapitre des résolutions d’AG. En sus des frais de gestion, un certain nombre de charges viennent grignoter les revenus issus des locations (vacance locative, impayés, dette, provision pour travaux, intérêts financiers, etc.). «Au-delà de 25 à 30 % des recettes locatives, le total des charges me semblerait excessif», précise Patrice Crété, en charge de l’information pour La Française AM. Comparer le niveau de charges de plusieurs SCPI a du sens. Il suffit pour cela de repérer le total des charges et de le rapporter au total des revenus (voir Les informations contenues dans le rapport annuel d'une SCPI). Certes, les SCPI de constitution plus récente descendent plus facilement en deçà des 20 %. En effet, les immeubles neufs, couverts par la garantie décennale, et ceux dont le bail a été signé récemment pèsent moins sur les comptes. Idem pour les SCPI «murs de boutiques», puisque les travaux sont souvent à l’entière charge des locataires. Ces différences se traduisent notamment par le montant de provisions pour gros travaux (PGR) indiqué dans le compte de résultats. Si un niveau de PGR élevé peut être le signe d’un patrimoine vieillissant, l’inverse n’est pas forcément vrai. Certaines sociétés de gestion choisissent de requalifier certains travaux lourds en «investissements», afin de faire financer ces charges par l’emprunt.

Quelle est la relation entre associés et société de gestion?

Pour prendre la température des relations entre la société de gestion et les associés, il faut consulter les pages dédiées au rapport du conseil de surveillance, dont les membres sont élus par les associés pour les représenter. «Au bout de quelques lignes, on voit quand il y a des sujets de friction», note un gérant. Cela est d’autant plus vrai que ce rapport doit faire l’objet d’un consensus et qu’il est souvent allégé dans sa teneur. Dès lors, mieux vaut s’abstenir de souscrire des parts dans une SCPI où les relations entre associés et gérant semblent tendues. La lecture du rapport de surveillance est, par ailleurs, riche d’enseignements sur les difficultés conjoncturelles que rencontrent les SCPI actuellement. Un rapport trop lisse de ce point de vue mérite d’être regardé à la loupe. La société de gestion a-t-elle tenu la main du conseil de surveillance lors de la rédaction?
« à titre informatif, il n’est pas inutile de comparer ce rapport à celui d’autres SCPI gérées par la même société afin d’y repérer d’éventuelles similitudes…», poursuit notre gérant. Dans certains cas, le rapport de surveillance peut donner des indices sur la présence d’institutionnels parmi les associés. «Les banques ou les assurances et les personnes physiques n’ont pas forcément les mêmes intérêts», estime Alain Boyer Chammard. Si le nombre d’investisseurs institutionnels n’est pas indiqué dans le rapport, un appel téléphonique à la société de gestion pourra vous informer sur le sujet. Préférez dès lors des SCPI comptant peu ou pas d’investisseurs institutionnels en leur sein. Au-delà des divergences d’intérêts, la sortie d’un «zinzin», comptabilisé en milliers de parts, peut avoir un impact négatif sur le prix de ces dernières. À moins que la société de gestion n’ait pris des dispositions spécifiques à ce sujet. Ce qu’il convient de vérifier.

Jorge Carasso

Lire aussi:» La pierre papier attire toujours l’épargne

Service:» Comparer le rendement SCPI / Assurance vie, avec notre simulateur

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