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Budget, accompagnement, personnalisation: De nouvelles pratiques funéraires

Les Français osent désormais parler du prix des obsèques, et certains organisent les leurs jusque dans les moindres détails. Le rite funéraire évolue lui aussi, incluant maintenant les ressources d’Internet.

Jusqu’en 1993, parler du prix des obsèques était à la fois quasi inconcevable sur le plan moral et inutile d’un point de vue financier. L’encadrement législatif de l’activité des pompes funèbres rendait impossible pour les familles la maîtrise du coût des prestations funéraires. Les communes en détenaient, en effet, le monopole, qu’elles exerçaient soit par le biais d’une régie municipale, soit en accordant une concession à une société privée, soit en laissant les familles libres de choisir leur entreprise de pompes funèbres. Mais ce troisième cas ne se produisait que dans 13,32% des villes de plus de 10 000habitants. En fait, 23,82% d’entre elles -dont de grandes agglomérations telles que Paris, Lyon et Marseille- optaient pour l’exploitation en régie municipale et 62,37% confiaient la concession à une entreprise privée. Dans ces deux derniers cas de figure, les prix étaient fixés par la commune. Les contrats de concession établis par les municipalités comprenaient, en outre, des clauses de révision des tarifs des produits et des prestations funéraires. Une société de pompes funèbres concurrente pouvait, néanmoins, être mandatée par une famille, mais elle devait rétrocéder une partie de son chiffre d’affaires au concessionnaire, aussi ses prix ne pouvaient pas être mieux-disants.

Des écarts de prix faramineux

L’absence de concurrence aboutissait à une forte disparité des tarifs. “En fonction de la commune où étaient organisées les obsèques, les prix d’une même prestation pouvaient varier de un à cinq”, indique Jean-Pierre Sueur, sénateur du Loiret et auteur de la loi du 8janvier 1993, entrée intégralement en application en 1998, qui a abrogé ce monopole communal. Aujourd’hui, une famille peut s’adresser à la société de pompes funèbres de son choix, et celles-ci fixent librement leurs prix.
Toutefois, l’introduction de la concurrence n’a pas mis fin aux fortes disparités tarifaires. La dernière enquête de l’UFC-Que choisir, de novembre 2008, qui portait sur 590magasins funéraires, relève encore des écarts de prix faramineux injustifiés. Le coût d’obsèques incluant un cercueil en chêne massif brut de type parisien, un capitonnage simple en satin blanc uni, quatre poignées, quatre porteurs, un corbillard standard, l’ouverture et la fermeture de la sépulture, les formalités et démarches administratives varie ainsi de 1 176 à 3 891€. Sachant que l’ouverture et la fermeture d’un caveau sont facturées de 90 à 844€, qu’il faut compter de 48 à 390€ pour l’intervention d’un maître de cérémonie et que la location d’un corbillard vaut de 65 à 490€.
Quant à la certification NF services (12entreprises sont certifiées), si elle garantit, notamment, un accueil et une prise en charge de qualité, le respect des cultures et des croyances, une aide pour effectuer les démarches après le décès et la transparence du coût des obsèques, elle ne permet pas de juger des tarifs de l’entreprise.

60% des familles comparent deux devis

Si la discussion autour du prix des prestations des pompes funèbres était taboue jusqu’à la fin des années 1990, c’est moins le cas maintenant. “En 1992, 3% des familles demandaient un devis avant de choisir une société de pompes funèbres. Aujourd’hui, 60% des familles en ont fait établir au moins deux avant de mandater une entreprise”, constate Michel Kawnik, président de l’Association française d’information funéraire (01.45.44.90.03, afif.asso.fr), qui conseille les personnes endeuillées.
Pour encourager le consommateur à comparer les tarifs, le législateur est de nouveau intervenu: la loi du 19décembre 2008 oblige, notamment, les entreprises du funéraire à se conformer à un modèle national de devis. Ce document, instauré par l’arrêté du 23août 2010, entré en vigueur le 1erjanvier 2011, doit distinguer les prestations courantes de celles qui sont facultatives -soins de conservation du corps, fleurs, etc. Parmi les premières, certaines sont, d’ailleurs, obligatoires: fourniture d’un véhicule agréé pour le transport du corps, d’un cercueil de 22mm d’épaisseur (ou 18mm en cas de crémation) avec une garniture étanche et quatre poignées et, selon le cas, les opérations nécessaires à l’inhumation ou à la crémation.
Sachez que des courtiers en ligne spécialisés -iquietis.com, meilleures-pompes-funebres.com ou obseques-infos.com- peuvent démarcher plusieurs opérateurs de pompes funèbres à votre place pour obtenir des devis. Le bémol: ces sites Internet ne référencent pas toutes les sociétés.

20% des funérailles anticipées par contrat

Autre preuve de l’évolution des mentalités, les Français prévoient de plus en plus l’organisation de leurs obsèques: afin de soulager financièrement et moralement leurs proches, ils souscrivent des contrats obsèques. En 2009, 20% des décès étaient couverts par un contrat obsèques au bénéfice d’un proche ou d’une société de pompes funèbres, contre 7% en 2004. 85% de ces contrats étaient souscrits en capital -montant versé au bénéficiaire au moment du décès-, 15%, en prestations -la liste des prestations à fournir par l’opérateur funéraire est alors détaillée dans le contrat. Selon la Fédération française des sociétés d’assurances, fin 2010, le nombre de contrats obsèques en portefeuille s’élevait à 2,80millions, soit une progression de 10% en un an. Du fait de cette anticipation, d’autres prestations de services sont maintenant proposées. Ainsi, la société Hommages expressions de vies (hommages.fr) aide ses clients à préparer leurs funérailles. Après un entretien de 2h, qui déterminera le choix des fleurs, de la sépulture, des textes, de la tenue vestimentaire, etc., un livret de vœux leur est remis. La prestation coûte 393€. Pour faire connaître leurs dernières volontés, les particuliers peuvent aussi déposer leur patrimoine digital ou un album de vie dans des coffres-forts numériques spécialisés (edeneo.fr, laviedapres.com, eternissim.com, etc.). Ces sites proposent même d’envoyer des messages post mortem.

La crémation envisagée par 51% des Français

Dans leurs dernières volontés, les personnes se prononcent de plus en plus sur la destination de leur dépouille, notamment quand elles choisissent la crémation. Marginale dans les années 1970, celle-ci représentait 14% des pratiques funéraires en 1997, contre 30% en 2010. Aujourd’hui, selon la Confédération des professionnels du funéraire et de la marbrerie (CPFM), 51% des Français souhaitent se faire incinérer. Cette progression pourrait s’expliquer par la baisse de la pratique religieuse. En effet, une étude du Centre desuite p.48
recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (Crédoc) d’octobre 2009 montre que le choix de la crémation est beaucoup plus fréquent chez les non-croyants et les non-pratiquants. Par ailleurs, la crémation est perçue comme plus “propre” ou plus écologique qu’une inhumation, ce qui n’est pas forcément le cas. “Lors d’une crémation, la combustion du cercueil et du corps génère des poussières et des émanations (gaz carbonique, oxyde d’azote, mercure…), explique Nelly Chevallier-Rossignol, déléguée générale de la CPFM. D’ailleurs, les crématoriums doivent être équipés d’un système de filtration depuis l’arrêté du 28janvier 2010 qui fixe les quantités maximales de polluants qu’ils peuvent rejeter dans l’atmosphère.”
Enfin, de nombreuses personnes choisissent la crémation en pensant faire réaliser de grosses économies à leurs proches. Or, des obsèques comportant une crémation ne coûtent que 13% de moins que celles incluant une inhumation: les familles dépensent, en moyenne, 3 800€ TTC pour cette dernière, contre 3 300€ pour une crémation, selon la CPFM. En effet, la facture d’une crémation ne comprend pas uniquement le prix de l’urne (à partir de 50€), de la crémation elle-même (entre 450 et 650€), du cercueil (plutôt en entrée de gamme) et, dans certains cas, de la concession dans un columbarium. Elle intègre aussi celui des prestations obligatoires -mise en bière, fourniture d’un corbillard, cérémonie et interventions administratives, etc.-, les mêmes que pour une inhumation (voir: Où vont les cendres d’un défunt?).

Une personnalisation des funérailles

Malgré le recul de la pratique religieuse, le rite funéraire reste encore empreint de religiosité: 75% des convois étaient religieux en 2008, selon l’Institut français d’opinion publique (Ifop). Mais seules 55% des personnes interrogées souhaitent une cérémonie religieuse pour leurs propres obsèques. Pour autant, le rite funéraire ne devrait pas disparaître ; il est en train d’évoluer. Aujourd’hui, la cérémonie est moins solennelle, plus intime qu’auparavant: choix de morceaux de musique ou de textes, discours de proches, diffusion de vidéos, réception après la cérémonie. Personnaliser les obsèques serait une façon pour les familles d’adoucir le deuil. Les proches vont plus loin dans l’hommage rendu au défunt en choisissant des articles funéraires qui renvoient à sa passion ou à son métier: gravure sur la pierre tombale d’un manège forain, urne funéraire en forme de livre ou de cœur, etc. La société Alternita (alternita.com) s’est ainsi spécialisée dans la création d’urnes funéraires sur mesure. Parmi les initiatives les plus surprenantes, Coffin’Art (coffin-art.fr) permet de reproduire sur un cercueil une photo, un dessin ou un symbole (à partir de 150€).

Un accompagnement sur Internet

Internet s’invite également de plus en plus dans le rite funéraire. Ainsi, les sociétés de pompes funèbres, surtout celles qui disposent de chambres funéraires, ouvrent souvent un espace numérique dédié au défunt dont elles organisent les obsèques. L’avis de décès est repris en ligne, et Internet devient alors un nouveau moyen d’exprimer son affection à la famille en y déposant des messages de condoléances et d’amitié, des photos, des vidéos ou en allumant des bougies. Ce service est également proposé par les grands groupes de presse quotidienne régionale aux personnes qui font paraître un avis de décès dans les colonnes de la version papier d’un de leurs titres. Centre France, Ouest-France, La Nouvelle République du Centre-Ouest et La Dépêche du Midi se sont ainsi associés pour lancer dansnoscoeurs.fr. Enfin, des sites comme memoiresdesvies.com, phoemya.fr ou lecimetiere.net proposent le même type de recueillement. “Ces lieux de commémoration peuvent s’apparenter à un cimetière virtuel”, reconnaît Nelly Chevallier-Rossignol.

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