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Focus sur la crise de la dette des Etats: la crise de la dette affecte l'assurance vie sans la menacer

La défaillance de l’État grec qui peine à rembourser ses dettes va affecter légèrement les contrats d’assurance vie. Les rendements des fonds en euros, dont la baisse était déjà attendue, ne vont pas briller.

Les 1 300milliards d’euros que les épargnants ont confiés aux assureurs vie, au travers des fonds en euros (à capital garanti), sont investis à hauteur de 80% en obligations. Parmi celles-ci, près de la moitié sont émises ou garanties par les États, qui les utilisent pour financer leurs déficits. En conséquence, le sort de 30 à 40% des sommes placées en assurance vie dépend de la capacité des États à payer les intérêts dus sur ces emprunts et à rembourser, à leur terme, la valeur des titres à leur prix d’émission.

Les emprunts d’État Français privilégiés

Depuis que l’assurance vie existe, cette large place laissée aux obligations publiques a toujours été jugée saine et protectrice. Les États étant considérés comme les meilleurs débiteurs, puisque, sauf exception, ils ne font pas faillite et honorent leurs engagements. En outre, les assureurs se sont concentrés sur la zone euro, afin de respecter des règles dites de «congruence» des devises de l’ar-ticle R. 332-5 du code des assurances. Cette règle leur impose d’investir dans la même monnaie que celle des fonds collectés. Ils ont, bien sûr, privilégié les emprunts émis par la France, mais ils ont aussi investi dans d’autres pays de l’Union offrant des rendements plus élevés, en raison d’une moins bonne notation par les agences.
Mais, depuis plusieurs mois, la donne a changé et il est apparu que certains pays auront du mal à rembourser dans les délais les sommes empruntées. La Grèce, après bien des vicissitudes, doit se résoudre à rééchelonner ses dettes dans le cadre d’un plan de sauvetage (en cours de validation début septembre), ce qui entraîne une perte évaluée à 21% de la valeur des obligations qu’elle a émises. Cette perte pourrait être pire en cas de faillite totale, que certains intervenants de marchés n’excluent désormais plus. L’Irlande et le Portugal sont sur le fil du rasoir (ce qui a conduit à la création du Fonds européen de stabilité financière-FESF). Et l’Espagne et l’Italie sont dans le viseur des spéculateurs. Cette situation se traduit par une diminution de la valeur boursière des obligations émises par ces pays et par de sérieuses inquiétudes pour les épargnants. La France n’est pas concernée par cette vague de défiance et conserve la meilleure note accordée par les agences de notation (AAA). Mais la nécessité de maîtriser la dette pousse à des ajustements budgétaires (voir p.10 et 12).

Des investissements limités en grèce

Les conséquences de la crise actuelle restent, pour l’instant, marginales pour les fonds en euros des contrats d’assurance vie, selon les spécialistes, et «la sécurité des sommes placées en assurance vie n’est absolument pas menacée», estime Philippe Lequeux-Sauvage, porte-parole de la Fédération française des sociétés d’assurances. L’explication est simple: les assureurs détiennent très peu d’emprunts grecs, en général moins de 1% de leurs actifs (voit tableau ci-contre). Une dévaluation de 21%, comme celle qui a été retenue par les grandes entreprises, se traduit donc par une perte de rendement de 0,2% durant un an. Une somme que les assureurs peuvent facilement compenser en prélevant dans les réserves de bénéfices réalisées au cours des années précédentes ; réserves qui représentent en moyenne 1% de rendement mis de côté. Selon Cyrille Chartier-Kastler, du cabinet d’études Facts et Figures, «même pour les sociétés d’assurances les plus fortement exposées à la Grèce, en général celles qui ont des nouveaux fonds en euros opportunistes, l’impact sur le rendement ne dépassera pas 0,3%». En revanche, sans plan de sauvetage et si la Grèce faisait défaut, la baisse des titres pourrait atteindre ou dépasser 50% sur les marchés et peser un peu plus lourdement sur les portefeuilles, mais sans les menacer, en raison du poids limité de l’exposition à la dette hellène.

Le cumul des emprunts «à risque»

La Grèce n’est toutefois pas le seul pays à risque dans les actifs en euros. Les assureurs détiennent aussi des emprunts d’autres pays dégradés par les marchés, dont les valeurs ont diminué en Bourse. Si la part de l’Irlande ou du Portugal est infime, celle de l’Espagne et de l’Italie est plus conséquente (voir tableau p.23). «Ces baisses de valeur n’ont pas d’impact ni pour l’assuré ni pour l’assureur, rassure Odette Cesari, directrice des investissements d’Axa France. Nous ne tenons pas compte de la valeur de marché des obligations pour le rendement des fonds en euros. C’est seulement en cas de défaut de l’émetteur que nous devons constituer une provision spécifique, qui vient, elle, diminuer la performance.»
Additionnés les uns aux autres, ces emprunts supposés à risque commencent néanmoins à peser un poids non négligeable qui approche et, parfois, dépasse 10% des actifs, malgré les ventes opérées par les assureurs depuis le début de la crise. Une contagion de la crise des dettes publiques à ces États, et surtout à l’Italie, la plus représentée dans les emprunts de la zone euros hors France, aurait des conséquences qui pourraient non seulement mettre en cause les rendements à venir, mais aussi menacer la solvabilité de certains assureurs. En effet, les revenus des portefeuilles pourraient alors ne pas suffire à honorer le paiement des intérêts tout en absorbant les pertes constatées sur ces obligations. Dans ce cas, l’assureur devrait prélever sur ses fonds propres pour compenser l’excédent de perte et, s’ils ne sont pas suffisants, il serait à son tour en faillite.

Des avoirs protégés à hauteur de 70 000€

Reste que l’hypothèse de la faillite d’un assureur, même si elle n’est pas à écarter totalement, est fortement improbable. Il y a, en effet, tout à parier que l’État français interviendrait, comme il l’a déjà fait par le passé, via la Société de prises de participation de l’État (SPPE), pour sauvegarder la société défaillante. Et, en dernier ressort, il existe des mécanismes de sauvegarde de votre épargne. L’autorité de contrôle prudentiel (ACP) peut effectuer un appel d’offres auprès des autres assureurs pour que le portefeuille soit repris totalement ou partiellement. À défaut, elle peut actionner le fonds de garantie des assurances, qui couvre les avoirs à hauteur de 70 000€. Ce plafond s’entend par assuré et par compagnie, quel que soit le nombre de contrats d’assurance vie ou de capitalisation détenus dans l’établissement en question. En revanche, un particulier disposant de deux contrats d’assurance vie dans deux sociétés différentes sera couvert à hauteur de deux fois le plafond de 70 000€. Les épargnants ont intérêt à garder cela à l’esprit tant que la crise de la dette publique n’est pas réglée. Nous consacrerons dans notre prochain numéro un article à la solidité des assureurs.

Des Rendements en berne

Pour l’instant, une chose est certaine et les assureurs ne s’en cachent pas: les rendements des fonds en euros vont continuer de diminuer. Ils devraient, selon les spécialistes, passer de 3,4% en moyenne l’an dernier à 3%, et les contrats les plus performants, qui engrangeaient encore des performances supérieures à 4%, devraient passer sous ce cap. Les provisions comptabilisées sur la dette grecque en sont, certes, les premières responsables, mais les assureurs sont confrontés à d’autres phénomènes pesant sur les rendements: la baisse des taux d’intérêt des obligations de bonne signature, très demandées par tous les investisseurs, et, surtout, la forte baisse de la Bourse. Le violent décrochage du marché pourrait entraîner la constitution de provisions pour dépréciation durable s’il devait se poursuivre plus de 6 mois (avant ce délai, les assureurs n’ont pas l’obligation de passer de telles provisions). Et le bas niveau des cours empêche les assureurs de réaliser des plus-values latentes qui seraient venues améliorer les revenus courants des portefeuilles. Une sombre année en perspective pour l’assurance vie en euros, et aucun espoir de redressement à court ou à moyen terme.

Éric leroux

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