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Produits bio: Les réussites et les progrès à venir

En dehors de l’effort financier à fournir, il est parfois moins pratique et moins confortable de consommer bio plutôt que des produits conventionnels. Tour d’horizon des contraintes à dépasser.

rivilégier les produits bio pour protéger sa santé, c’est une évidence pour de nombreux consommateurs, même si tous ne sont pas prêts à faire l’effort financier nécessaire. Mais consommer bio, c’est aussi faire réapparaître des contraintes qui avaient disparu avec l’incorporation de substances chimiques dans les produits conventionnels. Cependant, beaucoup d’idées fausses circulent sur le bio. Ainsi, les produits d’entretien écologiques certifiés Ecocert Greenlife sont soupçonnés d’être moins efficaces que les nettoyants issus de l’industrie pétrochimique ; les cosmétiques bio, d’être moins performants et moins agréables que les cosmétiques conventionnels ; les aliments bio, de se garder moins facilement et moins longtemps que ceux bourrés de conservateurs. Dans notre enquête, nous avons tenté de faire le point sur les efforts à fournir avec ces produits verts.

Enrayer l’invasion des mites dans les céréales

Quiconque a acheté des céréales bio, en vrac ou en paquet cartonné, a été confronté à ce problème. “Les céréales et les légumineuses bio attirent les charançons et les mites alimentaires, explique la nutritionniste Béatrice de Reynal. S’il y a un charançon dans la maison, vous pouvez être sûr de le retrouver dans votre paquet de farine bio.” Pour protéger ces produits des parasites, prenez la précaution de les placer dans un bocal hermétique. Vous pouvez aussi installer des pièges à base de phéromones dans votre cuisine. Cette technique est utilisée dans les réseaux spécialisés. Mais ce n’est pas la seule. “En magasin, nous ne présentons que très peu de marchandises. Nous stockons nos céréales en réserve, car des températures élevées favorisent le développement des parasites. Et les bacs de vrac sont nettoyés régulièrement, explique Christian Lafaye, secrétaire général du Syndicat national des distributeurs spécialisés de produits biologiques et diététiques (Synadis). Malgré ces précautions, les produits arrivent tout de même à être contaminés. Chaque année, nous jetons, en moyenne, de 10 à 15% de nos céréales, avec un pic de juin à septembre.” Autre moyen de lutter contre ces parasites, l’introduction en magasin de microguêpes Trichogramma evanescens, qui tuent les œufs de mites alimentaires. C’est le cas, notamment, dans quelques magasins Biocoop. En amont, fabricants et fournisseurs protègent également leurs céréales des invasions de parasites. “Nos fournisseurs placent les céréales dans une atmosphère privée d’oxygène, ce qui tue les insectes de manière biologique. Les céréales nous sont ensuite livrées nettoyées. Par mesure de sécurité, nous les conservons également dans une enceinte inerte”, explique Katy Texier, responsable qualité du secteur alimentaire du groupe Léa nature.

Ne pas stocker trop longtemps les fruits et les légumes

Les consommateurs accusent les fruits et les légumes bio, qui ne reçoivent pas de traitement après la récolte, de se conserver moins longtemps que leurs homologues du conventionnel. Cette crainte est-elle justifiée? Selon Christian Lafaye, il faut faire la distinction entre des fruits et légumes bio récoltés une fois par an (les pommes, les oranges, les pommes de terre, etc.) et ceux qui le sont tout au long de l’année. “Les premiers, du fait de l’absence de traitement, se conserveront quelques semaines de moins que des produits issus du secteur conventionnel. Une pomme se déshydratera plus rapidement, une pomme de terre germera plus vite, etc. Pour les produits que l’on trouve toute l’année, comme les carottes ou les salades, le fait qu’ils soient bio n’a aucune incidence sur leur délai de conservation: ils doivent être consommés sans tarder pour perdre le moins possible de nutriments.” Une opinion partagée par le producteur de légumes conventionnels et bio Prince de Bretagne.
Pour les produits récoltés une fois par an, producteurs et distributeurs prennent certaines précautions afin qu’ils se conservent naturellement le plus longtemps possible. “Nous remplaçons les antigerminatifs utilisés en conventionnel par le froid. Nous plaçons ainsi les pommes de terre en chambre froide dans l’obscurité pour empêcher leur germination. Carottes et pommes de terre ne sont pas lavées pour profiter de la protection naturelle que leur fournit la terre et préserver toutes leurs qualités”, précise Fatima Jamjama, directrice de la communication et des relations institutionnelles du grossiste en fruits et légumes bio Pronatura.

Consommer rapidement les variétés fragiles

Les professionnels du bio sont également organisés pour distribuer très vite leurs marchandises. “En bio, nous n’avons pas de zones de stockage, poursuit Fatima Jamjama. À Pronatura, les légumes entrent et sortent dans la journée, sauf les pommes de terre et les carottes, pour lesquelles nous avons 2 ou 3jours de stock. Les fruits restent plutôt 3jours chez nous.”
En dehors de l’absence de traitement, le choix des variétés peut aussi jouer. En bio, le consommateur s’oriente souvent vers des variétés anciennes. Or, une variété ancienne de tomates bio, par exemple, se conserve moins longtemps qu’une “long life”, à la peau épaisse résistante aux chocs. Par ailleurs, destinés à des clients exigeants en termes de goût, les fruits et légumes bio sont généralement cueillis à maturité -même si le label AB ne le garantit en aucun cas-, ce qui les fragilise. Mais ce problème de conservation ne se pose que pour certains fruits. Par exemple, les fraises, ramassées à maturité, ne se gardent que quelques heures ; ce n’est pas le cas des pommes ni des bananes, qui continuent de mûrir une fois récoltées. Cela dit, “tous les magasins bio ne nous demandent pas le même degré de maturité, souligne Fatima Jamjama. Globalement, les réseaux spécialisés achètent des denrées plus mûres que les grandes surfaces.”

Surveiller la date de conservation

Pour les aliments transformés, seuls certains conservateurs, très souvent naturels et qui ont une efficacité moindre que leurs homologues chimiques, sont autorisés en production AB. “Cela se traduit par certaines dates limites de conservation (DLC) légèrement raccourcies, explique Benoît Roger, chef de marché épicerie de Biocoop. Par exemple, pour une purée de flocons de pomme de terre, la DLC est plus courte, car le conservateur généralement utilisé est un extrait de romarin, qui est avant tout un antioxydant.” Conserver assez longtemps un cake moelleux est encore un vrai challenge pour les industriels du bio, car, pour y parvenir, ceux du conventionnel utilisent des agents de texture et des conservateurs interdits en bio. Mais, globalement, les problèmes de DLC concernent relativement peu de produits en épicerie. “Les produits secs et les conserves ne posent intrinsèquement pas de problème de conservation. Dans les premiers, l’activité de l’eau est réduite ; dans les seconds, la stérilisation fait office de conservateur. Cela dit, dans nos conserves, il nous arrive d’utiliser des conservateurs naturels pour garantir, dans le temps, les qualités organoleptiques ou l’aspect du produit”, précise Katy Texier.
En revanche, pour certains aliments frais, l’efficacité moindre des conservateurs utilisables en bio se fait davantage sentir. Pour Christian Lafaye, les aliments bio les plus fragiles sont les produits de traiteur à la coupe, “à l’instar des carottes râpées bio, que nous mettons en fabrication chaque jour, et que nous jetons à la fin de la journée si elles n’ont pas été vendues. De même, les rillettes bio ne se conservent que de 8 à 15jours, contre 3semaines en conventionnel.” Concernant les produits frais maintenus à une température de 4 à 6°C, comme les yaourts, “leur conservation est d’environ 21jours à partir de leur sortie d’usine, contre de 30 à 40jours pour les versions conventionnelles, explique Franck Bardet, responsable de la filière animale et des surgelés du réseau Biocoop. Autrement dit, une fois en rayon, le produit se garde encore au moins une quinzaine de jours”.

Se désaccoutumer des recettes sophistiquées

Peut-on tout produire en bio?“Le croustillant ou le fondant sont plus difficiles à obtenir en bio qu’en conventionnel, admet Katy Texier, car, en conventionnel, les industriels utilisent généralement de l’huile hydrogénée, interdite en bio. Pour notre part, nous avons de bons résultats avec des matières grasses naturellement semi-solides, notamment le beurre.” Les industriels reconnaissent qu’il est également difficile de produire des yaourts aromatisés bio, les arômes naturels de pêche, de cerise ou de fraise ne tenant pas longtemps. De même pour les yaourts avec des morceaux de fruits, car il faudrait remplacer le sorbate de potassium, qui évite aux fruits de noircir, et surtout empêcher le yaourt de fermenter à nouveau, tout en maîtrisant l’acidité de la préparation. “C’est la raison pour laquelle les yaourts bicouches (yaourt et purée de fruits), techniquement plus faciles à concevoir, sont devenus le standard du marché en bio”, indique Franck Bardet.
Si un produit bio semble parfois moins sophistiqué qu’un aliment conventionnel, ce n’est pas lié exclusivement aux ingrédients. Cela peut être dû à l’outil industriel. “Il est très difficile, en bio, de trouver la recette d’un gâteau qui ressemble à une Paille d’or, par exemple. Cela nécessite, en outre, un investissement industriel très lourd pour réussir ce type de biscuit complexe. Pour que ce soit rentable, le fabricant doit inonder l’Europe entière. Or, les industriels, ou plutôt les artisans du bio, n’ont pas les moyens de tels investissements”, insiste Benoît Roger.

Renoncer aux produits d’entretien miracles

Si, en alimentaire, toutes les recettes peuvent trouver amateur, pour les détergents, une seule question se pose: ceux certifiés Ecocert sont-ils aussi efficaces que leurs homologues du conventionnel? Cela semble le cas pour les lessives en poudre, les produits pour laver la vaisselle à la main et pour nettoyer les vitres, les anticalcaires (voir l’encadré ci-contre). Un succès que l’on doit, notamment, à une meilleure maîtrise des tensioactifs autorisés par Ecocert. “Nous utilisons des ingrédients traditionnels, tels que la noix de lavage ou le savon, mais nous employons aussi des tensioactifs issus des huiles de coprah, par exemple, ce qui augmente notre palette pour élaborer les produits, explique Édith Uhalde, chef de produit de la gamme détergence de Léa nature. Parallèlement, la réglementation concernant les tensioactifs s’est durcie. Les industriels du conventionnel n’ont plus le droit d’utiliser des tensioactifs qui n’ont pas une biodégradabilité ultime d’au moins 60%. Ce qui a fait disparaître un certain nombre de tensioactifs très efficaces, mais qui étaient aussi les moins biodégradables.” En revanche, les produits pour lave-vaisselle sont encore en retrait par rapport aux produits conventionnels, et les lessives bio n’affichent pas d’efficacité à basse température (voir l’encadré p.47).

Ne pas conserver les cosmétiques trop longtemps

Concernant la sécurité microbiologique des cosmétiques, la réglementation est la même, que les produits soient bio ou standard. “Nous mettons en contact le produit avec des bactéries spécifiques et nous nous assurons que le système de conservation bloque bien leur développement. La mesure que nous effectuons au bout de 28jours doit montrer une quasi-stérilité du produit”, indique Jean-Louis Pierrisnard, directeur scientifique recherche et développement de L’Occitane en Provence, qui fabrique et vend des produits bio et conventionnels. Pourtant, les cinq conservateurs autorisés par Ecocert ont un spectre de germes et de bactéries plus réduit que celui des parabens. “Ces derniers rendent le produit presque stérile”, reconnaît Valérie Lemaire, directrice générale d’Ecocert Greenlife. Pour pallier la moindre efficacité des conservateurs utilisés en bio, les fabricants jouent sur le conditionnement des produits (privilégiant, par exemple, les flacons-pompes) et sur la formulation. “Il y a des ingrédients plus favorables à la conservation que d’autres. Ainsi, certaines huiles essentielles ont une activité antimicrobienne importante”, poursuit Jean-Louis Pierrisnard. Les périodes d’utilisation après ouverture peuvent être assez courtes. Il n’en reste pas moins que, en quelques années, les industriels du bio ont nettement amélioré la performance et la qualité d’usage des cosmétiques (voir l’encadré p.44).

Échapper aux parfums végétaux

L’amélioration des qualités sensorielles des cosmétiques passe également par des progrès réalisés sur le parfum. À leurs débuts, les cosmétiques bio étaient raillés pour leur odeur, jugée trop végétale, trop brute, pas assez raffinée. “Le consommateur, habitué à des senteurs poudrées, des senteurs “bébé” complètement synthétiques, n’appréciait pas les odeurs des premiers produits bio”, reconnaît Valérie Lemaire. “Jusqu’en 2006, pour le parfum, on utilisait surtout des huiles essentielles, ce qui ne nous permettait pas d’avoir des notes variées. Celles qui tenaient dans le temps étaient des notes lourdes, comme l’herbe sèche, complète Jean-Louis Pierrisnard. Depuis, la demande grandissante des consommateurs a forcé les fabricants et leurs fournisseurs à faire des efforts en recherche et développement.” Résultat, de nouvelles matières premières sont apparues, et les parfumeurs disposent désormais dans leur portefeuille de formules bio ou naturelles.
De nouveaux procédés d’extraction ont, en effet, permis d’enrichir la palette. Grâce à la technique reposant sur le CO2 supercritique comme solvant, on extrait des composés naturels odorants de produits naturels solides tels que le poivre ou le gingembre. Les parfumeurs utilisent également les biotechnologies, qui consistent à transformer un produit naturel par l’action des enzymes ou des bactéries. Ainsi, de copeaux de bois, on peut tirer une odeur de vanille. Enfin, les parfumeurs savent aujourd’hui extraire les composants d’une huile essentielle par fractionnement. Par exemple, dans l’huile essentielle de girofle, ils sont capables d’isoler l’eugénol, qui lui donne son odeur caractéristique. “Cela évite d’utiliser l’intégralité de l’huile essentielle. On obtient ainsi des composés puissants et caractéristiques d’une odeur”, explique Jean-Louis Pierrisnard. En revanche, des progrès sont encore attendus sur la rémanence du parfum. En conventionnel, les parfumeurs emploient, en effet, des fixateurs interdits en bio, où il faut encore formuler avec des notes qui résistent dans le temps. Aussi, les parfums sont-ils moins consistants qu’en conventionnel, et un peu moins rémanents.

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