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Patrimoine: déjouez les risques de la vente en viager

Le viager, même s’il constitue un marché de niche, connaît une nouvelle jeunesse auprès des vendeurs. Réponse aux besoins de financement des seniors, véritable outil de transmission, la formule séduit par sa souplesse. Mais, loin d’être anodine, elle engage la fin de vie. Nos conseils pour sauter le pas en toute connaissance de cause.

Depuis qu’elle a conclu en 2008 la vente en viager du petit appartement qu’elle occupe au cœur du quartier des Gobelins, dans le XIIIearrondissement de Paris, Moniah est une (presque) octogénaire comblée. Pour cette célibataire sans enfant, il y a bien eu le coup de blues dans les semaines suivant la transaction, réalisée avec un couple de médecin et d’avocat, quand elle s’est retrouvée simple locataire. «Aujourd’hui, je ne regrette rien. La rente qui m’est versée - 550€ par mois en ce moment, en intégrant les charges de 80€ dont je reste redevable -, est un complément appréciable à ma modeste retraite. Quant au bouquet que j’ai perçu, 70 000€, il m’a permis, entre autres, de réaliser le voyage de mes rêves à l’Île de Pâques!», confie la sémillante demoiselle. Qui ajoute avoir été bien conseillée par un spécialiste du viager recommandé par un ami. «Sans lui, j’aurais été trop inquiète pour sauter le pas.»

Ce témoignage reflète bien l’état d’esprit des vendeurs en viager, appelés crédirentiers, séduits par une opération leur permettant d’augmenter leurs revenus sans changer de lieu de vie, une fois passée la crainte de tomber sur un investisseur sans scrupules attendant de pied ferme leur décès. Nos conseils pour réussir au mieux sa négociation avec l’acquéreur.

Définir sa stratégie

La motivation première pour une personne âgée, souvent une veuve, est de demeurer dans son logement tout en percevant un complément de retraite à vie, sous forme d’une rente. L’intérêt du viager est qu’il répond en même temps à toutes sortes de stratégies patrimoniales. Loin de la conception traditionnelle qui en fait un outil dédié aux personnes sans héritiers directs ou brouillés avec leurs enfants, le viager offrant alors l’opportunité idéale de vider en toute légalité la succession, il devient de plus en plus un outil d’aide entre les générations. Par exemple avec la transmission du bouquet (capital remis comptant au vendeur à la signature du contrat, voir p. 48), quand il ne sert pas à protéger le conjoint survivant en prévoyant la réversibilité de la rente, en général à 100%, pour compenser une pension de réversion insuffisante, et, par là même, le faire bénéficier de l’exonération des droits de succession sur la valeur de réversion de la rente (art. 793-1-5° du Code général des impôts).

Le bon âge

À quel âge vendre en viager? La question est d’autant plus pertinente qu’aucun seuil n’est imposé par la loi. D’ailleurs, de plus en plus de jeunes seniors se lancent pour éponger des dettes ou aider leur famille. «Le moment idéal se situe entre 75 et 85 ans», assure pourtant Michel Artaz, fondateur du Centre européen de viagers. En effet, avant cette tranche d’âge, la rente est modeste. À cet aspect financier s’ajoute la difficulté de trouver l’acquéreur prêt à verser une rente pendant plusieurs années. Après ces âges, le bouquet, comme la rente, risque d’atteindre des sommets dissuasifs à l’investissement. L’ autre indicateur dont il faut tenir compte est l’état de santé du candidat au viager. «À la moindre alerte, c’est le moment d’agir. Il ne faut pas attendre d’avoir perdu ses facultés sensorielles et cognitives», avertit, sans ambages, Christophe Zeller, directeur général d’IRG Immobilier, une société spécialisée dans le démembrement de propriété et le viager de prestige.

Intégrer la valeur réelle de son logement

Pour le senior décidé à vendre en viager, l’étape suivante est de savoir combien vaut son logement. La détermination du prix passe par la valeur de marché, minorée d’un abattement d’occupation.

Un bien démembré

La valeur du bien subit une décote tenant compte du fait que le logement est occupé. C’est ce qui fait la différence avec le viager libre (voir encadré, p.52). En théorie, l’occupation peut revêtir deux formes. Dans la première, le vendeur décide de se réserver l’usufruit: il ne cède que la nue-propriété, ce qui lui permet de louer son bien et de recevoir un revenu foncier complémentaire à sa rente. En pratique, la formule est si défavorable à l’acquéreur que les professionnels du viager sont réticents pour conclure un tel contrat.

Le plus souvent donc, c’est la seconde forme d’occupationqui prévaut: le vendeur n’est en mesure de s’accorder qu’un simple droit d’usage et d’habitation jusqu’à son décès. Concrètement, un abattement inversement proportionnel à l’âge - par exemple 50% si le vendeur a 70 ans, 40% s’il a 80 ans et 30% s’il a 90 ans -, est appliqué. Mais pour les experts, il s’agit aussi de chiffrer le manque à gagner pour l’acheteur sur la valeur locative, en évaluant le montant du loyer théorique sur toute la durée d’espérance de vie du vendeur.

Pour connaître cette espérance de vie, les professionnels ont chacun leur méthode, plus ou moins inspirée des tables de mortalité établies par l’Insee ou les compagnies d’assurance, ces dernières étant plus favorables au vendeur qui gagne quelques années de vie! Son état de santé ne doit pas entrer en ligne de compte.

Rabattre ses prétentions

Le futur vendeur a tout intérêt à se caler sur l’estimation du professionnel, non sans avoir fait jouer la concurrence. Faire une contre-proposition risque d’être contre-productif. Le viager suit la loi de l’offre et de la demande, comme pour un bien classique. Préférer ce qui est censé être le juste prix, c’est mettre toutes les chances de son côté pour vendre rapidement. Lorsqu’il est difficile de trouver un acquéreur, c’est souvent en raison de prétentions excessives.

«C’est une mauvaise stratégie. Le vendeur finit par concrétiser l’opération à un montant inférieur à celui espéré initialement, parfois quelques années après. Or, plus il avance en âge, plus il est compliqué de dénicher un acheteur acceptant de payer un prix en conséquence», met en garde Michel Artaz.

Prévoir un paiement adapté à ses besoins

Dans le viager, le vendeur, jouant en quelque sorte le rôle d’une banque, consent un crédit à vie à son acquéreur. Aussi les modalités de paiement, tel qu’il a été préalablement défini en tenant compte de l’occupation, sont-elles particulières. Le viager est presque toujours composé d’un bouquet, remis au vendeur à la signature, et d’une rente. Il arrive qu’aucun bouquet ne soit prévu. Cette formule peut convenir à un crédirentier vendant en viager à tous ses enfants afin de percevoir une rente de chacun d’eux.

La juste répartition entre bouquet et rente

Répartir le prix du bien entre bouquet et rente n’obéit à aucune règle juridique. «La formule ’’petit bouquet/grosse rente’’ est la stratégie à adopter avec l’allongement de la durée de vie», affirme Christophe Zeller. L’usage veut que le vendeur prétende à un bouquet représentant autour de 30% de la valeur du bien. Dans la réalité, ce n’est pas aussi schématique. Les professionnels élaborent leur propre méthode pour aboutir à une estimation qui va servir de base de négociation entre les parties. Tout va dépendre des besoins et des aspirations du vendeur même si un équilibre est à trouver avec l’acquéreur. Cas de figure fréquent, le vendeur a besoin de revenus complémentaires. Il se contentera alors d’un petit bouquet. Ce ne sera plus le cas s’il a besoin de liquidités, autrement dit d’un capital initial conséquent pour réaliser des travaux dans l’appartement ou… s’offrir un voyage. «De plus en plus de vendeurs, partant du principe que leurs descendants ont davantage besoin d’une aide financière immédiate qu’après leur décès, font des donations de la somme correspondant au bouquet à leurs enfants ou petits-enfants», constate Michel Artaz. Une stratégie qui permet de concilier vente avec occupation et intérêt des héritiers. «À cet égard il est même possible de prévoir un bouquet correspondant à la valeur occupée du bien sans rente», poursuit-il. Autrement dit, le vendeur reçoit la totalité du prix le jour de l’acte de vente tout en restant dans le logement sa vie durant. Le rôle du bouquet est aussi de remettre les compteurs à zéro en apurant les dettes éventuelles contractées, en matière de charges de copropriété ou de frais médicaux, par exemple. En toute logique, l’âge entre aussi en ligne de compte: plus le vendeur prend de l’âge, plus le bouquet est censé augmenter, le temps pendant lequel la rente est versée étant réduit en proportion.

Des calculs complexes

Une fois le montant du bouquet déterminé, le reliquat de la valeur d’occupation est converti en rente viagère. C’est une somme que le débirentier s’engage à verser chaque mois -ou trimestre- tout au long de la vie du crédirentier. Les parties sont théoriquement libres de fixer le montant de la rente (art. 1976 du Code civil). Des simulateurs en ligne existent, à manipuler avec prudence. En réalité, la détermination de ce montant résulte d’un calcul mathématique complexe faisant intervenir plusieurs paramètres: réversibilité éventuelle de la rente, droit de jouissance du vendeur (usufruit ou simple droit d’usage et d’habitation), taux de rendement du bien, lui-même dépendant de la valeur locative… Est également pris en compte, bien sûr, l’âge du crédirentier; une nonagénaire pouvant prétendre à une rente plus élevée qu’une octogénaire. Là encore, l’espérance de vie est une composante capitale. Mieux vaut donc confier cette mission à un expert, éventuellement en faisant réaliser des simulations par plusieurs professionnels. En tout état de cause, ces calculs doivent être justifiés, la vente risquant sinon d’être annulée pour abus de faiblesse ou pour défaut de prix réel et sérieux. Une cinquantaine de ventes en moyenne seraient ainsi cassées par les tribunaux chaque année. La revalorisation annuelle de la rente ne doit pas non plus être oubliée. À prévoir noir sur blanc dans l’acte de vente. Le choix de l’indice est libre. Les notaires se fondent en général sur l’indice Insee des prix à la consommation, adapté à une rente ayant un caractère alimentaire. Mais certains experts préconisent plutôt le recours à l’indice de référence des loyers (IRL).

Éviter les pièges du viager en famille

Pratiquer le viager en famille peut être tentant. Echange de bons procédés, la formule permet à un enfant d’aider ses parents tandis que le bien est conservé dans le giron familial en vue d’être transmis. Un tiers des ventes en viager seraient ainsi conclues avec des héritiers. Autant savoir qu’il est délicat de réaliser cette opération avec un successible en ligne directe. Ne serait-ce qu’au plan psychologique, à supposer que le crédirentier soit amené à faire valoir ses droits au paiement de la rente auprès d’un enfant. Des tensions qui seraient d’ailleurs tout aussi difficiles à vivre si le viager était réalisé avec son meilleur ami… Mais c’est surtout au plan juridique que le viager familial est dangereux, à tel point que certains professionnels préfèrent d’emblée dissuader leurs clients. «C’est la seule chose qu’il ne faut pas faire lorsque l’on vend en viager», tranche Bruno Legasse, fondateur de l’agence parisienne spécialisée éponyme. Une certitude: pour que l’opération puisse se réaliser en toute sécurité, il est nécessaire de se faire assister par un spécialiste du viager, sachant que tous les notaires ne le sont pas…

Échapper à la donation déguisée…

Il faut savoir que la loi se montre d’emblée soupçonneuse, considérant le viager entre des parents et un seul de leurs enfants comme une donation déguisée (art. 918 du Code civil). Peu importe que soit rapportée la preuve contraire, en justifiant par exemple du paiement régulier d’une rente équitable. La présomption ne peut tomber qu’en faisant intervenir tous les autres frères et sœurs à l’acte: ils devront alors déclarer que la vente leur paraît sincère et que le montant de la rente correspond réellement à la valeur du bien. «Un montage permet toutefois de contourner la règle. Il s’agit de la création d’une SCI [N.D.L.R.: société civile immobilière]», dévoile Lionel Galliez, notaire à Mussidan, en Dordogne. Les parents choisissent de vendre en viager à un enfant qui, en achetant, constitue une SCI, éventuellement avec son conjoint. En d’autres termes, cet héritier réservataire devient associé. C’est la société qui chaque mois verse la rente et devient propriétaire au jour du décès des parents. «L’opération ne pourra être frappée par la présomption de donation. La vente a eu lieu auprès d’une SCI qui, dotée d’une personnalité juridique distincte, n’est pas héritière», explique-t-il. Cette solution a été entérinée par la Cour de cassation (Cass. civ. 1re, 30.9.09, n°08-17411).

Reste que l’administration fiscale regardera de très près un tel montage. «Elle peut suspecter un viager de complaisance destiné à éviter d’avoir à payer les droits de succession», met en garde Michel Artaz. Prudence donc.

… et à la présomption de propriété

Vis-à-vis du fisc encore, il est conseillé aux parents qui vendent à un enfant de ne se réserver qu’un simple droit d’usage et d’habitation. L’objectif est d’échapper à la présomption selon laquelle, au moment du règlement de la succession, le vendeur qui s’est réservé l’usufruit est censé être propriétaire de tout le bien lorsque c’est un enfant qui est titulaire de la nue-propriété (art. 751 du Code général des impôts). Une présomption qui, là encore, ne tombe, qu’en démontrant la réalité des paiements de la rente viagère.

Faire le plein de garanties

«Celui qui vend en viager doit veiller à sélectionner soigneusement son acquéreur», insiste Pierre Wargnier, expert «viagériste» parisien. Idéalement, un fonctionnaire ou une profession aux revenus, non seulement élevés, mais stables, et plus jeune d’une génération par rapport au crédirentier. Ce conseil de bon sens anticipe le plus gros danger que présente une opération en viager pour le vendeur: ne pas être payé de la rente, ou bien avec retard (un risque facile à déjouer si les parties se mettent d’accord sur un virement bancaire) alors que pour nombre de candidats vendeurs ce revenu constitue un complément de retraite indispensable. Heureusement, de solides garanties existent au plan juridique.

Deux armes redoutables

Le «privilège du vendeur», tout d’abord, qui se matérialise par l’inscription d’une hypothèque de premier rang à la conservation des hypothèques. L’intérêt? Si la rente n’est pas honorée, le crédirentier est en mesure de saisir le bien afin qu’il soit vendu aux enchères à son profit, au détriment des créanciers éventuels du débirentier. «Il faut savoir que ce mécanisme rend difficile pour l’acheteur l’obtention d’un crédit pour financer le bouquet», explique Bruno Legasse. Seconde garantie: la clause résolutoire. Comme le bien est la plupart du temps encore occupé par le crédirentier, le privilège du vendeur est assorti d’une clause résolutoire. En cas d’impayés, l’annulation de la vente est automatique. Encore faut-il la faire constater devant le tribunal d’instance, ce qui implique de prendre un avocat. Il faut compter en moyenne six mois pour que la procédure aboutisse. «Cette garantie est protectrice pour le vendeur, faisant planer une véritable épée de Damoclès sur la tête de l’acquéreur qui peut tout perdre en cas de non paiement», rassure Venance Gaymard, directeur de Viager Europe, une agence implantée sur la Côte d’Azur. Le crédirentier peut même, à titre de dommages et intérêts, conserver les rentes perçues et une partie, voire la totalité, du bouquet, sous réserve de modération par le juge, dès lors qu’une clause pénale, déterminant à l’avance la sanction pécuniaire applicable, a été prévue au contrat.

Attention à la faillite de l’acheteur!

Point noir du viager, lorsque le vendeur se retrouve confronté à un commerçant, un artisan, ou à un professionnel libéral en redressement ou en liquidation judiciaire. «Le crédirentier devient un créancier comme un autre, ce qui paralyse les garanties hypothécaires, y compris la clause résolutoire qui devient inefficace», alerte Lionel Galliez. C’est le cauchemar qu’ont vécu deux octogénaires, Jean et Marcelline, il y a un an. «Nous avons vendu en viager occupé notre appartement de deux-pièces, situé dans le XVIIe arrondissement de Paris.

La rente de 1 800€ par mois était censée aider à couvrir les soins médicaux pour maintenir mon mari à domicile. Seulement, le kinésithérapeute à qui nous avons vendu s’est mis, au bout de quelques mois, à ne plus la payer. Nous avons ensuite appris qu’il avait fait faillite. Impossible de percevoir la rente et de récupérer le bien!». Comment se prémunir pour le vendeur? Règle d’or, la réactivité. «À la moindre rente impayée, il faut réagir et faire jouer la clause résolutoire avant même que ne soit mise en place la procédure collective en matière de faillite. Il faut aussi enclencher l’action de manière simple sans demander de dommages et intérêts», met en garde Venance Gaymard. En attendant que le privilège du vendeur du viager prédomine sur les autres privilèges en cas de redressement ou de liquidation judiciaire, un terrain sur lequel se bat depuis plusieurs années l’association pour la défense des intérêts des rentiers viagers.

Protections supplémentaires

D’autres garanties peuvent être souscrites. Comme convenir avec l’acquéreur d’un cautionnement solidaire d’un tiers en cas de défaillance du débirentier, ou d’une banque, ce qui est plus réaliste, mais difficile à obtenir de l’acquéreur car elle diminue la rentabilité de l’opération. Pour les crédirentiers inquiets, il y a la possibilité de souscrire une assurance des rentes impayées, en passant par un courtier spécialiste du viager. Mais ce produit a un coût. «Il faut compter entre 10 et 14% du montant total de l’opération. Pour une rente de 1 150€ par mois, le bénéficiaire ne touchera que 1 000€ environ», reconnaît Christophe Zeller. Ultime solution, insérer dans l’acte de vente une clause de réserve de propriété au profit du vendeur, une formule encore inusitée, sur laquelle travaillent actuellement les notaires.

Anticiper la fin du contrat

Bien vendre en viager, c’est savoir anticiper… la fin du contrat. Trois cas de figure peuvent se présenter, du fait de l’acheteur mais aussi du crédirentier lui-même.

Faire face à une revente

Lorsqu’il est confronté à de réelles difficultés financières, l’acheteur préférera souvent revendre le bien. Il n’a pas besoin de justifier d’un quelconque motif. De son côté, le crédirentier n’a pas à donner son accord. Cette situation est loin d’être un cas d’école: un petit quart des viagers sont ainsi cédés à des sous-acquéreurs. Pour le crédirentier, cela ne change rien, les conditions initiales de son viager étant censées être reprises intégralement dans l’acte authentique de revente par le notaire. «Le vendeur initial devra juste veiller à recevoir copie exécutoire de l’acte afin de pouvoir préserver à tout moment ses intérêts», conseille Venance Gaymard.

Le paiement de la rente, dont le montant reste identique, n’est pas interrompu. Il reste à la charge du premier acquéreur. À moins que le crédirentier accepte la substitution, ce qu’il n’a pas intérêt à faire, ne connaissant pas la solvabilité du nouveau venu. Mieux vaut, en effet, se réserver la possibilité de se retourner contre le premier acquéreur qui, lui-même, peut agir contre son successeur. Une responsabilité en cascade protectrice des intérêts du crédirentier.

L’acheteur décède prématurément

Que se passe-t-il en cas de décès prématuré de l’acheteur, avant le crédirentier? Ce sont ses ayants droit, en général les enfants, qui héritent alors du viager, autrement dit de la propriété du bien acquis, selon les conditions prévues dans l’acte authentique d’origine. Ils devront payer la rente, ainsi que les charges et travaux qui incombaient au défunt. Là encore, pour le crédirentier, cela ne change rien, si ce n’est un nouveau débiteur. Une assurance peut prendre le relais pour couvrir le montant de la rente si le débirentier avait pris ses précautions pour protéger ses héritiers. Un produit à fonds perdus (environ 15% du montant de la rente) rarement souscrit en pratique, les héritiers ayant toujours la faculté de revendre le bien. Il n’empêche. «Le crédirentier a intérêt, pour couvrir de manière sécurisée, le risque décès à imposer la souscription de cette assurance à son débirentier», conseille Lionel Galliez. Un message d’autant plus facile à faire passer que l’acquéreur est jeune, l’assurance étant alors moins chère.

Libération anticipée des lieux

Par principe, quand il signe un acte de vente en viager occupé, le crédirentier n’a pas l’intention de partir. Il est néanmoins indispensable de prévoir dans l’acte la possibilité de quitter le logement, en insérant une clause «d’abandon de son droit d’usage et d’habitation exclusif». Rien ne l’empêche de libérer le bien, que ce soit pour aller vivre dans sa famille ou pour intégrer une maison de retraite ou une résidence médicalisée. «Cette clause doit être rédigée clairement afin d’éviter toute discussion lorsque la situation se produit», prévient Pierre Wargnier. Elle s’assortit d’une majoration de la rente, à définir au contrat. Souvent, un taux dégressif est appliqué en fonction de la durée d’occupation, variable selon les usages des professionnels. «Nous appliquons une augmentation de 45% de la rente si le départ a lieu au cours des quatre premières années, 35% entre la 4e et la 8e année, 25% entre la 8e et la 12eannée, et 15% au-delà», illustre Pierre Wargnier. De son côté, Michel Artaz propose une rente complémentaire d’environ 40 % de la valeur locative du bien.

Attention: la clause d’abandon de jouissance est irréversible. Le crédirentier quitte définitivement les lieux, sauf à trouver un arrangement avec le débirentier, qui est souvent pressé de récupérer le bien.

Faire avec une fiscalité pas si favorable…

Il est indispensable pour le vendeur de connaître les particularités fiscales du viager. Elles ne sont pas aussi favorables que certains professionnels le laissent entendre.

Impôt sur le revenu

La transformation de la détention d’un bien immobilier en rente a des incidences en matière d’impôt sur le revenu. Le principe: une fraction de la rente viagère, déterminée forfaitairement et une fois pour toutes en fonction de l’âge du vendeur, est considérée comme du revenu imposable (art.158-6 du Code général des impôts). À supposer que le crédirentier ait 70 ans révolus - cas le plus fréquent - cette fraction est fixée à 30%. Exemple: un vendeur âgé de 75ans percevant une rente mensuelle de 1 300€ sera assujetti à hauteur de 4 680€ par an. Pour un couple, avec réversibilité au profit du survivant, c’est l’âge de l’aîné qui est pris en compte. Un vendeur qui se rapprocherait en âge d’une nouvelle tranche d’imposition a tout intérêt à faire inscrire dans l’acte de vente une date de premier versement postérieure à son anniversaire…

Une fiscalité qui, en tout état de cause, est jugée confiscatoire par Michel Artaz. «Les abattements pratiqués pour les rentes viagères, institués il y a cinquante ans, sont aujourd’hui nettement insuffisants alors que l’espérance de vie gagne un trimestre par an! C’est d’autant plus injuste que la rente viagère financière, issue de la transformation d’un plan d’épargne en actions ou d’un ancien plan d’épargne populaire, échappe à l’impôt sur le revenu.» À noter que la rente viagère immobilière, comme la rente viagère financière, est soumise aux prélèvements sociaux de 15,5%, sur la fraction concernée.

Impôt de solidarité sur la fortune

La rente est prise en considération pour le paiement de l’ISF, en application de l’article885E du CGI. Le capital représentatif de la rente est taxable selon un barème fourni en annexe de la déclaration d’impôt*. La valeur du capital correspondant à la rente varie selon l’âge du crédirentier, son sexe et selon que la rente est ou non réversible. Plus celui-ci vieillit, plus la valeur à déclarer à l’ISF diminue. Là encore le régime est perçu comme choquant alors que le vendeur aliénant un bien immobilier le fait souvent pour compléter une retraite insuffisante. «La capitalisation des rentes viagères, dans la mesure où elles ne sont jamais rachetables par le crédirentier, ne devrait pas être incluse dans l’assiette de l’ISF», s’insurge Michel Artaz. Par ailleurs, dans le cas d’un viager occupé, le crédirentier devra porter à l’actif de son ISF la valeur de l’usufruit ou du droit d’usage et d’habitation. À condition que le débirentier ne soit pas considéré comme un héritier présomptif, auquel cas il sera imposé sur la pleine propriété (art. 885 G-b du CGI).

Marianne Bertrand

* Consultable sur www.impots.gouv.fr, imprimé n°2725-NOT-D.

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